la chaleur dégueulasse du collant

1) la petite femme aguicheuse portait parfois des collants résille, elle était la femme d’un monsieur réputé et tutoyait un peu trop facilement

2) le moment où une jeune fille doit enfiler une paire de collants pour la première fois

3) bien avant, bien bien avant d’enfiler le collant, il a fallu envisager la couleur du collant ; la couleur de la jambe n’est pas la couleur du collant, comment savoir le rendu ?

4) il n’y a aucun mode d’emploi du collant : ni de l’enfilage, ni de la couleur, ni de la taille, ni du rendu final

5) le collant est une métaphore du semblant mais la jeune fille ne la voit pas, perplexe devant le rayon des collants

6) la fragilité du collant : toujours peur qu’il fileIMG_20151225_163927

7) la chaleur qu’il procure, la chaleur dégueulasse du nylon acrylique

8) du collant apprendre le semblant définitif : l’identité qui colle à la fille en devenir femme

9) l’apprentissage du collant n’est pas remboursé, il entre pourtant dans une économie du semblant

0) la petite femme aguicheuse portait parfois des collants résille, elle était la femme d’un monsieur réputé
et tutoyait un peu trop facilement


[photo d’un cartel pour un tableau de Wifredo Lam]

actualité de la promenade

le moment où je vais me promener, trois petits points,
le moment-même où je me promène, trois petits points,IMG_20160428_160515
l’intense moment de la promenade, trois petits points

le moment de dix-sept heures,
le moment qui crie et qui caresse,
le moment qui joue en boucle,

le moment où je me promène n’existe pas ;
le moment quand je me promène m’envoie promener
au moment-même où je me promène

cinq plus un, fauves disparates

j’avais quelque chose à faire, je me précipitai, je me déchirai, je ne trouvai plus le terme exact,

j’avais quelque chose à faire, c’était urgent, je devais vivre sous la neige, vers le fleuve, dans une baignoire,

je devais vivre dans le froid d’un livre entier une nuit entière, deux, trois,

je grelottai dans mes gants, je tournai les pages, je devais taire son nom comme ceux des autres,

je devais vivre avec eux, en meute, nous avions quelque chose à faire, sans sacs, en bottes, à grands pas immesurés,

c’était urgent, il nous fallait de la viande et du thon, vite, enragés à grands pas immesurés, du scotch et des lanières,

c’était urgent, je devais faire quelque chose, je me précipitai, je me déchirai, le papier manquait, je tournai la tête, ils étaient là,

j’avais quelque chose à faire, personne n’attendait, le fleuve silencieux filait noir absorbé, leurs ombres rapides sur le pont.

melodica melancholia

/ est calme, une calme présence, un calme doublé de sa présence,

tout ce qui rend malheureux dans l’accord
tout ce qui rend malheureux dans l’accord vu,
dans l’accord devant les yeux, dans l’accord visible, “voilà”,
tout ce qui rend malheureux de trop d’accord,

melodica melancholia (douce nuit d’une saison nommée) :
quelques notes précieuses excessivement séparées :
un chuchotement de la séparation, comme ceci /

des pas murmurent sur la dalle enfouie du temps perdu,
distinctement et encore plus distinctement,
grâce au brouillard d’échos duquel ils émergent, cristallins,

la forme inachevée de l’absence
/ est calme, et redoublée, et inconnue,

une note après l’autre, cristalline dans la résonance séparée
tout ce qui rend malheureux dans l’accord vu,
tout ce qui est impossible dans l’accord arpégé *
tout ce qui reste intraitable, absolument intraitable,

melodica melancholia : la voix du refus encore plus distinctement


* arpégé n'a pas de synonyme 

en outre : Accord arpégé et arpège ne sont pas synonymes : l'arpège s'exécute en jouant successivement les notes d'un accord (en les répétant éventuellement à plusieurs octaves) dans les 2 sens (ascendant et descendant), tandis que l'accord arpégé s'exécute seulement dans le sens ascendant ; celui-ci est marqué d'une barre perpendiculaire ondulée précédant l'accord, alors que pour l'arpège les notes sont écrites dans leur succession réelle.

en outre : Il y a des instruments sur lesquels on ne peut former un accord plein qu'en arpégeant ; tels sont le violon, le violoncelle, la viole, & tous ceux dont on joue avec l'archet ; car l'archet ne peut appuyer sur toutes les cordes à la fois.

en outre : Emploi métaphorique du verbe arpéger. Faire naître des sensations ou des sentiments.

