une rareté accréditée (a minima)

Elle marche.

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Elle marche, assez vite, pour ne pas dire vite.

Elle marche vite vers un but.

Elles sont très nombreuses à marcher vite.

Dans la journée, elles marchent très vite.

Parfois, presque elles courent.

Elles marchent : tout est possible.

la colonisation des paratextes

c’est un sentiment diffus, entre l’insecte et l’asservissement, le ploiement d’une troupe harassée mais gavée, grosse d’une raison-derviche, dont les fuites du corps commun s’épandent, liquides, sur les surfaces désormais lisses, glissantes, dangereusement banales, d’une langue déchue

Il faudrait avoir une règle ; la raison s’offre ; mais elle est ployable à tous sens ;
et ainsi il n’y en a point
(Pascal, Pensées VII, 4)

et qu’un relai s’imagine possible, notifie, par le pouce levé, l’ironie de l’appauvrissement consenti, bouffi de sa complaisance à résumer, ou bien, dans cette obscurité supposément nécessaire, ramone la suie des enflures déhiscentes, convoquant le ban et l’arrière-ban des poètes disparus au syntagme figé de la plus pure espèce

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je n’aime pas votre texte, il n’est pas clair, il ne veut rien dire, il ne veut rien, il ne dit rien, il se tait, il est colonisé par son paratexte.
je dirais que c’est un pluriel, je dirais, colonisé par ses paratextes.
vous pouvez insister partout, mettre des accents d’insistance partout comme le chien marque son territoire, vous n’arriverez à rien.
je dirais que je ne sais pas comment organiser le génitif et le complément d’agent dans la phrase, comment les déplier.
vous ne choisissez pas : vous avez les deux pour le même prix ; en outre vous repasserez avant de déplier, puis vous irez voir madame pour vos honoraires.
bien monsieur.

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durant la guerre, ils ont faim, la faim est le fait le plus tangible de la guerre, la pomme de terre devient la star, il n’y a aucune ambigüité à cet égard, la pomme de terre est elle-même, on la voit, on l’épluche, il y a des corvées de pluches, des corvées collectives, il faut s’y mettre, arrêter de rêver, on la fait cuire en groupe : on ne fait pas cuire une seule pomme de terre, mais un groupe de pommes de terre, une troupe, un collectif de pommes de terre.

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Ensuite vous ferez des vraies phrases avec des capitales au début et des points à la fin. Vous ferez des phrases courtes avec des mots compréhensibles par tout le monde. Même si vous ne savez pas ce qu’est tout le monde, vous vous mettrez à la portée.
Nous sommes loin du postulat de départ. Nous nous sommes éloignés.
L’éloignement est notre force et notre faiblesse. Nous contestons la contradiction ; nous sommes dans le pur éther de la langue possible, celle qui nous plaît, plaît, plaît.

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juin 1940 : Lamentable troupeau que le nôtre. Sous le beau soleil, la horde se traîne, affamée, assoiffée, couverte de poussière et de sueur. Nous devons faire plus peur que nous n’inspirons pitié.
Jean Arnould, Le narrateur de l’inutile : Journal de guerre et de captivité 1939-1945 (inédit)

– Année 1940, conditions météo remarquables
– Réchauffement climatique : les premiers signes
dateraient des années 1940

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l’avancée de la troupe et du troupeau dans la difficulté de la langue, de la guerre et des pommes de terre groupées sous l’éplucheur inefficace, gêne absolument les intentions secrètes de l’organisation économique mondiale (au moins)

nous ne sommes nés que pour en rendre compte,
mais pas du tout, après vous je vous prie,
la réalité n’a rien à faire dans le texte,
ni les constructions des hommes, ni leurs dialogues époustouflants et encore moins leurs mythes recuits,

il y a un lieu encore plus grand (emphase, enthousiasme, cris de joie)

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il ne pleut plus
ils sont dix, oui

abolir les années ::::::::::::::

