melodica melancholia

/ est calme, une calme présence, un calme doublé de sa présence,

tout ce qui rend malheureux dans l’accord
tout ce qui rend malheureux dans l’accord vu,
dans l’accord devant les yeux, dans l’accord visible, “voilà”,
tout ce qui rend malheureux de trop d’accord,

melodica melancholia (douce nuit d’une saison nommée) :
quelques notes précieuses excessivement séparées :
un chuchotement de la séparation, comme ceci /

des pas murmurent sur la dalle enfouie du temps perdu,
distinctement et encore plus distinctement,
grâce au brouillard d’échos duquel ils émergent, cristallins,

la forme inachevée de l’absence
/ est calme, et redoublée, et inconnue,

une note après l’autre, cristalline dans la résonance séparée
tout ce qui rend malheureux dans l’accord vu,
tout ce qui est impossible dans l’accord arpégé *
tout ce qui reste intraitable, absolument intraitable,

melodica melancholia : la voix du refus encore plus distinctement


* arpégé n'a pas de synonyme 

en outre : Accord arpégé et arpège ne sont pas synonymes : l'arpège s'exécute en jouant successivement les notes d'un accord (en les répétant éventuellement à plusieurs octaves) dans les 2 sens (ascendant et descendant), tandis que l'accord arpégé s'exécute seulement dans le sens ascendant ; celui-ci est marqué d'une barre perpendiculaire ondulée précédant l'accord, alors que pour l'arpège les notes sont écrites dans leur succession réelle.

en outre : Il y a des instruments sur lesquels on ne peut former un accord plein qu'en arpégeant ; tels sont le violon, le violoncelle, la viole, & tous ceux dont on joue avec l'archet ; car l'archet ne peut appuyer sur toutes les cordes à la fois.

en outre : Emploi métaphorique du verbe arpéger. Faire naître des sensations ou des sentiments.

 

depuis des bastingages aux débords imprévisibles

Le printemps bizarre saoûle les insectes. La volupté les guette. Ils envoient des messages baroques. Ils sont tout sauf précautionneux. Être aussi maladroits qu’eux.

Rien sur Bach, j’enrage ; j’enrage de ne pouvoir, j’enrage de l’impossibilité dans laquelle je me trouve de ne désormais plus pouvoir le jouer. L’abandon m’a rayée de l’accord de la main, j’ai perdu la main, j’ai jeté la main aux orties, j’ai anéanti mes mains. Tout exercice d’accompagnement serait vain, j’entends des phrasés, j’entends des notes divines, j’entends des pleurs, j’entends jusqu’aux orteils, j’entends des pincements, des sautillements, j’entends des caresses, j’entends des montées en demi-tons, j’entends, je ne fais qu’entendre. C’est horrible. La beauté, c’est horrible.
Et en plus mes mains sentent le Munster.

Tu as deux modes de pousse, la pousse verticale et la pousse horizontale, si tu choisis la pousse verticale tu es plus grand, plus élégant, mais plus étique, tes fruits risquent de ne pas être suffisamment comestibles ; si tu choisis la pousse horizontale, tu es plus petit mais tu crées des branchages auxquels les singes peuvent facilement s’accrocher, et ainsi tu acquiers une fonction sociale incontestable.

Reverse, position reverse, se mettre dans l’autre sens, changement de perspective, travaux pratiques du changement, pousse, revient à la pousse, pousse rapide, pousse inattendue, pousse tendue, attente, carreau immobile, lapidaire.

L’odeur animale du jasmin, musquée, non travaillée, non arrondie, non esthétisée, non mise en forme, non soumise à l’enrobage, non civilisée, est due à l’indol.

Personne n’est gai, chacun veut monter un parti et descendre un escalier.
Il est temps d’en finir, il s’agit de ne pas commencer. Les peuples, y est.

[printemps 2009, collage]

c’est un machin, c’est blanc, c’est sur la table (l’enregistreur)

Lui • tu crois que je peux parler avec une prothèse, quand t’as une prothèse dans la tête, un, t’as une prothèse dans la tête et deux, t’as…

Elle • donc il s’agit du concept qu’ils ont déjà trouvé

(le garçon arrive pour prendre la commande)
Lui • chuis un sportif, elle, elle est au régime

Elle • il s’agit du concept qu’ils ont déjà trouvé, le concept qu’ils ont
déjà trouvé

Lui • bien sûr

Elle • on en était là

Lui • il va juste falloir le mettre en forme… si tu veux me faire parler,
avec ça, ça va être difficile

Elle • c’est vrai ? ben oublie-le, c’est un machin, c’est blanc,
c’est sur la table

Lui • non non mais j’veux dire… tu vas te prendre une balle dans la tête hein… si jamais tu me mets… derrière… tu te rends pas compte

Elle • donc

Lui • donc si tu veux, après, il s’agit de leur dire, parce que ça avec ça… c’est un début d’érection

Elle • de quoi ?

