UN ROMAN DES JOURS RAPIDES – jour 16

jour 16 – VM se tient debout, sur un trottoir, non loin de son bout de terrasse. Il s’est déplacé, de quelques mètres. Il est bronzé ; ses cheveux sont extraordinairement propres, coiffés, peut-être ; ses ongles, visibles lorsqu’il tire sur sa cigarette, ont été passés au blanc. Il est long et élégant. Lorsqu’il soulève sa semelle, cependant, les picots des mocassins ont disparu, elle est lisse. Tout indique un renouveau du VM. Il porte des lunettes fumées et des mocassins, des bracelets de pacotille à ses poignets frêles, son profil de cliché (taillé dans un silex) dénote une attention aigüe à l’environnement, attention impossible à lui supposer lorsqu’il est assis sur son lopin de terrasse et qu’il regarde droit devant lui. Il se tient devant une boutique, comme s’il en était propriétaire, ou qu’il surveillât le magasin, les entrées et les sorties.

Sa chemise à motifs indiens discrets frappe moins que la chemise hawaïenne mais confirme un changement. Et puis il est bronzé, comme s’il avait fait un héritage qu’il aurait claqué en une seule fois aux Bahamas.

VM n’est plus le même, non seulement depuis 1994, mais depuis quelques jours, VM s’est transformé, il ne résiste pas aux saisons, il est devenu italien, ou grec. Pour le plus grand plaisir des amateurs de héros transformés. Une grande femme noire habillée en noir juchée sur des sandales noires sort de la boutique pour lui demander son avis. Le monde s’est inversé à cette seconde-même.

VM ne se souvient pas de Fernando, ne se souvient de personne. Droit comme s’il était devenu son propre réverbère, il ne paye plus rien ; entrant avec la femme noire dans la boutique, il se perd en quelque sorte dans un fleuve de longévité.

 

le temps, qu’est-ce que ça transforme ?

Lundi 2 mars 2009

 

Abandon épousant les accidents du sol, les disjointures capricieuses des ciments poussiéreux, des pavés usés, des terres boueuses des chantiers, du béton jaune pâle de la piste, abandon aux amortisseurs grinçant sous le poids du corps, abandon à la pensée fluide et sans obstacles, abandon des bras et des jambes au rythme efficace des roues, pédales, guidon, spectacle.

L’horizon vert du dernier événement de la dernière décade du dernier siècle, ah, nous y voilà ; il y aurait des choix qui se tiendraient (avec leurs petits noeuds papillon, bien droits), et d’autres qui se déferaient (du verbe se défaire). Le temps transforme même les rugbymen, c’est dit.