La java se danse avec des petits pas à trois temps, non pas tournés comme dans la valse, mais dandinés.
1. agitations matinales, fonction journalsam. 8 févr. à 10:33, fonction recherche, fonction que puis-je faire pour vous ?température maximale, température minimalebelles éclaircies, nuages prédominants ce soirsur le bureau du grand-père de mon grand-pèrec’est la java bleue, la java la plus belledans la cuisine, le bruit spartiate de la machine à caféla java la plus belle, celle qui ensorcelle,c’est la java bleue, celle qui ensorcelle,qu’on danse les yeux dans les yeuxfonction aujourd’hui, qu’est l’aujourd’hui ?
2. dilemme de la petite villel’écrire ou y aller, lun. 10 févr. à 10:37bord de mer, fin du bord de meriode, odeurs d’iode, poissons frais, odeursrespirer le port, l’odeur du port, le port comme Pessoa tout entier rôdant vers le portses effluves disparusbord de port autant que bord de merdifférencier les bords, s’attarder aux bordschapeau, canne à pêche, réécrits quinze mille foistaquiner le poisson ! canne triomphale soulevée !fonction auparavant, qu’est l’auparavant ?
3. je parle à ma salle de bainsje lui parle intérieurement, lun. 10 févr. à 15:36je lui demande où sont mes pastilles pour la gorgeil n’y en a plus alors va te faire un thé, me répond-elle,j’obéis, c’est tell. prat. d’obéir à la voixl’odeur de Paul et Virginie c’est le nom du théest absol. délic. ensuite du chiffon de mes lunettesje fais mésusage, j’essuie autre chosema distraction vient de la voix qui m’intimele temps du sablier est écoulé, il y a trois tempsj’en ai choisi un, il a fait le thé c’est écrit quelque part[fonction rappels, vous n’avez rien de prévu demain]
dimanchement rêvé un bruit de sms inexistant avertirait que le sommeil est terminé les yeux fermés dans un faux calme décidé s’effaceraient les catastrophes
une poire aurait été découpée dans un bol de verre bleu par une femme téléphone calé contre l’oreille droite d’abord malhabile à l’éplucher glissante l’aurait ensuite déposée nue sur l’inox aurait ri au téléphone aurait encore attendu les jours seraient passés nombreux les certitudes reposées dans le lit du temps sans projet autre que son passage négligent et le gauche effet de l’économe sur la poire
dimanchement rêvé un bruit de sms inexistant avertirait que le sommeil est terminé les yeux fermés dans un faux calme décidé s’effaceraient les catastrophes
L’amie lui fait signe, alors qu’elle a si longtemps attendu, qu’elle a cru qu’elle avait disparu. L’amie lui fait signe et c’est comme un revenu d’ailleurs. Elle lit son signe et c’est comme un revenu froid. Elle a tellement attendu. C’était la douleur et l’inquiétude. Elle s’inquiète de ce qu’ils deviennent, tous ceux qui cessent de lui faire signe plus qu’un moment, plus que quelques semaines, que quelques mois. Comment se mesure le temps ? Comment le mesure-t-elle, elle qui attend le signe en retour ? Ça ne répond pas, dit-elle à haute voix. Ça ne répond pas, se dit-elle à l’intérieur. Pourquoi ? Le jour se lève, le jour finit, ça ne répond pas, et le lendemain, le surlendemain, pas de répit dans l’absence de réponse. Quand ce n’est pas l’un, c’est l’autre. Les amitiés s’étirent et s’étiolent. Il n’y a plus de liens vivaces, tendus, élastiques. Les amitiés, comme des mollusques, laissent une trace baveuse sur le cours du temps. Il n’y a aucune explication. Il n’y a pas de solution. Les mots sont pauvres, pauvres, pauvres (elle se secoue en prononçant ces mots). Puis subitement un mercredi, comme si le temps avait fait une boule, et qu’il aurait décidé de propulser la tentacule principale issue de la boule, elle reçoit des signes. Ni prévus ni prévisibles, ils arrivent de la galaxie du méconnu, du mystère de l’intention, du souvenir transperçant les couches de l’inattention. Et parfois honteux, conscients d’avoir fait attendre. Et parfois en rafales inexpliquées. Elle est meurtrie, ou très meurtrie, mais il y a pire que ce revenu froid, longtemps après. Les choses se passent après l’après ; c’est inexplicable mais c’est comme ça. Après l’après, une fois que l’après a été consommé, arrive l’après. L’après arrive et c’est trop tard, tellement trop tard que ça peut devenir trop tôt : un avant l’après après. C’est fini, le trop tard s’est transmué en trop tôt. Ses sentiments ont gelé comme s’ils avaient été au congélateur durant l’attente.