Lui • ça : dire : c’est une bonne nouvelle, vous êtes les seuls à en avoir
une grosse, et toutes les nanas vous attendent…
(rires)
donc personne n’est connu, vous vendez du sel et…
y a C. qu’en a une plus longue, tu vois
(rires)
faut quand même que ça prenne de la consistance, tu vois faut préempter un minimum, c’est à toi de trouver dans tes conneries là… faut que je regarde parce que t’es même pas capable de voir ce que tu fais…
faut que tu m’envoies les slides

Elle • le schéma conclusif , hein, ça ça les fait bander

Lui • ouais mais faut plus pour les faire bander

Elle • oui, mais plus, faut payer

Lui • mais non mais non, c’est parce que tu raisonnes comme une pute… c’est pas ça qui fait bander

(bruits de restaurant, ils mangent)
Elle • qu’est-ce que c’est bon

                 Lui • les mecs ils sont là : putain qu’est-ce qu’elle veut …
donc il faut leur dire : mais en plus vous êtes les seuls À,
vous êtes LES SEULS

Elle • c’est ça le truc, vous êtes les seuls

Lui • bon, vous êtes les seuls à avoir une légitimité, pour dire…
on n’a encore pas dit quoi… mais vous êtes les seuls, les autres…

Elle • les autres, c’est du pipi de chat les autres

Lui • donc, aie toujours en tête ceux qui pèsent 130 kg ou qu’en ont une qui fait 22 cm, ceux qu’en ont une de 7 cm, tu les écoutes, d’accord ?
c’est un fantasme mais ça existe… y a que des mecs, hein, tu remarqueras

Elle • ça j’ai remarqué, mais y a les deux nanas…

Lui • ouais mais elles existent pas… c’est normal, c’est plus un plafond de verre, c’est carrément… il est en béton armé le plafond

Elle • mais nous là-dedans, alors on n’existe pas non plus ?

Lui • mais on s’en branle, parce que… si : vous, vous êtes des gonzesses qui faites du conseil, on ne prend des gonzesses qui font du conseil…
on ne prend d’ailleurs que des gonzesses… parce qu’il faut une humilité pour écouter ce qui se dit… les mecs n’écoutent rien

Elle • c’est vrai, il écoutait pas le gros là

Lui • mais non, le gros il écoute rien, ce qui l’intéresse :
c’est moi le plus beau

Elle • c’est dingue

Lui • c’est un traîne-lattes qui se prend pour Scarface

Elle • c’est dingo

Lui • c’est pas dingo c’est normal, c’est normal…
c’est des bébés, des bébés

Elle • bon il faut qu’ils lâchent l’oseille quand même hein ?

Lui • arrête d’être fascinée par un truc que t’as jamais su faire monter, toi

Elle • toujours, j’ai toujours très bien gagné ma vie

Lui • gagné ta vie, voilà le problème…

Elle • de quoi ?

Lui • t’as toujours gagné ta vie, gagné ta vie… l’architecte qui passe devant les tailleurs de pierre il dit qu’est-ce que tu fais, le mec il dit mais moi je gagne ma vie, le deuxième il dit moi je taille une pierre, le troisième il dit moi je suis en train de bâtir une cathédrale…
(rires)
tu comprends ? c’est ça le truc… alors que je t’entende plus dire :
je gagne ma vie

Elle • oh mais t’es chiant !

Lui • tu bâtis une cathédrale !

Elle • non, je m’en fous

Lui • donc : un, c’est une bonne nouvelle, personne n’existe sur ce champ du sel, sauf vous ; deux, vous avez la légitimité pour parler, et vous ne parlez pas ; trois, le discours que vous pouvez tenir est le suivant…

Elle • vous parlez mais vous parlez mal, quoi

Lui • quand vous parlez, vous êtes inaudibles, pourquoi ? … d’accord ? … donc si tu veux t’es comme la pute de luxe, moi je prends mille euros la nuit, mais attention qu’est-ce que tu veux, quoi… si tu veux ça, ça va être plus, tu veux que j’me mette un string ça va être 500 du bout, tu vois, à un moment donné, il faut quand même qu’ils lâchent le fric

Elle • ouais parce que là…

Lui • comment parce que là ?

