snow pillow shadow

le beau est un moment
mais le beau n’est pas intéressant

pas tout le temps le beau
le beau lève le beau soulève le beau élève

le beau c’est si haut que jamais
l’échelle ne l’atteint

le beau remplit le thorax
parce qu’il est respiration amplifiante

creuse dans le noir le beau surgit
craque l’étincelle des courbures suaves

snow pillow shadow
mon esprit est en morceaux

incertitude sur la bêtise (de soi et du monde)

et donc alors, ils se mirent à parler
ils se mirent à parler, beaucoup trop

quelque chose tombe, sans arrêt

seul, l’être sous le plafonnier (l’être est seul sous le plafonnier)

______ et la littérature a fondu

je prends grande le monde

et puis l’Amérique inexistante, son cinéma

arrêté ce qui a chu, impossible

toute vérité à course folle _______
même pas nue sous le plafonnier froid

saisissez le titre

le mot le nom
le mot le titre le nom
le nom le titre
le mot

le mot le nom quelqu’un
le nom le titre
quelqu’un

le mot le nom
le nom personne

personne

le passé composé est aussi un futur

[teintes d’automne]

Frans Pietersz De Grebber, Banquet of the Officers and Subalterns of the St George Civic Guard, 1619 (détail)

qu’est-ce que ça fait de pas être précis ?
j’en sais rien.
mais quoi ? qu’est-ce que ça fait un mot à la place d’un autre ?
qu’est-ce que la certitude ?
j’en sais rien mais j’aime pas les imprécisions.

qu’est-ce que ça fait au juste ?
ça fait du faux. du faux prononcé avec conviction.
ça fait que l’autre y croit ?
oui. et c’est faux.
et l’autre crie c’est pas vrai c’est pas vrai !
oui.
et l’autre n’en démord pas ?
oui.
et l’autre souffre ?
oui ! atrocement. et pour rien.
pour rien ??
oui ! il souffre pour la vérité.
il ne peut pas rectifier ?
non. son faux lui sort de la bouche il n’y peut rien.
même si ça a des incidences graves ?
oui ! c’est fait pour ça ! mais c’est pour lui les incidences.
pour lui ??
oui, c’est ce qu’il croit lui, son faux comme vrai. il a besoin des incidences.
oui mais il le dit à l’autre ! il l’affirme même !
et alors ? les incidences issues de son faux l’aident.
laides ?
laides comme ses plaintes. qui l’aident avec les incidences.
il a besoin de son faux, des incidences, et des plaintes ?
oui, c’est à peu près ça.
c’est la définition du névrosé !
en quelque sorte.

la regarde et dit Budapest

dans son emballage plastique reste par terre
un quatre couleurs

l’homme a fini de fouiller, l’homme petit homme
tout maigre et tout courbé

du quatre couleurs il essaie la couleur verte
sur le rabat du carton

le ramasse et l’essaie dans un geste nerveux
le jette au fond de la poubelle avec un petit rire gêné

demande si ça va, de remettre le couvercle de la poubelle
appuie sur les sacs pour le fermer

regarde la femme avec un regard aigu
et dit Budapest

non, c’est pas pour lui le quatre couleurs
il n’écrira pas

il n’a jamais écrit
la regarde et dit Budapest.

l’érosion du pied de la lettre

je parle de nombreuses fois après avoir dansé
et claqué dans mes mains à la fin
en mouvement, après le dernier temps
c’est à dire hors du rythme, 
- imperceptiblement -

j’ai le rythme absolu avec mes hanches qui dansent
je suis sans tête, il n’y a que mes mains

je parle avec des paquets, c’est fluide, rempli, non prémédité
l’érosion du pied de la lettre est en cours
on pourrait en parler longtemps

je parle rempli, en paquets, sans délai
ma tête est partie ailleurs, mes gestes sont infaillibles
j’ai le rythme absolu

des lames de lumière strient l’idée du temps
et les paquets de parole chutent
plus ou moins bruyamment

l’érosion du pied de la lettre ne cesse pas

les paquets encombrants avec lesquels je parle
je les laisse dans le couloir
et je ferme la porte après avoir dansé