sur le motif « comme à l’accoutumée… »

 

 

je fais ma gym au sol devant les volumes de l’Encyclopædia Universalis, qui, comme chacun sait, servent à maintenir la bibliothèque lorsqu’elle n’est pas fixée au mur.

je pense (à peine une pensée), quelqu’un en moi pense : et si j’écrivais un livre à partir d’un volume que j’ouvrirais, du mot que je trouverais, livre ouvert ?

je fais ma gym sans mes lunettes évidemment, autant dire que je n’y vois rien, le jeu est de tirer un volume au hasard, de l’ouvrir, de mettre alors seulement mes lunettes.

ce que je fais : un mot introduit toute la double page : Iran.

immédiatement pensé-je à nouveau (tant de pensée pour rien, quel gâchis) : nous y sommes (oui mais où ?), les missiles balistiques, la réplique attendue d’Israël.

Iran, je pense alors : ira, irae, la colère. pourquoi comment associer des trucs pareils ? des trucs ressurgis du néant du latin jadis appris ?

il se trouve cependant qu’il y a une collusion troublante entre le mot Iran et la signification du mot ira. je n’en tire aucune conclusion, prudemment.

je fais une photo de la double page 594-595 du volume 12 Inceste – Jean Paul, et puis rien. quelqu’un fera bien le travail à ma place.

ma paresse est immense, je m’y baigne, je m’en délecte, je suis reconnaissante au destin de m’avoir fabriquée si paresseuse.

mais quelqu’un se rebelle, quelqu’un voudrait toujours me faire travailler, écrire un livre, alors que je préfère tant écouter des chansonnettes et chantonner.

la musique sautillante et les ritournelles, les opérettes et toutes les formes mineures m’enchantent (cette phrase décrit pourtant une réalité fausse, ou stéréotypée).

la pensée divague, ce n’est pas bon pour le droit fil du sens. Michel Blanc vient de mourir et des tas de bruits pas blancs du tout circulent dans sa chanson.

 

 

signes ? / objets // cube ? / espace

 

 

ne bouge pas ou se resserre
le corps assigné a une respiration

ne bruit plus ni gestes
cantique de l’impuissance
un dire bien trop grandiose

à plat drap repassé
lézard ferré dans l’affolement
corps plaqué à l’étouffée

questions rompues
par ces chiffres égrenés
accompagnant les efforts

les membres alors ordonnés
obéissant aux chiffres
énoncés en suite chantée

bouge le corps désormais
scandé par rupture de la pensée

< Votre correspondant est absent…>

 

 

ça rend pauvre
ça se passe par soustraction

dommages souterrains déviés
des malaises des errances
           & soudainement
ce gel des avoirs de chair
cette putréfaction rampante

anodine rapacité des affects blancs

étale sa fausse vélocité
crie sans fondement
glisse sur un linge trop propre

ça coule pauvrement : la parole.

Fabien Granet, Motif, 2023

[derechef lié à quoi : paf]

 

 

 

c’était si loin je ne me souviens pas
je ne me souviens pas
je ne me souviens de rien
c’était si loin
au loin je vis
au loin je voyais
il y avait
il y eut
c’était si loin
une cour des arbres
une fenêtre
au loin je voyais
au loin je vis
et je vis
je vis
je vis…

les choses, a posteriori, se minimisent

 

 

– – écartées les pensées
équerre et compas de maçon

dans l’espace en trois dimensions
des pensées collées riz gluant

donnez la mathématique
recouverte de moire

du souvenir l’inconsistant
pourtant ramassé

éprouvera quittance
& du temps l’infinitésimal

achevé au loin disparaîtra
fumée de l’oubli : cliché

oeil disparate cacodylate
recherchant mémoire fouillis

hors image hors précieux
hors dimensions hors exégèse

parfum dernier recroquevillé
enroulé roulé déboulé sevré

ici une main se chargera
d’officier pour parachever – –

• liste triste sans émotion avec moteur

 

 

 

il n’y a rien nulle part
il n’y a pas de nulle part
on se réfugie ailleurs
l’ailleurs se dérobe
le rien résolu demeure
on le regarde en face
on le nargue
le rien donne le change
avec ses lunettes de soleil
attablé en terrasse
le rien se pavane
le rien nulle part est un faux
il n’y a pas de nulle part
le rien se contredit
derrière lui un autre rien ricane
on ne sait plus lequel est le vrai
on coupe les phrases à la hache
on en dissèque les cadavres
on cherche l’adverbe manquant

 

quand soudain une moto vrombit.

Peinture murale : figure féminine, vers 100-150 ap. J.-C.  (provenance : environs de Rome)