paysage plié

devant un paysage numérique, lequel se plie parfois, écrivant,
une moto part, je la dirige depuis le trackpad
j’interviens comme je veux sur ce paysage
j’en explique les rouages à une femme : je lui écris une lettre
et ensuite tout ce qui sera écrit concernera les événements de ce monde plié
cette femme a un prénom introuvable et complexe, on peut l’appeler Fanny

paysage plié bateaux rivière prairies, autres monuments peu identifiables
j’écris à Fanny, le paysage a d’abord des couleurs vives
en ce moment, des nuances infinies de gris le nappent
rivières lentes et tortueuses comme une longue phrase boueuse
de ces phrases que je n’écris jamais

le retour des couleurs vives dans le paysage est indépendant du climat,
même cela reste difficile à décrire à Fanny :
la chose se situe dans la dépliure au loin des espaces virtuels
ici et là-bas, lorsque mon doigt bouge, se produisent des –

envers les diminutions de la présence, ne pas lutter
qui le dit ? Fanny ne se servira pas de ces informations
la lettre ne serait jamais arrivée…

à la certitude interrogée, l’idéal déficient répond,
posé telle une truelle sur un bâti absent

bruit de la moto déclinant

Pablo Picasso, Le jeune peintre, Mougins, 14 avril 1972

 


Rien de plus étrange que la manière dont une époque se regarde. Le nez sur elle-même, et sans le recul
ni la dépliure des perspectives, elle se croit toujours déshéritée, vide, confuse, néfaste.
(Cocteau, Foyer artistes, 1947, p. 126)

CNRTL, voir entrée dépliage, dépliement (dépliure n’existe pas en entrée directe)

freesbee langue

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ce jour de freesbee langue est arrivé
ce jour ce jour ce jour ce vrai jour
si dansant si chantant ce jour de chaque jour
de freesbee langue je l’ai reconnu

ressemblait étrangement à pipelette dancing
mais avec sa petite différence son petit sens
son envers tout cruchon son petit capuchon
arrivé dans les oreillers arrivé dans la volupté

pipelette dancing* très sérieux composé pour
la revue Pøst arrivera à l’heure de Montréal
arrivera comme freesbee langue sur tapis volant
un matin dans les blanches pages du carnet


longue time de la freesbee langue
contient en sa cruche tout ce qui versable
se dérobe au versifiable et envoie au diable
les savoirs prononçables les chichis à table.

* pipelette dancing, initialement composé pour la revue Pøst, y sera publié
le vendredi 15 mars 2019 à 22h30 heure de Paris dans son numéro 3.2

matière de ce qui chatoie

ça a duré / se compte en jours / plis à suivre

rubans minéraux immédiatement transformés
immédiatement dégainés de leurs hauteurs
et frappés à terre

ça a duré / transformations observées

et même choses désagréables telles
musculatures avachies
encore transformations encore (reprise de guitare)

ça durera / les morts arrivent à maturité (meurent)

dégradations quand ça ne regarde plus
inscriptions au col des vêts déboutonnés
inscriptions sur la pierre plate

ça durera entre tirets / des années le dol

ire jamais consommée
restauration d’une tension encore palpable
matière de ce qui chatoie

c’est, pratiquement, pas moi

je l’ai vue passer : j’ai une tête de lampe
mon ministre est un interrupteur, et des ennuis
qu’il éteint fréquemment, je règne sur une
quantité d’infinités déplorables
leurs noms : long trait, compas, générateur obscur

                                                            Mélanie Manchot, Cornered Star, 2018

je me tords les chevilles, mon fil se noue de
courts-circuits probables, et parfois de langueurs
surprenantes, type quinconces avérées
corps obsolète, forcément, branchement syntone
épuisement des possibilités hors prise

mon être de lampe me convient mieux aux yeux
je me répète aux coins des pièces
il est des fuites non récupérables comme
proches des cardinaux, qu’une patente
viendrait sceller en vain, mais avec application

chaque jour son etwas (faire etwas maintenant)

Après mon crime, j’ai disparu. Complètement. Je ne me suis pas exilé, j’ai disparu dans mon propre pays. Il aurait fallu que j’affirme un point de vue, ça m’était insupportable. On m’a poussé à le faire. On peut faire dire n’importe quoi à n’importe qui sans même le torturer. Je n’ai pas été torturé, je n’ai pas souffert. Je ne suis pas faible. Le monde de la connection permanente m’est insupportable. Personne ne peut savoir ce qu’il y a réellement dans ma tête. Je peux parler pendant des heures pour ne rien dire. Physiquement, on peut me voir, mais j’ai disparu.

des zones de retrait avec contiguïté des éléments furent décidées
leur mise en place ne posa aucun problème
les tracés des passerelles ayant été étudiés (minutieusement)

les obstacles levés, en particulier naturels,
peu évitables à moins de les ordonner,
l’etwas advint et circula sans contraintes

Ma disparition ne m’a pas ôté l’ennui, mais il est le mien. Je regarde longuement un paysage aux couleurs de fumée duquel surgissent des monts peints. J’ai fui au sein du monde banal. Il n’y a pas d’ailleurs. L’ensemble des commodités existe pour que j’en use. J’ai réduit les images au strict minimum. Je continue à parler pour ne rien dire, dans le vide de conférences confuses. Mon visage est devenu plat. Je ne sais pas si j’ai encore une conscience. Je trouve parfois un objet que j’arrive à nommer. Mais le plus souvent, les noms ont disparu, comme j’ai disparu.

c’est maintenant que faire etwas se signale,
maintenant, dans l’insularité d’une position externe,
protégée par des roseaux (qui jamais ne rompent)

chaque jour son etwas ! était-il entendu
et des échos résonnant dans les monts : was ! was ! was !
le parfait découpage d’images mortes et riantes

y revenir & semaine disparue

on ne se croirait pas dans le temps
pas tellement dans le temps

prenons un petit bureau de bois
haut sur ses quatre pattes
brun époustouflant de patine
attribuons-lui l’employé aux coudes
revêtus de manchons de lustrine
et disparaissons aussitôt

……………………………………………………………………………………………

de longs champs blonds inusités
formeraient à coup sûr le développé
d’une vue à perte et
de l’orée de la forêt
le sentier débutant
que conviendraient d’occuper
des pensées disparates

rêveusement dans le temps
on ne s’y croirait pas

              peintre actif aux Pays-Bas vers 1630, Portrait d’un peintre, toile, vers 1630 (collection Campana)