Une théorie de l'attachement, P.O.L, 2002 /
L'enfant fini, Cardère éditeur, 2016 /
pipelette dancing, Editions louise bottu, 2022 /
L'homme en bleu, Julien Nègre éditeur, 2022 /
Introduction au sommeil de Beckett, Julien Nègre éditeur, 2023 /
& textes dans des revues : larevue* 2019, 2020, 2021, 2022,
Revue Rue St Ambroise (n° 45, 2020), TXT n°33 (2019), Jungle Juice (#6, 2017), + sur le web : Atelier des auteurs P.O.L, remue.net, libr-critique…
racler le fond de la vieille casserole qui te constitue en lécher les bords racler encore le fond en récupérer les traces qui collent aux parois racler jusqu’à l’obsession en finir avec le sens : jamais ni dans un sens ni dans l’autre
quel est le sens ce sens
de la centrifugeuse
de droite à gauche
ou de bas en haut
elle nous malaxe
nous expurge
nous presse les chairs
qui passent par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel
après nous réduit
par cuisson le cerveau
nous le découpe en petits pois
nous l’étire
nous le reforme à volonté
selon le sens le fameux sens
de la théorie commune
précise dure claire
et sèche et tranchante
nous ressort
lavés transformés transmutés
en robots infantiles
tournant enfin
selon le sens le très beau sens.
Déchiffrer l’enveloppe : des graffiti la zébraient. Pourtant c’était bien la nouvelle insensée. Il y avait un enfant petit, un père, que la mère de l’enfant regardait avec tendresse. L’enfant petit venait se blottir contre le jeune père : le spectacle était parfait. La mère était invisible, même pas dans une encoignure : invisible. Seul son regard existait. Dans le fauteuil, eux se chuchotaient des choses inextricables mais calmes.
La nouvelle insensée parcourait une distance de temps importante, incalculable. Elle était le contenant et le contenu. Bien sûr, à la fin elle figurait sur l’enveloppe, sous forme de lettres indéchiffrables et de traits, oui, des graffiti comme sur un mur. Le père et l’enfant n’en étaient qu’une infime partie. Une autre partie, souterraine, agissait sans qu’on puisse voir quoi que ce soit : c’était la nouvelle insensée.
Il n’y avait pas de spectacle du tout, pas de composition. Le contenu avait disparu, ou plutôt régnait une incertitude qu’il eût ou non existé. L’enveloppe donnait une piste sur l’enfoui : la nouvelle insensée demeurait comme trace. D’ailleurs n’en restait que le recto ; c’était une enveloppe sans verso. Une inscription sur un rectangle, presque une oeuvre d’art. Personne ne pouvait cependant dire “un dessin”, parce qu’elle se refusait à se laisser enfermer dans une catégorie.
La nouvelle insensée prenait un tour majeur, venait nommer le vide qu’elle contenait. Elle clôturait une phase. La mère disparaissait possiblement, du regard et de l’existence des autres. Une trace à la place d’elle resterait, flottante, sur une enveloppe quasiment illisible et sans verso, à la limite de l’art, entre l’écriture et le dessin : la nouvelle insensée.
Dans cet espace virgule je ne suis pas et pourtant je m’y vois mais sans image ici le point d’interrogation se fait très pâle presque inexistant la virgule elle toujours insistante.
Beaucoup de bruit énormément de bruit résonne en fond dit fond sonore mais c’est bien motivé le bruit caractéristique du fond sonore me parle dans ma tête à l’intérieur sans moisir nullement je pense.
Je pensais de nombreuses choses gênantes je le dis tout net je me trompais : de fortes erreurs comme des montagnes d’erreurs des montagnes répliquées d’erreurs et l’infini s’arrêtant devant la cendre minuscule.
L’homme pêche, ça commence toujours comme ça, devant un lac, au bord du lac, il pêche. Il est concentré, il a un chapeau assez plat qu’il porte sur le milieu du crâne, ni trop près des yeux, ni de la nuque, non : comme il faut, qu’il soit plat, que la fonction du chapeau soit de couvrir sa tête, très simplement, n’entrave pas ses gestes. Le protéger du soleil serait accessoire.
Bref ce pêcheur-là. Un peu trapu, pas forcément lent, on peut saisir des gestes vifs à le regarder, voire le scruter, le surveiller peut-être ? Pas très grand, bien qu’on ne voie pas la taille qu’il aurait debout, tel qu’il est assis sur son tabouret à anse rectangulaire évasé en osier avec son matériel dedans.
Un homme paisible, qui aurait renoncé aux bruits du monde, aurait-il des cheveux gris ? L’homme est là depuis un moment, il n’a aucune raison d’être ailleurs ; il pêche. Il en montre tous les signes, sans aucune précipitation ni ostentation. Il se penche sur l’hameçon, réajuste l’appât, lance le moulinet, fait le nécessaire.
une petite bande minuscule invisible et invincible
*
le développement aurait pris du temps
il aurait fallu marcher longtemps
secouer la tête
discuter
ergoter
*
même les conditionnels sont miscibles dans l’eau
un peu de chimie organique
un peu de mécanique des fluides
un peu de quantification gravitaire
un peu d’au-delà dédié
je me laisse aller en écoutant Barbara chanter sa chanson sur l’inceste qu’elle a subi couper la phrase ? je me laisse aller, zuerst und dann, wir sehen au futur : wir werden sehen oui, tout ce que nous verrons se verra
je me laisse aller, je suis une sorte de liquide épais coulant comme du caramel (la panique me saisit quant à couler sur quoi)
et maintenant on nous sert Jean Ferrat on revient dans les années d’enfance lorsqu’on mettait ce disque sur la platine dans cette famille qui l’aimait tant pourtant que la montagne est belle comment peut-on s’imaginer, en voyant un vol d’hirondelles
pourrions-nous savoir ce que nous aimions, enfants ? nous aimions ce qui était aimé par nos parents (et alors ?)
ce dimanche ressemble à un samedi à la radio il y a cette fête de famille, ce soir, peu après le solstice : l’enfant paraît, les jours grandissent, etc. et maintenant Nougaro : dansez sur moi le soir de mes funérailles
quelque chose d’incompréhensible se produit : la couleur du bois est celle du caramel que je suis devenue
dans mes oreilles et dans mes yeux dans mon ventre au bout de mes doigts ce sera plus simple si je me laisse aller en caramel bois zuerst ; un dann, wir werden sehen…