jour 5 – Carola a mis sa robe et nettoie avec l’éponge le plateau de son four à micro-ondes. Elle nettoie même avec application, avant d’y déposer un bol de café à réchauffer. Carola se surprend à se dire qu’il faut toujours qu’elle nettoie avant de réchauffer. Elle est un personnage de Perec doublé d’un de Duras doublé de sa grand-mère doublé d’un nombre incalculable de personnages ayant enfilé par la tête une robe à fleurs depuis l’Antiquité : elle est parfaitement flippée aujourd’hui.
Le ciel est d’azur martelé de nuages équivoques. Mais elle ne le voit pas : elle a d’autres « chats à fouetter », d’autres « choses à faire », « d’autres pensées ». Elle décide de ne pas se répondre. En temps ordinaire, elle se parle et se répond. Et si elle ne se répondait pas ? Elle ne serait que pure action : le rêve, se dit-elle, confuse.
Sur le plateau de verre demeurait un peu de poudre blanche ; excès de farine du boulanger, incompréhensible. Le geste de nettoyer d’un tour d’éponge est rapide. Le bol est posé, réchauffé. Carola le boit lentement après y avoir laissé glisser deux morceaux de sucre calibrés pour la tasse de café. Elle écoute Couperin à la radio. Et des informations. Ailleurs le monde s’écroule. Il s’écroule méchamment. Il s’écroule au sens propre : des attaques de vestiges antiques ont lieu, et de nombreux tremblements de terre. Le climat est devenu l’allié objectif du terrorisme.
Carola est prise d’une urgence impossible à déminer autrement qu’en continuant ses gestes domestiques. Elle a épilé ses mollets avec des bandes de cire, s’est passé de la crème sur le visage et les yeux, pas la même, de l’huile sèche sur les mollets, a procédé à quelques exercices d’étirement, constaté le démusclement de ses bras, fugitivement imaginé que tout pouvait redevenir comme avant mais non, considéré que l’avant elle ne s’en souvenait pas, coiffé ses cheveux mouillés, changé de pièce et introduit des boutons d’oreille dans les trous percés à cet effet.