l’amie ⎜les amis mondiaux

L’amie lui fait signe, alors qu’elle a si longtemps attendu, qu’elle a cru qu’elle avait disparu. L’amie lui fait signe et c’est comme un revenu d’ailleurs. Elle lit son signe et c’est comme un revenu froid. Elle a tellement attendu. C’était la douleur et l’inquiétude. Elle s’inquiète de ce qu’ils deviennent, tous ceux qui cessent de lui faire signe plus qu’un moment, plus que quelques semaines, que quelques mois. Comment se mesure le temps ? Comment le mesure-t-elle, elle qui attend le signe en retour ?
Ça ne répond pas, dit-elle à haute voix.
Ça ne répond pas, se dit-elle à l’intérieur.
img_20161118_142802Pourquoi ? Le jour se lève, le jour finit, ça ne répond pas, et le lendemain, le surlendemain, pas de répit dans l’absence de réponse. Quand ce n’est pas l’un, c’est l’autre. Les amitiés s’étirent et s’étiolent. Il n’y a plus de liens vivaces, tendus, élastiques. Les amitiés, comme des mollusques, laissent une trace baveuse sur le cours du temps. Il n’y a aucune explication. Il n’y a pas de solution. Les mots sont pauvres, pauvres, pauvres (elle se secoue en prononçant ces mots).
Puis subitement un mercredi, comme si le temps avait fait une boule, et qu’il aurait décidé de propulser la tentacule principale issue de la boule, elle reçoit des signes. Ni prévus ni prévisibles, ils arrivent de la galaxie du méconnu, du mystère de l’intention, du souvenir transperçant les couches de l’inattention. Et parfois honteux, conscients d’avoir fait attendre. Et parfois en rafales inexpliquées.
Elle est meurtrie, ou très meurtrie, mais il y a pire que ce revenu froid, longtemps après. Les choses se passent après l’après ; c’est inexplicable mais c’est comme ça. Après l’après, une fois que l’après a été consommé, arrive l’après. L’après arrive et c’est trop tard, tellement trop tard que ça peut devenir trop tôt : un avant l’après après. C’est fini, le trop tard s’est transmué en trop tôt. Ses sentiments ont gelé comme s’ils avaient été au congélateur durant l’attente. img_20161118_142807

Cependant, mondialement, les amis existent, comme la politique mondiale, les amis mondiaux. Il y a plein de monde autour : le monde mondial donc. C’est une belle chose que le monde mondial ; il réconforte comme un bon scotch au coin du feu.

se prépare se propage

peut s’agir d’une sorte de prurit, peut, se peut,
et aussi LA PLUPART DU TEMPS : d’un retard, d’un différé

puis, d’une vitesse excessive, ça va vite, on est fébrile, on casse,
on se prend une porte sur le pied tout va trop vite, tout se brouille,
d’autres sons viennent à la place
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c’est alors que des mots viennent à la place d’autres mots
et éclosent aux lèvres riantes : une erreur pas retenue
\\
la légère débilité du moment couvre les annonces anticipées
de la fin ; aucune fin ne saurait venir à ce moment

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la moue invitée seimg_20161003_121710 dissipe, des yeux se regardent encore,
évoquant un temps passé, l’autre autre, décidément autre,
sans plus aucun sexe, on n’a plus le temps pour ça
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fatalement ces semelles glissent sur le sens désormais fracturé des occupants voyants, des trottoirs couverturés, des issues lissées

 

?¿¿?

fatalement se propage la fausseté renouvelée du temps présent,
fatalement se prépare l’iniquité du temps futur,
fatalement se verrouille la paresse élogieuse du temps passé

une lumière désenchantée filtre le tumulte

si je me presse, si je me presse, il ne restera rien :
l’artichaut pour cuire doit rester sur place
durant vingt-cinq minutes
et à chuinter la cocotte montrer son efficacité

si je me presse comme la Japonaise qui joua
Rhapsody in Blue excessivement accelerando
si je me presse, si je me presse, il ne restera rien
de mon allant, rien de mon venant

si je me presse, aucune image ne pourra induire
qu’elle est valide, et dans le temps imparti
les labours lointains ne donneront aucun foin141020141097

si je me presse, la flaque d’éternité rejouera
son sale morceau tout en dégoûts & ressauts
qu’un piano ironique lèchera sans relâche

scènes de la forêt gris Paris rosé

gris Paris rose & gris
rosé Paris grisé rose
immeuble mondial
impasse des mondes 

mur 3

gris & rose Paris gris
tibet cameroun roumanie
je puis rester ici
rose & Paris gris rosé

passant couture passant
rose & gris Paris rose
nœud des jours coulant
passant des ans revenant

mur 2

 

 

 

 

rose & Paris rosé grisé
sans lieu ni date
je puis rester ici
impasse des mondes

la chaleur dégueulasse du collant

1) la petite femme aguicheuse portait parfois des collants résille, elle était la femme d’un monsieur réputé et tutoyait un peu trop facilement

2) le moment où une jeune fille doit enfiler une paire de collants pour la première fois

3) bien avant, bien bien avant d’enfiler le collant, il a fallu envisager la couleur du collant ; la couleur de la jambe n’est pas la couleur du collant, comment savoir le rendu ?

