à ce moment, quelque chose revient

est-ce que la chose était partie ?

une chose est-elle équivalente à quelque chose ?
et ainsi d’une foultitude de questions que la jeune fille se posait ;

puis : tout est ensemble, tout  part d’un coup /
oui, tout part d’un coup, et il faut étaler la pâte sinon c’est indigeste /
étalons

 


étalons comme nous pouvons : courons comme des étalons

étalons-nous, gadin suprême
étalons la pâte comme il a été dit

la linéarité est une nécessité : la course dessine des élégances
que nos traces font persister

à ce moment, quelque chose revient

abouté jour chiffon

est-ce que la lutte
quelque chose avec la lutte
reste la lutte
ou bien la fuite

ne vient pas : exagéré
des futilités se passent de questions
exagéré tout à l’avenant
la fuite si possible

abouté jour chiffon
baroquisme avec léger voile
et dessous : un pataquès
lutte au placard

dévisser le panneau
attendre que le temps
dévisse les semaines
et ruine l’évidence

abouté jour chiffon
un autre jour un autre
ou bien la lutte
reste la fuite

transcrire la puissance (notes)

. de notes il est question, de notes et de notes, de mots et de notes, de notes sans mots, de paquets de mots sous les notes –
mais pas du tout de notes, aussi bien.

  1. sous la musique, sous les notes, sous les gestes, sous la nef et le transept
  2. dans tout –
  3. visibles : les vitraux, les piliers, les escaliers, les gestes, le bois, les couleurs sur les murs, des mots armoriés autour des personnages peints
  4. sous les notes fermant les yeux : des grappes de mots attachés par la langue apprise
  5. des soixante bouches sortent des sons-mots étirés méconnaissables répétés latins
  6. du hautbois, du violoncelle, des violons, des cuivres à clapet, des bouches, sortent le tout des sons dans le tout de l’espace froid
  7. les paquets de mots se bousculent sous les notes et les voix : musique, Ca 1150 «art de combiner les sons musicaux»
  8. mélologue, du gr. μ ε ́ λ ο ς « chant accompagné de musique »
  9. arrêter le sens, conserver le paquet de mots occupant la zone immatérielle des sens
  10. ah ! lisible ? compatible ? attirant ? énervant ? ah !
  11. rien du savoir, barbapapa de mots lettres sons syllabes accumulés
  12. sous les mots, seul le geste : sous ses gestes s’élève la barbapapa lisible autour du bâton
  13. lisibles autrement, les indications qu’il suit et qu’il donne : c’est le chef et sa baguette
  14. audibles : les quantités de sons formant la barbapapa de mots jamais transcrits
  15. puisque les sons-mots vivent sous l’infanchissable barrière des corps différents
  16. il n’est rien de plus paisible que la coexistence des sons autour du bâton et leur évanescence impossiblement transformée par les sens
  17. un point d’orgue –
  18. et des mots pourtant jamais dits, jamais écrits : transcrits, apparus par surprise, autour du bâton, légers dans l’air, on n’ose pas dire filamentaires
  19. la musique, dont pourtant jamais le mot ne fut transcrit, la musique organise et décompose le trajet des voix dans les corps
  20. ses gestes, suivis par des centaines de paires d’yeux ouverts, transcrivent la puissance des notes, des sons, des voix, des mots.

[Hector Berlioz, Le chef d’orchestre : théorie de son art :
extrait du grand Traité d’instrumentation et d’orchestration modernes
(2e ed.), 1902]

de la langue française, mot(s)

il est dans les hésitations, dans les limbes
il a des contours flous, des drapés diaphanes,
il emprunte des mots souvent courants, il en perd d’autres,
à un moment il a la tête penchée,
pour un texte, c’est bizarre, il se penche sur amour,
il l’a rêvé, puis l’a mis à la corbeille, d’un geste délibéré,
ensuite, pris de remords, il l’a recherché,
rien ne se recherche, a pensé ce qui pensait sans glisser
il a bien vu que penser et pencher, il a vu, entendu
c’est courant, il n’a pas couru, il a continué,IMG_20160607_132113
il est bien sous sa douche de mots penchés
il les savonne sans glisser, il prend des précautions,
il en faut, pour un texte qui se pense,
mais pas trop, il ne faut pas trop travailler,
il n’est pas une pâte, un texte n’est pas une pâte,
où est amour, il l’a rêvé puis mis à la corbeille,
sans penser à rien, ou bien il l’a dit à quelqu’un
qui n’a pas entendu, le seul mot qu’il n’utilise pas
aurait-il dit dans son rêve ou bien ailleurs,
la corbeille est vide, le texte a disparu
il est dans les limbes, dans des drapés diaphanes

(une autre fois, il sera question de bonbon)

dans le tiroir des chaussettes choisir

elle trie les chaussettes, les noires, les beiges, les vertes,
les orange, les imprimées fleurettes,
elle les place, les replace,
elle prend et repose,
elle se dit des choses,
rien n’est arrêté tout est possible
elle défait une paire, regarde une couture
………………………………………………………………………
elle finit par parler : les chaussettes ne répondent pas,
elle regarde des petites fines qui glissent sur le talon
elle aperçoit les rouge au fond,
les grises sont déjà vieilles,
d’autres à jeter qu’elle ne jette jamais,
elle voit les chinoises chinées : idéogramme chaussette
la folie la guette, les chaussettes se taisent
………………………………………………………………………
elle manipule dans le tiroir,
la folie la guette, les chaussettes se taisent,
elle choisit des chaussettes, idéogramme chaussette
elle se dit des choses,
elle prend et repose,
rien n’est arrêté tout est possible,
les chaussettes ne répondent pas.IMG_20160513_212836

à ce moment les mots manquent

trop d’accès, trop d’accès !
venez par là, il n’y a qu’une issue (le lapin)
c’est la seule possible quand vous étouffez
je me noie, je me meurs !
comment, vous ne savez pas ça ?! quoi ?
:: les mots manquent ::

à ce moment les mots manquent
aucun sur le ciment, aucun sur le béton,
aucun dans les fleurs, aucun dans les buissons
roses de leurs promesses récurrentes,
jaunes de leur paralysie languissantebrique femme

de leurs vies ils vous entretiennent,
leurs orifices ils vous détaillent,
leurs organes ils vous jettent à la vue,
leurs sexualités ils dissèquent à tout va,
venez par là, il n’y a qu’une issue (le lapin)

je vous suis, je suis vous, non ! oui !
il n’y a qu’une seule bataille possible,
elle est cachée au fond du terrier, venez !
la terreur n’est pas dans le terrier, venez !
comment, vous ne savez pas ça ?! quoi ?
:: les mots manquent ::

©Picasso, fragment de brique décoré d'un visage de femme, 1962