Elle • moi je trouve qu’on a beaucoup bossé pour pas grand-chose
(bruits de couverts)

Lui • …t’as baissé ton froc à un moment donné ?

Elle • hein ?

Lui • t’as jamais baissé ton froc pour rentrer dans la place, qu’est-ce que tu me racontes… faut quand même comprendre ce que c’est …
y a un million de boîtes derrière

une rareté accréditée (a minima)

Elle marche.

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Elle marche, assez vite, pour ne pas dire vite.

Elle marche vite vers un but.

Elles sont très nombreuses à marcher vite.

Dans la journée, elles marchent très vite.

Parfois, presque elles courent.

Elles marchent : tout est possible.

la colonisation des paratextes

c’est un sentiment diffus, entre l’insecte et l’asservissement, le ploiement d’une troupe harassée mais gavée, grosse d’une raison-derviche, dont les fuites du corps commun s’épandent, liquides, sur les surfaces désormais lisses, glissantes, dangereusement banales, d’une langue déchue

Il faudrait avoir une règle ; la raison s’offre ; mais elle est ployable à tous sens ;
et ainsi il n’y en a point
(Pascal, Pensées VII, 4)

et qu’un relai s’imagine possible, notifie, par le pouce levé, l’ironie de l’appauvrissement consenti, bouffi de sa complaisance à résumer, ou bien, dans cette obscurité supposément nécessaire, ramone la suie des enflures déhiscentes, convoquant le ban et l’arrière-ban des poètes disparus au syntagme figé de la plus pure espèce

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je n’aime pas votre texte, il n’est pas clair, il ne veut rien dire, il ne veut rien, il ne dit rien, il se tait, il est colonisé par son paratexte.
je dirais que c’est un pluriel, je dirais, colonisé par ses paratextes.
vous pouvez insister partout, mettre des accents d’insistance partout comme le chien marque son territoire, vous n’arriverez à rien.
je dirais que je ne sais pas comment organiser le génitif et le complément d’agent dans la phrase, comment les déplier.
vous ne choisissez pas : vous avez les deux pour le même prix ; en outre vous repasserez avant de déplier, puis vous irez voir madame pour vos honoraires.
bien monsieur.

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durant la guerre, ils ont faim, la faim est le fait le plus tangible de la guerre, la pomme de terre devient la star, il n’y a aucune ambigüité à cet égard, la pomme de terre est elle-même, on la voit, on l’épluche, il y a des corvées de pluches, des corvées collectives, il faut s’y mettre, arrêter de rêver, on la fait cuire en groupe : on ne fait pas cuire une seule pomme de terre, mais un groupe de pommes de terre, une troupe, un collectif de pommes de terre.

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Ensuite vous ferez des vraies phrases avec des capitales au début et des points à la fin. Vous ferez des phrases courtes avec des mots compréhensibles par tout le monde. Même si vous ne savez pas ce qu’est tout le monde, vous vous mettrez à la portée.
Nous sommes loin du postulat de départ. Nous nous sommes éloignés.
L’éloignement est notre force et notre faiblesse. Nous contestons la contradiction ; nous sommes dans le pur éther de la langue possible, celle qui nous plaît, plaît, plaît.

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juin 1940 : Lamentable troupeau que le nôtre. Sous le beau soleil, la horde se traîne, affamée, assoiffée, couverte de poussière et de sueur. Nous devons faire plus peur que nous n’inspirons pitié.
Jean Arnould, Le narrateur de l’inutile : Journal de guerre et de captivité 1939-1945 (inédit)

– Année 1940, conditions météo remarquables
– Réchauffement climatique : les premiers signes
dateraient des années 1940

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l’avancée de la troupe et du troupeau dans la difficulté de la langue, de la guerre et des pommes de terre groupées sous l’éplucheur inefficace, gêne absolument les intentions secrètes de l’organisation économique mondiale (au moins)

nous ne sommes nés que pour en rendre compte,
mais pas du tout, après vous je vous prie,
la réalité n’a rien à faire dans le texte,
ni les constructions des hommes, ni leurs dialogues époustouflants et encore moins leurs mythes recuits,

il y a un lieu encore plus grand (emphase, enthousiasme, cris de joie)