Cependant, mondialement, les amis existent, comme la politique mondiale, les amis mondiaux. Il y a plein de monde autour : le monde mondial donc. C’est une belle chose que le monde mondial ; il réconforte comme un bon scotch au coin du feu.
peut s’agir d’une sorte de prurit, peut, se peut,
et aussi LA PLUPART DU TEMPS : d’un retard, d’un différé
puis, d’une vitesse excessive, ça va vite, on est fébrile, on casse,
on se prend une porte sur le pied tout va trop vite, tout se brouille,
d’autres sons viennent à la place
//
c’est alors que des mots viennent à la place d’autres mots
et éclosent aux lèvres riantes : une erreur pas retenue
\\
la légère débilité du moment couvre les annonces anticipées
de la fin ; aucune fin ne saurait venir à ce moment
::::
la moue invitée se dissipe, des yeux se regardent encore,
évoquant un temps passé, l’autre autre, décidément autre,
sans plus aucun sexe, on n’a plus le temps pour ça
::::
fatalement ces semelles glissent sur le sens désormais fracturé des occupants voyants, des trottoirs couverturés, des issues lissées
?¿¿?
fatalement se propage la fausseté renouvelée du temps présent,
fatalement se prépare l’iniquité du temps futur,
fatalement se verrouille la paresse élogieuse du temps passé
C’est à dire, ne pas lui dire, ne pas leur dire, se taire, ne rien dire. Comme ceci ? comme cela ? Comme ils ne sont pas là ? Comme ils sont là mais ne répondent jamais ? Se mettre en retrait ? Reculer de plusieurs pas devant la porte ? Tourner les talons ? Marcher à reculons ?
Qu’il n’y ait pas une longueur d’avance. Qu’il y ait du retard. Qu’il soient là mais n’entendent pas. Qu’ils ne soient pas là et aient oublié. Qu’ils soient partis chercher du lait. Qu’ils soient là-haut sur la colline à siffler. Qu’il n’y ait jamais de solution. Que le jamais soit proscrit. Qu’ils ne l’aient jamais prononcé, en fait.
Combien sont-ils ? Quelle est l’armée de réserve de ceux qui ne répondent pas ? Est-ce une désertion ? Je pars à la plage, je ne laisse pas de traces. Je disparais dans la montagne avec des bêtes. Aiment-ils les bêtes ? Et les plantes ? Et la tempête dans le ciel ? Et les sources pures où ils s’abreuvent avec elles, les bêtes. Et la peinture qui les représente.
Qu’ils aient des yeux pour s’extasier devant les peintures. Qu’ils aient disparu pour s’extasier. Que l’extase soit devenue leur moteur. Qu’ils aient mis un tigre dans leur moteur.
Que le temps long soit devenu impossible. Qu’ils restent impassibles devant l’attente de l’autre. Qu’ils n’aient aucune idée de ce qu’est l’autre. Que ça les fasse bailler d’ennui, l’autre. Que l’autre devienne un ennemi. Qu’il faille s’en protéger comme d’une espèce dangereuse.
Ils ne répondent pas. Ne répondent plus. Capitulent. Se protègent. Disparaissent. S’appellent de noms trouvés dans les gazettes scandaleuses. Même pas. Ne changent pas de nom : le liquident, le grattent sur les papiers. Même pas. Ne font rien. Chassent le papillon. Pas non plus.