ça dépend comment tu es disposée, ça dépend ;
il faut d’abord retrouver ce qui est, tu prends beaucoup de temps à retrouver, déjà tu te demandes ce qui a été trouvé, ensuite, retrouvé, tu erres le long d’un couloir, tu n’avances pas, le couloir s’allonge au fur à mesure, au fur au fur, à mesure à mesure ;
tu l’as toujours pas retrouvé ;
des paroles se dessinent, et, contrairement aux bonnes mœurs qui consistent à les écouter, tu les regardes ;
tu cherches continuellement, des comparses arrivent, impossible de leur demander quoi que ce soit, ils préfèreraient mourir plutôt que de dire, leurs yeux fuient, ils sont apparus dans un roman (qu’aujourd’hui certains dénomment fiction), voire deux, voire plein, ne mégotons pas ;
tu tues la facilité, tu dis à la facilité : regarde-moi dans les yeux, je te tue au milieu ;
tu oublies que la facilité n’a pas d’yeux ou bien tu fais semblant d’oublier ;
pour la nième fois tu refuses de répondre parce que tu ne sais toujours pas quoi ou que répondre à la question ;
toutes les questions t’ennuient mais ils continuent de les poser ;
tu sais de source sûre que la médiocrité n’a pas de fin et que de nombreux abonnés et souscripteurs feignent d’en être exclus, or non, ils n’en sont pas du tout exclus, ils sont inclus dans le cercle de la médiocrité, voire mandatés pour le faire tourner ;
tu as des piquants, bien que etc. ;
avec tes piquants, dont on a admis, et l’existence, et le postulat de l’existence virgule tu piques : erreur, rien ne pique, tu voudrais piquer mais rien ne pique, il faut résoudre l’énigme ;
tu fais appel à un résolveur d’énigme, que tu trouves dans le bottin qui n’existe plus : à ce moment, tu as trouvé ce qui est, reste à le retrouver ;
tu observes que ce qui est se trouve dans un objet oublié des enfants, et des autres qui ne sont pas des enfants ;
tu veux à nouveau tuer la facilité mais impossible, tu es toi-même sans milieu vis-vis des yeux, et être sans milieu crée une gêne ;
tu inventes un dialogue ineffable entre mme parasol et mme paracétamol, qu’il t’est à l’heure actuelle impossible de retranscrire, prise que tu es par la vitesse d’exécution des prolégomènes de l’œuvre ;
tu redoutes les prolégomènes, ils te sortent par les yeux ;
tu observes que tu mimétises la médiocrité, oui mais elle avait qu’à pas être là, non plus que le néologisme ;
tu observes alors que tu infantilises ton propos ;
oui, mais ;201020141131
tu observes que la marche du monde accélère la médiocrité et l’infantilisation, tu ne sais pas qu’en dire ni qu’en faire ;
tu te souviens que ton arrière-grand-mère est morte à baden-baden quand tu avais vingt ans, c’était hier, ajoutes-tu par faiblesse ;
que les autres arrière tu n’en sais rien ;
avec celle de baden-baden pour dernière demeure, il reste des lettres, vous vous écriviez, elle te faisait la morale féministe : il ne faut pas se faire entretenir par un homme, tu te faisais entretenir ;
tu as toujours préféré jouer au flipper plutôt que faire n’importe quoi d’autre, à l’orée des jours, vers le milieu du jour, de part et d’autre des yeux, la boule et les bumpers ;
la boule que tu suis des yeux, ne jamais la perdre des yeux, actionner les bumpers pour qu’elle ne tombe pas dans le trou-trou du milieu ;
tu ne peux pas te résoudre à autant de facilité et pourtant ;
tu te demandes si facilité et médiocrité c’est la même chose ;
tu te demandes rien vu que tu es saoûle ;
tu prends alors une voiture et puisque c’est comme ça tu fonces dans la foule, mais tu freines parce que t’as jamais pu aller jusqu’au bout ;
tu n’as pas réfléchi si mourir à vingt et quelques est intéressant, tu as freiné avant de tamponner le réverbère ;
ensuite tu as fait ta vie, toute une vie, rapido-presto ;
quand tu t’es réveillée, plus de flipper, plus de bumpers, plus de boule ;
tu es sortie du bar il faisait jour, nuit, tu as respiré (inspiré, expiré) et marché jusqu’à ce que les années s’effacent presque complètement.

son sourire

dans la tempête son sourire, au loin il fume

à l’abri

un seul sourire, d’un seul homme, au loin

un abri

dans le gris tempête, sourire blanc dans visage noir

est l’abri

des cheminées fument leur gris, tempête au gris

de l’abri

son sourire, au loin : l’abri

abri

adopter un point de vue

l’adoption d’un point de vue obéit à des règles nombreuses –
avant de l’adopter, le point de vue est couvé dans une couveuse de points de vue, tous plus ou moins équivalents –
ou qui se présentent comme tels –
aucun petit bonnet de couleur pour les distinguer –
le point de vue est indispensable pour circuler dans la vie courante –
même si on ne court pas on en a besoin –
on peut vivre sans, mais plus difficilement –

le point de vue se caractérise par une complexité de structure :
un, le point –
deux, de vue –
le point de vue suppose la hauteur, bien que la hauteur de vue, elle, ne soit pas directement corrélée au point –
de nombreux points de vue sont dépourvus de hauteur de vue –
le point de vue avec hauteur de vue est en option –

l’adoption d’un point de vue est un long processus –
tellement long qu’on n’en voit jamais le bout –
adopter un point de vue c’est forcément se dérouter –
voire perdre le fil –
quand le point de vue est adopté, un rien peut le faire chanceler –

l’adoption d’un point de vue requiert une infinie patience :
faire antichambre, attendre que le chambellan ouvre la porte –
s’il l’ouvre –
s’il ne l’ouvre pas, risque de demeurer à vie dans l’antichambre, sans adopter aucun point de vue –
ou bien, la porte s’ouvrant, bousculade de points de vue désireux de se faire adopter : submersion, asphyxie, décès –

la nuit, c’est parfois plus visible, la nuit, le point de vue peut scintiller –
mais inquiéter (surtout s’il se déplace en canard)–
un point de vue menaçant 29092011364est un point de vue qui déborde l’adoption –
ce point de vue n’est pas le tien –
tu le congédies, tu te détournes, tu fais semblant de ne pas être
l’adoptant –