 

depuis des bastingages aux débords imprévisibles

Le printemps bizarre saoûle les insectes. La volupté les guette. Ils envoient des messages baroques. Ils sont tout sauf précautionneux. Être aussi maladroits qu’eux.

Rien sur Bach, j’enrage ; j’enrage de ne pouvoir, j’enrage de l’impossibilité dans laquelle je me trouve de ne désormais plus pouvoir le jouer. L’abandon m’a rayée de l’accord de la main, j’ai perdu la main, j’ai jeté la main aux orties, j’ai anéanti mes mains. Tout exercice d’accompagnement serait vain, j’entends des phrasés, j’entends des notes divines, j’entends des pleurs, j’entends jusqu’aux orteils, j’entends des pincements, des sautillements, j’entends des caresses, j’entends des montées en demi-tons, j’entends, je ne fais qu’entendre. C’est horrible. La beauté, c’est horrible.
Et en plus mes mains sentent le Munster.

Tu as deux modes de pousse, la pousse verticale et la pousse horizontale, si tu choisis la pousse verticale tu es plus grand, plus élégant, mais plus étique, tes fruits risquent de ne pas être suffisamment comestibles ; si tu choisis la pousse horizontale, tu es plus petit mais tu crées des branchages auxquels les singes peuvent facilement s’accrocher, et ainsi tu acquiers une fonction sociale incontestable.

Reverse, position reverse, se mettre dans l’autre sens, changement de perspective, travaux pratiques du changement, pousse, revient à la pousse, pousse rapide, pousse inattendue, pousse tendue, attente, carreau immobile, lapidaire.

L’odeur animale du jasmin, musquée, non travaillée, non arrondie, non esthétisée, non mise en forme, non soumise à l’enrobage, non civilisée, est due à l’indol.

Personne n’est gai, chacun veut monter un parti et descendre un escalier.
Il est temps d’en finir, il s’agit de ne pas commencer. Les peuples, y est.

[printemps 2009, collage]

c’est un machin, c’est blanc, c’est sur la table (l’enregistreur)

Lui • tu crois que je peux parler avec une prothèse, quand t’as une prothèse dans la tête, un, t’as une prothèse dans la tête et deux, t’as…

Elle • donc il s’agit du concept qu’ils ont déjà trouvé

(le garçon arrive pour prendre la commande)
Lui • chuis un sportif, elle, elle est au régime

Elle • il s’agit du concept qu’ils ont déjà trouvé, le concept qu’ils ont
déjà trouvé

Lui • bien sûr

Elle • on en était là

Lui • il va juste falloir le mettre en forme… si tu veux me faire parler,
avec ça, ça va être difficile

Elle • c’est vrai ? ben oublie-le, c’est un machin, c’est blanc,
c’est sur la table

Lui • non non mais j’veux dire… tu vas te prendre une balle dans la tête hein… si jamais tu me mets… derrière… tu te rends pas compte

Elle • donc

Lui • donc si tu veux, après, il s’agit de leur dire, parce que ça avec ça… c’est un début d’érection

Elle • de quoi ?

