le moment où c’est plat

plat non visible non audible : plat à peine représenté,
oeufs même pas, ni pluriel : plat

plat et trop, un et deux, régime de biais, dégoiser
c’est donc plat ! ça l’est et pas qu’un peu

la vie plate plate plate là-bas : ici, non ?
ici l’est plate : plate colorée de gris perle

le moment plat : coquille sans rebondissement
minceur disparate soulignée d’achromie

échappée des statuts : plat comme platitude
simili-plat, geste : résorption de l’espace dans le temps

si défini qu’il soit, le moment plat : augmenté dès que dit
disparaît dans sa platitude : il passe

 

désordonné et autres mots plausibles (php* bis)

* petits hurlements de poésie

désordonné,
considérant ce mot tête penchée peau blanchie
sans en quérir le sens, l’assis, avec la fatigue des jours ensuivis

désordonné passé par ici repasserait par là

blanc de ce blanc de craie à l’arête du temps, à sa section sèche
si difficile, si brillant de ce blanc aux surfaces obscures

rire souvent,
très rapidement préoccupé, ses jambes emmitouflées,
perdant la tête : un ténor monte et descend avec emphase

sont-ce petits reculs profonds tels sauts minuscules ?

désordonné,
une nouvelle fois atteintes les rives du mot,
fugitivement défaites,
y revenir les heures d’après quand le temps aura repris sa course

l’entendre souvent, tout ce qui se dit s’épanouit désordonné,
déconnecté de ses ordonnées, décoordonné,
fuite à dire,

désordonné l’autre espace pas complété

rapprochement de deux matins

un matin sans phrases                                                        Paris, octobre 2017

y faire attention, écouter, percevoir :
aucune phrase, aucun silence non plus

prendre la mesure de l’entour, des emmanchures du langage

la qualité des phrases venues, certains matins,
fait éprouver
un matin sans phrases


                                                                                                                          http://www.cnrtl.fr/lexicographie/matin

(un matin sans titre)                                                     Grenoble, janvier 1973

aurore brumeuse
cachant sous son manteau
le réveil douloureux
de la ville qui s’étire

matin méprisant
jetant sur les taudis
sa lumière incertaine

têtes ébouriffées
cherchant vainement
d’un oeil fou
l’asile inaccessible

grilles tristes laissant couler
un flot hâve
d’hommes vidés

voilà c’était un matin d’automne.

la couleur réglisse des mots

[19 juillet 2014]

j’ai les trois premiers mots, ils sont venus ce matin suite à un rêve compliqué, je les mâchonne déjà un certain temps pour être sûre qu’ils ne se font pas la malle, puis je sombre dans une tristesse sans fond dont par définition j’ignore l’origine et d’ailleurs si j’en connaissais l’origine qu’est-ce que ça changerait, ensuite je les promène, eux et la tristesse, plus l’extrême chaleur, pour tenter de diluer le tout, ça se transforme en mayonnaise informe dans une grande librairie dont je tais le nom puisque de librairie elle n’a plus que l’intitulé, lequel n’est pas identique au nom, je suis dans un cauchemar, tout a disparu, je veux dire, tous les livres, autant dire tout, ne reste que des images très colorées, stupides, des touristes trop grands, des effigies, des gilets pare-balles, du bleu-blanc-rouge,

et alors je veux disparaître dans une tente mais je suis retenue au bord de la disparition par l’idée, toute con, de la popote ; la popote, cet objet qui flirte avec la tente ; par l’idée, toute con, de l’oreiller gonflable ; l’oreiller gonflable, cet objet mou qui flirterait avec mon cou, mais comment ; le mobilier de camping ; ces objets tout cons qui flirtent avec le néant de l’horaire ; et, alors qu’une G réparatrice, entendre ici bière irlandaise très brune, me répare, les trois premiers mots sont toujours là, maintenant très éloignés comme un train très en retard, je les maintiens, les saucissonne, les arraisonne, sans aucune certitude sur leur ordination, et leur demande des comptes : vous, là, les trois premiers mots, oui, vous /

quelque chose est signé à la place

elle lit les mots n’y sont pas

quelque chose est signé à la place
un pré avec deux ânes dedans
à sa frontière se courbe la route
les ânes viennent sous les mots
une femme longe des céramiques
collées sur une façade grise
que des rails prolongent de leurs mots
le rapprochement de la femme et des ânes
imminent teinte l’espace de mots
un marbrier contigu expose
des plaques gravées de lettres

elle lit les mots n’y sont pas

je rencontrerais récri

récri

la lettre serait postée, le texte s’écrirait, je rencontrerais récri

il me plairait, comme un petit invalide
il me plairait, je déciderais de le travailler
je l’écrirais à l’intérieur du texte, et au pluriel, parce qu’ils sont plusieurs

je ne me souviens pas de comment
je ne dirais rien des niveaux de détail
il y a un impératif du secret (inutile de rajouter “absolu”)

dedans, pourtant, beaucoup de chaufferie,
une activité incroyablement résurgente
et loin des réalités, très loin

oui, j’ai rencontré aujourd’hui des récris,
et non, ils n’étaient pas employés,
pas suffisamment employés

 

[L’enfant se faisait traîner, non passibus aequis, comme dit Virgile,
et trébuchait à chaque moment, au grand récri de sa mère
(V.Hugo, N.-D. Paris, 1832, p. 242)]