15 juin 2007.
Rien ne se passe.Je rôde comme un âme en peine.
Mais je ne suis pas en peine.
Je suis une surface blanche. J’écris mal.
C’était le final de la 17e de Beethoven.
Ça me fait ni chaud ni froid. Rien ne me fait rien.
Je suis comme un automate.Je ne tiens plus aucune matière.
Tout est mou dans ma langue écrite.
Je ne sombre nulle part, ne glisse nulle part, je n’ai pas d’amour et pas d’idée sur ce que c’est.Il n’y a plus rien que le jour qui se fond dans les arbres.
De gros pelotons de nuages caressent l’horizon tandis que les lumières du stade brillent et interrogent quelque troupe suspecte de garçons prêts à en découdre avec la troupe d’en face.
J’aurais voulu retrouver une vieille pop, Hendrix ou un autre, j’ai pas les noms, tout est parti, le bébé avec l’eau du bain.Je ne tiens pas la distance, les mots qui se succèdent me fatiguent vite, une lettre à la fois, à la limite c’est jouable. D’écrire.
J’ai dû ralentir mon rythme.
Je ne me prends plus pour personne d’autre.
Je suis en panne d’idée de soi.Je me retire, me reclus.
Je préfèrerais ne pas, même pas, autre chose.
Je ne sais pas s’il s’agit d’une souffrance.
Peut-être d’une extase, une sorte d’extase, un hors-soi, une vieillerie.Je ne comprends plus lire. Je ne comprends plus écrire.
Je poursuis comme une vieille mécanique.
Seul le vélo me calme. Mais je ne peux pas faire du vélo sans cesse, sortir sans cesse, plus l’énergie.
Je pressens des vieux jours bizarres à me demander encore et encore ce que je fabrique.
Et là ce sera pire, je ne pourrai même plus faire de vélo.
Je ne serai plus portée par mes jambes.Je vois bien que je m’arrête sur rien. Je me dis.
Je ne sais pas ce que j’ai, au sens de mes possessions, de ce que je possède.
Je suis là, je me pose et j’oublie.
Je mène une vie, comme on dit, je mène ma vie, ma vie me mène, ça peut largement s’intervertir.Je fais ce que j’ai à faire.
Je ne trouve pas, ou très peu, ce que j’ai à dire.
Ici, c’est vide, je ne sais pas comment ça va se transformer.
Je m’en fous : que les choses soient à leur place, rangées.
Après moi, je me range dedans et je passe plusieurs années.Ce qui est dangereux maintenant, c’est que j’ai eu cinquante ans.
Je n’ai plus tant de temps que ça à me prélasser dans le vide environnant. C’est pourtant ce que je préfère.
Rester plantée. Me planter là et rien.Je range quelques objets, mes livres, et je peux rester là.
J’ai pas d’idée d’amélioration, une fois que les choses sont rangées, je les laisse, je remets les choses droites, c’est tout.
Faut que ce soit droit, le reste je m’en fous.
Je me rends compte que je m’attache à rien, pas aux mots, pas aux numéros des sonates, à rien.
Je suis posée là.Un jour, j’ai fini par écrire un livre, il me semble. Peut-être.
Je me demande encore comment j’ai fait, pour choisir tous ces mots et les aligner, me relire et opter, celui-là oui, celui-là, non.
J’avais inventé un personnage dans lequel je m’étais coulée, qui m’allait.Ca y est, Beethoven commence à m’énerver.
J’ai allumé la terrasse, dehors on ne voit rien que le serpentin d’arrosage bleu et la table en résine blanche, deux chaises autour, quelque fleurs jaunes qui tendent leur museau en dehors des bacs comme si elles voulaient raconter quelque chose.Je m’ennuie à me relire, faudrait que je donne ça à faire à quelqu’un, comme le ménage, faire le ménage de ce que j’écris, des fautes de frappe.
Je voudrais ne jamais me relire, que ça passe directement au correcteur de la matière, tous ces mots qui s’accumulent dans l’espoir fou de me retenir à eux, lettre après lettre.
Les mots entiers, il y en a trop pour que je les lise, je n’ai plus lu de mots entiers depuis longtemps.
Je ne veux pas me relire, je déteste ce type d’écriture, une écriture laxiste, communiste, larvaire.Longtemps je n’ai pas pu écrire. Du tout.
C’est ça, peut-être que je me rattrape.
Aucune hypothèse n’est meilleure qu’une autre.
Je ne saurais pas trancher.Je laisse la lumière allumée sur la terrasse.