Lui • ça : dire : c’est une bonne nouvelle, vous êtes les seuls à en avoir
une grosse, et toutes les nanas vous attendent…
(rires)
donc personne n’est connu, vous vendez du sel et…
y a C. qu’en a une plus longue, tu vois
(rires)
faut quand même que ça prenne de la consistance, tu vois faut préempter un minimum, c’est à toi de trouver dans tes conneries là… faut que je regarde parce que t’es même pas capable de voir ce que tu fais…
faut que tu m’envoies les slides

Elle • le schéma conclusif , hein, ça ça les fait bander

Lui • ouais mais faut plus pour les faire bander

Elle • oui, mais plus, faut payer

Lui • mais non mais non, c’est parce que tu raisonnes comme une pute… c’est pas ça qui fait bander

(bruits de restaurant, ils mangent)
Elle • qu’est-ce que c’est bon

                 Lui • les mecs ils sont là : putain qu’est-ce qu’elle veut …
donc il faut leur dire : mais en plus vous êtes les seuls À,
vous êtes LES SEULS

Elle • c’est ça le truc, vous êtes les seuls

Lui • bon, vous êtes les seuls à avoir une légitimité, pour dire…
on n’a encore pas dit quoi… mais vous êtes les seuls, les autres…

Elle • les autres, c’est du pipi de chat les autres

Lui • donc, aie toujours en tête ceux qui pèsent 130 kg ou qu’en ont une qui fait 22 cm, ceux qu’en ont une de 7 cm, tu les écoutes, d’accord ?
c’est un fantasme mais ça existe… y a que des mecs, hein, tu remarqueras

Elle • ça j’ai remarqué, mais y a les deux nanas…

Lui • ouais mais elles existent pas… c’est normal, c’est plus un plafond de verre, c’est carrément… il est en béton armé le plafond

Elle • mais nous là-dedans, alors on n’existe pas non plus ?

Lui • mais on s’en branle, parce que… si : vous, vous êtes des gonzesses qui faites du conseil, on ne prend des gonzesses qui font du conseil…
on ne prend d’ailleurs que des gonzesses… parce qu’il faut une humilité pour écouter ce qui se dit… les mecs n’écoutent rien

Elle • c’est vrai, il écoutait pas le gros là

Lui • mais non, le gros il écoute rien, ce qui l’intéresse :
c’est moi le plus beau

Elle • c’est dingue

Lui • c’est un traîne-lattes qui se prend pour Scarface

Elle • c’est dingo

Lui • c’est pas dingo c’est normal, c’est normal…
c’est des bébés, des bébés

Elle • bon il faut qu’ils lâchent l’oseille quand même hein ?

Lui • arrête d’être fascinée par un truc que t’as jamais su faire monter, toi

Elle • toujours, j’ai toujours très bien gagné ma vie

Lui • gagné ta vie, voilà le problème…

Elle • de quoi ?

Lui • t’as toujours gagné ta vie, gagné ta vie… l’architecte qui passe devant les tailleurs de pierre il dit qu’est-ce que tu fais, le mec il dit mais moi je gagne ma vie, le deuxième il dit moi je taille une pierre, le troisième il dit moi je suis en train de bâtir une cathédrale…
(rires)
tu comprends ? c’est ça le truc… alors que je t’entende plus dire :
je gagne ma vie

Elle • oh mais t’es chiant !

Lui • tu bâtis une cathédrale !

Elle • non, je m’en fous

Lui • donc : un, c’est une bonne nouvelle, personne n’existe sur ce champ du sel, sauf vous ; deux, vous avez la légitimité pour parler, et vous ne parlez pas ; trois, le discours que vous pouvez tenir est le suivant…

Elle • vous parlez mais vous parlez mal, quoi

Lui • quand vous parlez, vous êtes inaudibles, pourquoi ? … d’accord ? … donc si tu veux t’es comme la pute de luxe, moi je prends mille euros la nuit, mais attention qu’est-ce que tu veux, quoi… si tu veux ça, ça va être plus, tu veux que j’me mette un string ça va être 500 du bout, tu vois, à un moment donné, il faut quand même qu’ils lâchent le fric

Elle • ouais parce que là…

Lui • comment parce que là ?

Elle • moi je trouve qu’on a beaucoup bossé pour pas grand-chose
(bruits de couverts)

Lui • …t’as baissé ton froc à un moment donné ?

Elle • hein ?

Lui • t’as jamais baissé ton froc pour rentrer dans la place, qu’est-ce que tu me racontes… faut quand même comprendre ce que c’est …
y a un million de boîtes derrière