On ne sait pas, on ne devine pas, ni ce qu’ils font, ni où ils sont. Ils ne sont pas là où on les croit. Ils sont dans des endroits banals mais on se refuse à l’imaginer. Ils sont au travail. Ils croulent sous le travail. Ou bien ils ont démissionné. Déjà ? Oui, c’est probable : on ne l’a pas vu depuis une semaine. Il n’a pas été vu. On ne sait pas ce qu’est voir, mais il n’a pas été vu, ni bu, comme du petit-lait. C’est passé comme une lettre à la poste. La lettre est passée, zioup, hop, comme du petit-lait au fond de la boîte.
Les disparus et les absents à l’appel, les cachés : ne répondent pas. C’est leur seul dénominateur commun. Ils sont une multitude. Il faut appuyer sur des touches. La touche A est enrayée, la touche B refuse de s’enfoncer, etc. Des touches sont effacées par le temps qui efface tout, absolument tout. Pas du tout, pas ce qu’on croit. Ils n’ont pas disparu sous des touches. Il y avait bien pourtant des touches. Il y avait des touches mais pas celles qu’on croit. Des touches fortes et tangibles, sur lesquelles on appuyait, et qui répondaient.
Le temps n’efface pas tout. Rien de ce qu’on croit. Rien n’est cru. Ils sont toujours là, morts ou vifs, tapis derrière les rideaux. L’alphabet les aide à se tapir. Ils s’y coulent comme dans de la mayonnaise. Dès qu’on sonne, personne ne répond. Au jugé, dans le soleil aveuglant, se reculer sur un trottoir absurde. Et considérer la situation avec sagesse et émotion, gloire et persuasion, cinéma et componction, coiffure et paramount.
Le dossier Sofia n’avance pas. Pas comme il devrait. On ne sait pas ce qu’il devrait à qui, mais il devrait et n’avance pas. On se tient devant la porte et ça n’ouvre pas. Il y a plusieurs portes dans différentes configurations de villes, de villages, de maisons isolées, d’immeubles plus ou moins anciens, d’impasses et de boulevards plus ou moins tranquilles, plus ou moins en bordure de rivières, plus ou moins en hauteur.
Dès qu’une forme de Sofia apparaît, elle est balayée par une ombre qui la noie. Elle est introuvable, il faut y aller au jugé, à tâtons, dans le noir. Derrière la porte, le silence. Pas tout à fait le silence : ce silence brodé de légers bruits, acoustiquement instables, limites.
Des documents existent, mais que sont des documents face à l’indifférence ? Des documents existent dans des chemises et ils sont interprétés. Il faut faire attention à les ficeler, faute de quoi le vent pourrait disperser les feuilles. Ils n’en sont plus là ; les archives ne sont pas conservées au-delà de leur date de péremption.
Le dossier Sofia stipule qu’il fait jour. C’est la moindre des choses, qu’il fasse jour. Il ferait nuit qu’on n’en serait pas plus étonné. Mais il fait jour. Il n’y avait personne derrière les rideaux. Ou bien ont-ils été légèrement écartés ? À force de scruter, on aurait pu avoir l’illusion qu’ils ont bougé.
On ne peut décemment pas tirer de conclusion de ce fait sauf : là-bas, une maison, des rideaux, des fenêtres, d’abord des fenêtres, des rideaux, quelqu’un derrière. Les absents ont toujours tort. On se tient prudemment en retrait. On recule. On se tient à distance. On se protège.
si je me presse, si je me presse, il ne restera rien : l’artichaut pour cuire doit rester sur place durant vingt-cinq minutes et à chuinter la cocotte montrer son efficacité
si je me presse comme la Japonaise qui joua Rhapsody in Blue excessivement accelerando si je me presse, si je me presse, il ne restera rien de mon allant, rien de mon venant
si je me presse, aucune image ne pourra induire qu’elle est valide, et dans le temps imparti les labours lointains ne donneront aucun foin
si je me presse, la flaque d’éternité rejouera son sale morceau tout en dégoûts & ressauts qu’un piano ironique lèchera sans relâche