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il ne pleut plus
ils sont dix, oui

abolir les années ::::::::::::::

ça dépend comment tu es disposée, ça dépend ;
il faut d’abord retrouver ce qui est, tu prends beaucoup de temps à retrouver, déjà tu te demandes ce qui a été trouvé, ensuite, retrouvé, tu erres le long d’un couloir, tu n’avances pas, le couloir s’allonge au fur à mesure, au fur au fur, à mesure à mesure ;
tu l’as toujours pas retrouvé ;
des paroles se dessinent, et, contrairement aux bonnes mœurs qui consistent à les écouter, tu les regardes ;
tu cherches continuellement, des comparses arrivent, impossible de leur demander quoi que ce soit, ils préfèreraient mourir plutôt que de dire, leurs yeux fuient, ils sont apparus dans un roman (qu’aujourd’hui certains dénomment fiction), voire deux, voire plein, ne mégotons pas ;
tu tues la facilité, tu dis à la facilité : regarde-moi dans les yeux, je te tue au milieu ;
tu oublies que la facilité n’a pas d’yeux ou bien tu fais semblant d’oublier ;
pour la nième fois tu refuses de répondre parce que tu ne sais toujours pas quoi ou que répondre à la question ;
toutes les questions t’ennuient mais ils continuent de les poser ;
tu sais de source sûre que la médiocrité n’a pas de fin et que de nombreux abonnés et souscripteurs feignent d’en être exclus, or non, ils n’en sont pas du tout exclus, ils sont inclus dans le cercle de la médiocrité, voire mandatés pour le faire tourner ;
tu as des piquants, bien que etc. ;
avec tes piquants, dont on a admis, et l’existence, et le postulat de l’existence virgule tu piques : erreur, rien ne pique, tu voudrais piquer mais rien ne pique, il faut résoudre l’énigme ;
tu fais appel à un résolveur d’énigme, que tu trouves dans le bottin qui n’existe plus : à ce moment, tu as trouvé ce qui est, reste à le retrouver ;
tu observes que ce qui est se trouve dans un objet oublié des enfants, et des autres qui ne sont pas des enfants ;
tu veux à nouveau tuer la facilité mais impossible, tu es toi-même sans milieu vis-vis des yeux, et être sans milieu crée une gêne ;
tu inventes un dialogue ineffable entre mme parasol et mme paracétamol, qu’il t’est à l’heure actuelle impossible de retranscrire, prise que tu es par la vitesse d’exécution des prolégomènes de l’œuvre ;
tu redoutes les prolégomènes, ils te sortent par les yeux ;
tu observes que tu mimétises la médiocrité, oui mais elle avait qu’à pas être là, non plus que le néologisme ;
tu observes alors que tu infantilises ton propos ;
oui, mais ;201020141131
tu observes que la marche du monde accélère la médiocrité et l’infantilisation, tu ne sais pas qu’en dire ni qu’en faire ;
tu te souviens que ton arrière-grand-mère est morte à baden-baden quand tu avais vingt ans, c’était hier, ajoutes-tu par faiblesse ;
que les autres arrière tu n’en sais rien ;
avec celle de baden-baden pour dernière demeure, il reste des lettres, vous vous écriviez, elle te faisait la morale féministe : il ne faut pas se faire entretenir par un homme, tu te faisais entretenir ;
tu as toujours préféré jouer au flipper plutôt que faire n’importe quoi d’autre, à l’orée des jours, vers le milieu du jour, de part et d’autre des yeux, la boule et les bumpers ;
la boule que tu suis des yeux, ne jamais la perdre des yeux, actionner les bumpers pour qu’elle ne tombe pas dans le trou-trou du milieu ;
tu ne peux pas te résoudre à autant de facilité et pourtant ;
tu te demandes si facilité et médiocrité c’est la même chose ;
tu te demandes rien vu que tu es saoûle ;
tu prends alors une voiture et puisque c’est comme ça tu fonces dans la foule, mais tu freines parce que t’as jamais pu aller jusqu’au bout ;
tu n’as pas réfléchi si mourir à vingt et quelques est intéressant, tu as freiné avant de tamponner le réverbère ;
ensuite tu as fait ta vie, toute une vie, rapido-presto ;
quand tu t’es réveillée, plus de flipper, plus de bumpers, plus de boule ;
tu es sortie du bar il faisait jour, nuit, tu as respiré (inspiré, expiré) et marché jusqu’à ce que les années s’effacent presque complètement.