4) il n’y a aucun mode d’emploi du collant : ni de l’enfilage, ni de la couleur, ni de la taille, ni du rendu final

5) le collant est une métaphore du semblant mais la jeune fille ne la voit pas, perplexe devant le rayon des collants

6) la fragilité du collant : toujours peur qu’il fileIMG_20151225_163927

7) la chaleur qu’il procure, la chaleur dégueulasse du nylon acrylique

8) du collant apprendre le semblant définitif : l’identité qui colle à la fille en devenir femme

9) l’apprentissage du collant n’est pas remboursé, il entre pourtant dans une économie du semblant

0) la petite femme aguicheuse portait parfois des collants résille, elle était la femme d’un monsieur réputé
et tutoyait un peu trop facilement


[photo d’un cartel pour un tableau de Wifredo Lam]

abolir les années ::::::::::::::

ça dépend comment tu es disposée, ça dépend ;
il faut d’abord retrouver ce qui est, tu prends beaucoup de temps à retrouver, déjà tu te demandes ce qui a été trouvé, ensuite, retrouvé, tu erres le long d’un couloir, tu n’avances pas, le couloir s’allonge au fur à mesure, au fur au fur, à mesure à mesure ;
tu l’as toujours pas retrouvé ;
des paroles se dessinent, et, contrairement aux bonnes mœurs qui consistent à les écouter, tu les regardes ;
tu cherches continuellement, des comparses arrivent, impossible de leur demander quoi que ce soit, ils préfèreraient mourir plutôt que de dire, leurs yeux fuient, ils sont apparus dans un roman (qu’aujourd’hui certains dénomment fiction), voire deux, voire plein, ne mégotons pas ;
tu tues la facilité, tu dis à la facilité : regarde-moi dans les yeux, je te tue au milieu ;
tu oublies que la facilité n’a pas d’yeux ou bien tu fais semblant d’oublier ;
pour la nième fois tu refuses de répondre parce que tu ne sais toujours pas quoi ou que répondre à la question ;
toutes les questions t’ennuient mais ils continuent de les poser ;
tu sais de source sûre que la médiocrité n’a pas de fin et que de nombreux abonnés et souscripteurs feignent d’en être exclus, or non, ils n’en sont pas du tout exclus, ils sont inclus dans le cercle de la médiocrité, voire mandatés pour le faire tourner ;
tu as des piquants, bien que etc. ;
avec tes piquants, dont on a admis, et l’existence, et le postulat de l’existence virgule tu piques : erreur, rien ne pique, tu voudrais piquer mais rien ne pique, il faut résoudre l’énigme ;
tu fais appel à un résolveur d’énigme, que tu trouves dans le bottin qui n’existe plus : à ce moment, tu as trouvé ce qui est, reste à le retrouver ;
tu observes que ce qui est se trouve dans un objet oublié des enfants, et des autres qui ne sont pas des enfants ;
tu veux à nouveau tuer la facilité mais impossible, tu es toi-même sans milieu vis-vis des yeux, et être sans milieu crée une gêne ;
tu inventes un dialogue ineffable entre mme parasol et mme paracétamol, qu’il t’est à l’heure actuelle impossible de retranscrire, prise que tu es par la vitesse d’exécution des prolégomènes de l’œuvre ;
tu redoutes les prolégomènes, ils te sortent par les yeux ;
tu observes que tu mimétises la médiocrité, oui mais elle avait qu’à pas être là, non plus que le néologisme ;
tu observes alors que tu infantilises ton propos ;
oui, mais ;201020141131
tu observes que la marche du monde accélère la médiocrité et l’infantilisation, tu ne sais pas qu’en dire ni qu’en faire ;
tu te souviens que ton arrière-grand-mère est morte à baden-baden quand tu avais vingt ans, c’était hier, ajoutes-tu par faiblesse ;
que les autres arrière tu n’en sais rien ;
avec celle de baden-baden pour dernière demeure, il reste des lettres, vous vous écriviez, elle te faisait la morale féministe : il ne faut pas se faire entretenir par un homme, tu te faisais entretenir ;
tu as toujours préféré jouer au flipper plutôt que faire n’importe quoi d’autre, à l’orée des jours, vers le milieu du jour, de part et d’autre des yeux, la boule et les bumpers ;
la boule que tu suis des yeux, ne jamais la perdre des yeux, actionner les bumpers pour qu’elle ne tombe pas dans le trou-trou du milieu ;
tu ne peux pas te résoudre à autant de facilité et pourtant ;
tu te demandes si facilité et médiocrité c’est la même chose ;
tu te demandes rien vu que tu es saoûle ;
tu prends alors une voiture et puisque c’est comme ça tu fonces dans la foule, mais tu freines parce que t’as jamais pu aller jusqu’au bout ;
tu n’as pas réfléchi si mourir à vingt et quelques est intéressant, tu as freiné avant de tamponner le réverbère ;
ensuite tu as fait ta vie, toute une vie, rapido-presto ;
quand tu t’es réveillée, plus de flipper, plus de bumpers, plus de boule ;
tu es sortie du bar il faisait jour, nuit, tu as respiré (inspiré, expiré) et marché jusqu’à ce que les années s’effacent presque complètement.