assises sans objet

je vais me lever
je vais me laver
c’est tralala :: c’est peu
c’est peu mais c’est beaucoup
c’est déjà demain pourtant

c’est la guerre on combat jusqu’à la mort
les hommes aiment la mort aiment la mer
ils aiment tant et tant regarder la mer et mourir

tant et tant les mots, tant et tant Momò
je me lève et me lave
tant de fanfares, tant de phares et de gares

il n’y a plus de port usb
les sièges sont douillets
plein d’horizons nouveaux

la stratégie est très claire : je me lave après
je me lève d’abord
puis je prends les destinations

l’adresse mythique plaît à Momò, il la loue
il sera heureux dedans l’adresse
il créera des petits boutons et se lavera

il est trop tard, il y a trop d’écho
il faut penser au long-terme
aux petits oiseaux
aux reines-claudes
à l’aller simple pour la mort

les grandes prairies

les grandes prairies
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doivent être écrites
les grandes prairies
seraient une dame
mince et fragile
déjà âgée et un sourire

ils ont tenu un tabac-presse
puis un bar-brasserie
la dame aime peindre
mais ne peint plus
sa mère est morte

les grandes prairies
s’étagent sous le regard
son mari lui dit
encore une lubie
elle prendra trois couleurs

peindra les grandes prairies
écrira dans son cahier
ça y va quand elle s’y met
ne met pas la tête sous l’eau
quand elle nage

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les grandes prairies

[titre de la video de Maryam Dehghanpour, abbaye de Noirlac jusqu’au 16 juillet 2017]

les oiseaux chantent et il n’y a aucune solution

les oiseaux chantent, les oiseaux chantent,
je suis dans une prison avec des oiseaux,

enfermée dehors, une prison d’arbres, de soleil couchant, de beauté, de toiles d’araignée,
une beauté comme il y en a peu

 

 

les oiseaux chantent et dans mon esprit règne une confusion,
une grande confusion non pas de mots mais de réalité :
quelque chose à quoi je ne peux rien changer
ah ces oiseaux, ah ces oiseaux sans solution

 

journée à la campagne (trois fois sept vingt-et-un)

j’ai douze ans, je marche, il fait chaud, c’est interminable
je marche, je marche, je marche
à force de marcher, ça m’ennuie moins, mais je persiste à chercher l’ennui
je sens les odeurs des fleurs, bien je ne voie que des feuilles
je tâte quelques feuilles, je me dis tiens ce sont des feuilles
je suis contente d’être contente que ce soit un peu moins chiant de marcher
parce qu’au lieu de soixante j’ai douze, je suis fière d’y arriver, à être contente

j’écris un certain nombre de points tout à fait spécifiques à la situation
j’hésite entre partie de campagne et journée à la campagne
je fais le compte des heures : j’ai passé sept heures à la campagne
les points que j’ai écrits, je ne sais pas ce que je vais en faire
d’ailleurs il semble que je n’en fasse rien
mais on ne sait jamais, ils pourraient me servir
je me laisse instruire par leur rythme

dans les points, il est question d’Agota Kristof : L’analphabète
j’ai lu L’analphabète à la rivière, c’est F. qui me l’a prêté avant-hier
ensuite je n’avais plus rien à lire et j’ai été envahie d’insectes minuscules & noirs
j’ai décidé que je devais repartir à cause des bestioles désagréables
j’ai pensé à des choses que je ne peux pas encore écrire, c’est trop tôt
je dois attendre d’être encore plus vieille pour les écrire
(quand je ne pourrai plus marcher ? peut-être)

chambre 508 un goéland

le poème avait un nom mais rien dedans
l’oiseau, puisque c’en est un, a toqué à la fenêtre
le matin, il était question de son bec jaune
& de son insistance au carreau de la chambre
cinq cent huit, du bruit qu’il a fait, de sa réclamation,
de la hauteur du lit, des rapports géométriques
entre les rectangles respectifs du lit et de la fenêtre,
de leurs dispositions, de l’angle qu’ils formaient,
de leurs différences de nature,
quelque chose
comme opacité et transparence

 

le poème était raté, il avait un nom mais rien dedans
l’oiseau portait le nom de goéland, et s’en est allé
en se dandinant, très lentement
il n’y avait pas de quoi faire un poème et pourtant

du moindre effort (matériau pour une plaidoirie et un epsilon)

Du Moindre Effort, 2017, document écrit et illustré, format A3 horizontal sur papier épais ivoire
avec un peu de grain,
encadré par les soins de Sylvain Sorgato et accroché dans l’exposition collective La Main Invisible des 10 et 11 juin 2017 dans l’atelier de Jérôme Borel
pour La Belle Absente présente *


* Jérôme Borel et la Belle Absente présentent
La Main Invisible sur une idée de Sylvain Sorgato

samedi 10 juin de 16h à 22h & dimanche 11 juin de 14h à 19h
184, rue de Crimée 75019 Paris
avec : Florent Audoye – Vassili Balatsos – Julien Blanpied – Jérôme Borel – Martin Bourdanove – Olivier Breuil – Denis Brun – Alexandre Callay – Christophe Cuzin – Jean-François Demeure – Emilie Duserre – Léa Eouzan – Alexandre Erre – Isabelle Ferreira – Pierre Fraenkel – la Furieuse Company – Louis Gary – Christian Giordano – Christoph Hinterhuber – Corinne Laroche – Gwendal Légo – Julien Lévy – Amélie Lucas-Gary – Oscar Malessène – Cyrille Martin – Vincent Mesaros – Miquel Mont – Édith Msika – Jean Rault – Magali Sanheira – Julie Savoye – Thimothée Schaelstraete – Zukhra Sharipova – Aude Sorgato – Sylvain Sorgato – Jean-Marc Thommen – Emmanuelle Villard