Une théorie de l'attachement, P.O.L, 2002 /
L'enfant fini, Cardère éditeur, 2016 /
pipelette dancing, Editions louise bottu, 2022 /
L'homme en bleu, Julien Nègre éditeur, 2022 /
Introduction au sommeil de Beckett, Julien Nègre éditeur, 2023 /
& textes dans des revues : larevue* 2019, 2020, 2021, 2022,
Revue Rue St Ambroise (n° 45, 2020), TXT n°33 (2019), Jungle Juice (#6, 2017), + sur le web : Atelier des auteurs P.O.L, remue.net, libr-critique…
de l’eau au jardin il en faudrait – le son d’une goutte sur le grès dans la nuit la vue diurne sur la lisière du toit au-dessus du mur de brique rafistolé
de l’eau au jardin le son rassurant des fontaines andalouses entre dans la profondeur d’un seul mot qui entre ? et qui entrera ?
parce que c’est impossible à dire existent, flottants, ces mots existent, particulières, ces percussions encore impossibles, ces couleurs
le geste de jongler d’une main avec des oranges volées & le rire qui vole aussi loin vers les buttes hautes…
j’ai demandé à Dall.e des images pour ce titre, …chose la plus immatérielle… qui soit une fois que j’avais vu la variation qui me plaisait, l’original me parut de plus en plus fade
le tore est un trou, disait-il, ce scientifique, pour minimiser Lacan
= comment le mépris agit, du scientifique envers le psychanalyste,
et en même temps comment le surréalisme les a unis dans cette période
(années 30 grosso modo, et ensuite jusqu’à 50)
le mépris, une belle figure qui tient les humains ensemble,
les uns par rapport aux autres,
le mépris du scientifique (la réalité existe, je l’observe)
par rapport au trou du réel (n’existe pas, je l’invente)
les livres sont aussi des trous
il y a un gardien des livres, qui les nettoie,
les lave avec un savon spécial, les classe, les range,
dans la pièce, le gardien des livres considère les livres à classer,
à remettre dans un ordre, choisir un ordre,
alphabétique, par domaine, arts, musique, romans, etc.
c’est moche, sachant qu’aucun ordre n’est le bon
prenons une machine à coudre
prenons une mitraillette
prenons une perforeuse
et perforons des trou-trous !
on comprend rien à ce que vous dites, Madame !
ça tombe bien, moi non plus.
il n’y a rien nulle part il n’y a pas de nulle part on se réfugie ailleurs l’ailleurs se dérobe le rien résolu demeure on le regarde en face on le nargue le rien donne le change avec ses lunettes de soleil attablé en terrasse le rien se pavane le rien nulle part est un faux il n’y a pas de nulle part le rien se contredit derrière lui un autre rien ricane on ne sait plus lequel est le vrai on coupe les phrases à la hache on en dissèque les cadavres on cherche l’adverbe manquant
quand soudain une moto vrombit.
Peinture murale : figure féminine, vers 100-150 ap. J.-C. (provenance : environs de Rome)
comment se souvenir de ce qu’on dit de ce qu’on fait ? comment se souvenir ? comment se souvenir des mots des choses qui sont derrière les mots ? des gens qui habitent les mots ?
comment se souvenir des mots ?
il fut question du temps il y avait même des réserves de mots des caves entières des grimoires et des locuteurs et du temps un mot si lointain si imprécis si fragile
on retrouva même la page où il apparut :
Le temps, dit-il dans le cabinet aux étoiles de Greenwich, le temps était de toutes nos inventions de loin la plus artificielle et, lié aux étoiles tournant autour de leur axe, il n’était pas moins arbitraire que s’il eût été calculé à partir des cernes de croissance des arbres ou de la durée que met un calcaire à se désagréger ; sans compter que le jour solaire auquel nous nous référions ne fournissait pas de repère précis et que pour mesurer le temps il nous fallait avoir recours à un soleil moyen, imaginaire, dont la vitesse de déplacement ne varierait pas et qui dans son orbite ne serait pas incliné vers l’équateur.*
il y avait bien trop de mots et certains étaient soulignés et dans la marge était inscrit “le temps” comme une fébrile redondance une périlleuse extraction du jus du sens et il fut préférable d’inscrire “toutes proportions gardées” à la place et ce fut fait.
* W.G. Sebald, Austerlitz, traduit de l’allemand par Patrick Charbonneau, Actes Sud, 2002