sucrerie pianistique & halieutique

La java se danse avec des petits pas à trois temps,
non pas tournés comme dans la valse, mais dandinés.

1. agitations matinales, fonction journal


sam. 8 févr. à 10:33, fonction recherche, 
fonction que puis-je faire pour vous ?
température maximale, température minimale
belles éclaircies, nuages prédominants ce soir


sur le bureau du grand-père de mon grand-père
c’est la java bleue, la java la plus belle
dans la cuisine, le bruit spartiate de la machine à café
la java la plus belle, celle qui ensorcelle,
c’est la java bleue, celle qui ensorcelle,
qu’on danse les yeux dans les yeux

fonction aujourd’hui, qu’est l’aujourd’hui ?
2. dilemme de la petite ville


l’écrire ou y aller, lun. 10 févr. à 10:37

bord de mer, fin du bord de mer
iode, odeurs d’iode, poissons frais, odeurs
respirer le port, l’odeur du port, 
le port comme Pessoa tout entier rôdant vers le port
ses effluves disparus

bord de port autant que bord de mer
différencier les bords, s’attarder aux bords
chapeau, canne à pêche, réécrits quinze mille fois
taquiner le poisson ! canne triomphale soulevée !

fonction auparavant, qu’est l’auparavant ?
3. je parle à ma salle de bains

je lui parle intérieurement, lun. 10 févr. à 15:36
je lui demande où sont mes pastilles pour la gorge
il n’y en a plus alors va te faire un thé, me répond-elle,
j’obéis, c’est tell. prat. d’obéir à la voix

l’odeur de Paul et Virginie c’est le nom du thé
est absol. délic. ensuite du chiffon de mes lunettes
je fais mésusage, j’essuie autre chose
ma distraction vient de la voix qui m’intime

le temps du sablier est écoulé, il y a trois temps
j’en ai choisi un, il a fait le thé c’est écrit quelque part

[fonction rappels, vous n’avez rien de prévu demain]

 

Adel Abidin, Three Love songs, 2010

{il n’y a pas de phrase simple} + 1 [hyp.]

rien n’est simple, ni le mot ni l’homme ni le poisson

de nombreux mots se glissent comme des poissons
sous les ceintures abdominales et dévorent les organes
de la raison ; car la raison est un poisson intérieur

les mots au fond des bouches qui font plop à la sortie,
les mots à la surface comme quand on fait le poisson,
s’exercent à avoir raison de la raison
c’est la chose la plus forte – la plus forte (répète l’écho) –

*

je descends à S. pour écrire un mot
je ne m’appelle pas mon ami Pierrot
bien sûr que non ; devant le miroir
je fais le poisson que je ne mange pas

je descends à S. pour écrire un mot
et rencontrer le poisson que je ne suis pas
la solution que je mangerais violemment

la violence n’est jamais une solution, le poisson peut-être

la théorie de l’évolution n’est pas seulement
l’histoire de l’humanité mais aussi l’aspiration
à ce que l’être évolue tout au long de sa vie
or l’être peut revenir en arrière, redevenir poisson
[hyp.]

ainsi passa l’après-midi, avec pour horizon le poisson

je n’écris pas pour des lecteurs, pour aucun lecteur –

en regardant mon tapis de salle de bains –

les lecteurs trouvent les livres, point 1

aucun lecteur ne trouve aucun livre, point 2

les pluriels se marient entre eux et avec le je, ça fait désordre

je m’adresse à lui toi, à peu près, point 3

mes pieds sont mouillés : le tapis n’est pas sec, lui

les formes des pieds y sont dessinées, pour savoir où les placer

un lecteur lira des livres, et avant, aucun –

aucun livre : quel rapport ? aucun –

aucune émotion ne m’étreint à la vue des formes, de pieds

j’espère et n’espère pas une disparition des formes

point 4 : avec pour horizon le poisson –

ainsi passa l’après-midi, sans émotion –

c’est encore trop : aucun lecteur ne lira (plus) aucun livre