du côté du sentiment. avec certains.

tu l’as lu ?

non je ne l’ai pas lu

les récits de l’année passée sont passés

l’année est passée

certaines choses reviennent.

tu écris souvent ?

il n’écrit plus beaucoup

il est déçu, son livre ne s’est pas vendu

on dirait du Marguerite Duras, non ?

c’est fini.

c’est désopilant

quoi ?

le marsupilami.

elle écrit comme dans les années, là

ah oui, les années, là.

il est bien, son éditeur ?

ça dépend ce qu’on entend par bien

qu’est-ce que tu voulais dire ?

avec certains : le sentiment.

je ne le vois plus depuis un moment

bah, ce sont de vieilles histoires

t’as peur de la mort, toi ?IMG_20160417_175953

il y a beaucoup de choses, je n’ai pas tout lu

j’ai lu mais ça n’avance pas, alors

j’ai feuilleté, bof

je ne suis pas rentré dedans

j’ai eu du mal à finir

il a pris un tournevis pour ça ?

ça marchait mieux avec une pince, il a pris une pince

je crois que je préfère encore ne pas y aller

finalement tu as fait quoi ?

ils s’entendent moyen

on s’en va ?

oui.

flaubertine : fantaisie d’après-midi

Regarder des objets littéraires, comme ça. Et constater des choses. Des choses qu’on ne peut pas définir derrière deux points. Des choses qu’on peut à peine expliquer puisqu’on ne les comprend pas. Des choses inexplicables. La gradation entre un peu et pas du tout se met en marche. Il n’y a plus de jus. Ça se traîne lamentablement.

Un peu et pas du tout sont très proches et menaçants. Si un peu est vrai, pas du tout ne l’est pas. La paresse consisterait à dire : et inversement. La paresse est toujours ici ; elle en prend à son aise, la paresse. Et inversement est vrai.

Un peu explicables et pas du tout explicables revient à torturer la matière de la compréhension. Les choses qu’on ne comprend pas. On hésite encore. Les comprendre un peu ou les comprendre pas du tout. Il n’y a plus de jus, il n’y a plus de jeu. On ne veut pas former de jugement.

Flaubert à SandRegarder encore des objets littéraires. Ils n’en sont pas. Il ne sont pas des objets littéraires. Ils n’en sont pas. Ce ne sont rien. Il est possible qu’on regarde des objets littéraires qui n’en sont pas. Ils glissent, ils voguent, ils dérivent sur des métaphores usées lesquelles s’effilochent souvent durant plusieurs lignes inutilement.

On ne comprend pas ou peu ces objets littéraires qui n’en sont pas. Ce ne sont ni des objets ni littéraires. Pourtant ce sont des objets littéraires puisque ils relèvent de. Lorsqu’on relève de, on gagne la considération de la nomination, on est rangé dans la boîte et on se tait, bien à plat.

L’objet littéraire multiplié par son nombre rangé bien à plat dans tous les livres et toutes les surfaces comportant des pages attend qu’on le regarde. Il se pavane et fait de l’œil jusqu’à tant qu’on le regarde. Il n’a rien d’autre à faire et il le fait bien. Le problème est que la plupart du temps il n’en est pas, il ne sait pas ce qu’il est. On ne sait pas de quoi on parle, ça commence souvent comme ça.

Il était une fois l’objet littéraire, nombreux, regardé. Il n’avait rien d’autre à faire que de se pavaner dans la page et autres surfaces-supports. Et puis un jour, sa princesse arriva et le transforma en glacier fondu. Alors il mourut, entraînant avec lui tout le royaume. Le désastre financier s’abattit sur le monde des objets littéraires qui disparurent.
Et comme on sait, ils avaient disparu bien avant de disparaître.

la chaleur dégueulasse du collant

1) la petite femme aguicheuse portait parfois des collants résille, elle était la femme d’un monsieur réputé et tutoyait un peu trop facilement

2) le moment où une jeune fille doit enfiler une paire de collants pour la première fois

3) bien avant, bien bien avant d’enfiler le collant, il a fallu envisager la couleur du collant ; la couleur de la jambe n’est pas la couleur du collant, comment savoir le rendu ?

4) il n’y a aucun mode d’emploi du collant : ni de l’enfilage, ni de la couleur, ni de la taille, ni du rendu final

5) le collant est une métaphore du semblant mais la jeune fille ne la voit pas, perplexe devant le rayon des collants

6) la fragilité du collant : toujours peur qu’il fileIMG_20151225_163927

7) la chaleur qu’il procure, la chaleur dégueulasse du nylon acrylique

8) du collant apprendre le semblant définitif : l’identité qui colle à la fille en devenir femme

9) l’apprentissage du collant n’est pas remboursé, il entre pourtant dans une économie du semblant

0) la petite femme aguicheuse portait parfois des collants résille, elle était la femme d’un monsieur réputé
et tutoyait un peu trop facilement


[photo d’un cartel pour un tableau de Wifredo Lam]

actualité de la promenade

le moment où je vais me promener, trois petits points,
le moment-même où je me promène, trois petits points,IMG_20160428_160515
l’intense moment de la promenade, trois petits points

le moment de dix-sept heures,
le moment qui crie et qui caresse,
le moment qui joue en boucle,

le moment où je me promène n’existe pas ;
le moment quand je me promène m’envoie promener
au moment-même où je me promène

cinq plus un, fauves disparates

j’avais quelque chose à faire, je me précipitai, je me déchirai, je ne trouvai plus le terme exact,

j’avais quelque chose à faire, c’était urgent, je devais vivre sous la neige, vers le fleuve, dans une baignoire,

je devais vivre dans le froid d’un livre entier une nuit entière, deux, trois,

je grelottai dans mes gants, je tournai les pages, je devais taire son nom comme ceux des autres,

je devais vivre avec eux, en meute, nous avions quelque chose à faire, sans sacs, en bottes, à grands pas immesurés,

c’était urgent, il nous fallait de la viande et du thon, vite, enragés à grands pas immesurés, du scotch et des lanières,

c’était urgent, je devais faire quelque chose, je me précipitai, je me déchirai, le papier manquait, je tournai la tête, ils étaient là,

j’avais quelque chose à faire, personne n’attendait, le fleuve silencieux filait noir absorbé, leurs ombres rapides sur le pont.

melodica melancholia

/ est calme, une calme présence, un calme doublé de sa présence,

tout ce qui rend malheureux dans l’accord
tout ce qui rend malheureux dans l’accord vu,
dans l’accord devant les yeux, dans l’accord visible, « voilà »,
tout ce qui rend malheureux de trop d’accord,

melodica melancholia (douce nuit d’une saison nommée) :
quelques notes précieuses excessivement séparées :
un chuchotement de la séparation, comme ceci /

des pas murmurent sur la dalle enfouie du temps perdu,
distinctement et encore plus distinctement,
grâce au brouillard d’échos duquel ils émergent, cristallins,

la forme inachevée de l’absence
/ est calme, et redoublée, et inconnue,

une note après l’autre, cristalline dans la résonance séparée
tout ce qui rend malheureux dans l’accord vu,
tout ce qui est impossible dans l’accord arpégé *
tout ce qui reste intraitable, absolument intraitable,

melodica melancholia : la voix du refus encore plus distinctement


* arpégé n'a pas de synonyme 

en outre : Accord arpégé et arpège ne sont pas synonymes : l'arpège s'exécute en jouant successivement les notes d'un accord (en les répétant éventuellement à plusieurs octaves) dans les 2 sens (ascendant et descendant), tandis que l'accord arpégé s'exécute seulement dans le sens ascendant ; celui-ci est marqué d'une barre perpendiculaire ondulée précédant l'accord, alors que pour l'arpège les notes sont écrites dans leur succession réelle.

en outre : Il y a des instruments sur lesquels on ne peut former un accord plein qu'en arpégeant ; tels sont le violon, le violoncelle, la viole, & tous ceux dont on joue avec l'archet ; car l'archet ne peut appuyer sur toutes les cordes à la fois.

en outre : Emploi métaphorique du verbe arpéger. Faire naître des sensations ou des sentiments.