elles sont toutes si nombreuses et je suis si désespérée

(pour Glenn Gould)

immédiatement elles se martèlent,
et puis retombent, un silence,
la tension du temps, l’exécution, sublime,
justesse revient, revient, revient

bercées en un petit hamac, elles,
et le silence, au pourtour velouté,
un peu de cette couleur que je ne sais nommer,
voile, de l’épais passé, la ferraille tombée

elles, encore, chaleureuses, sans répit
amadouent leurs triolets formés
et les liens, courts, entre deux et trois

divisibles, retiennent dans l’exécution
des accents puissants et pulpeux,
elles, les notes, leurs intervalles

quant au bouche-à-oreille, aux passantes, au passant

on voudrait que ce soit toujours comme ça,
de cette qualité-là, de ce niveau-là,
que quelqu’un parle d’un livre de cette manière-là,
et qu’on l’entende dans cette justesse-là

c’était exactement comme ça, et mieux, et mieux encore,
les paroles des lectrices entendues
durant cette lecture-là, ce soir-là, sur ce livre-là

[remerciements à :
La Passerelle.2, le passant du lieu, Daniel Zanzara ;
Catherine Riza & Julie Grislain-Higonnet, les deux passantes du livre]

que dire de ne pas dire : écriture strangulée ©

tu ne peux pas donner une identité à ce qui n’en a pas
tu ne peux pas dire ces choses-là
tu ne peux pas rester là
tu ne peux rien

que dire de ne pas dire : écriture strangulée ©
que tu conservais en toi jalousement
tu l’aimais cette façon de ne pas arriver à avancer
ce léger ridicule devant ce dire impossible à dire

la confusion qui te fit rougir et ne pas
confusion enfouie entre les lames
des parquets des volets & de leurs nécessités
où les jours percent leur indéfinie continuité

ce qui n’arrive pas n’arrive jamais
il n’y a pas de figure humaine incarnée
déboutés de leur identité
les corps traînent sur l’avenue des petits marasmes

tu touches tu cherches tu tapotes
tu mélanges tu prends tu reviens
tu écartes et encore écartes
tu dissémines tu tries tu puises

la confusion qui te fit verdir et ne plus jaunir
encre jaune qui absorbe le bleu
encre magenta qui absorbe le vert
encre cyan qui absorbe le rouge

les vieux pots fatigués parce qu’il en faut
les antiquités prisées de tes retours
les beautés par tes gestes animées
l’élévation si souvent invoquée

tu ne peux pas tu ne peux pas
rien n’approche l’esprit
un cercle se tient loin
auquel tu ne peux rien

interviou de Vous (à propos du titre L’enfant fini)

parution de L’enfant fini en octobre 2016 chez Cardère éditeur

i  – Comment vous est venue cette idée de titre L’enfant fini ?
V –  C’est un titre prononcé dans un rêve par l’éditeur de mon premier roman publié, Une théorie de l’attachement, rêve survenu dans la nuit du 21 au 22 décembre 2013 et situé dans ce qui se présente comme les bureaux de P.O.L, mais à l’extérieur. Nous sommes dans une sorte de jardin. Paul Otchakovsky-Laurens trouve ce titre, L’enfant fini, je suis d’accord, je décide d’être d’accord, je me rends compte que j’agrée, c’est agréable de dire : bon ok, si vous voulez.

i – Pourquoi  est-ce agréable d’agréer dans le rêve ?!
V – Parce que longtemps je préférais dire non, refuser ce qui m’était proposé. Probablement que c’est cela, ce rêve, l’expression d’une satisfaction d’avoir changé de position… Ou du moins, de laisser la possibilité au oui d’être prononcé, d’acquiescer. Il y a une convergence particulière dans ces temps, un début et une fin, un bouclage temporel parallèle à l’écriture de ces deux livres : à l’automne 2001, je démarre une psychanalyse ; fin 2013, au moment du rêve, elle est terminée depuis le printemps.

i – Le texte L’enfant fini est-il « fini » lorsque ce rêve advient ?
V – Le livre n’est absolument pas « fini », il vient juste de commencer ! Je n’ai alors écrit qu’une vingtaine de pages.  Il porte un autre titre, provisoire, tout à fait dénotatif : Le cahier de Jasper. Je me souviens que pour Une théorie de l’attachement, fin 2001, nous avions aussi cherché un titre avec l’éditeur. De la même façon, mon titre premier était également dénotatif : Le rapporteur, puisqu’il s’agit de quelqu’un qui rapporte des faits.

i – Mais l’éditeur de L’enfant fini n’est pas Paul Otchakovsky-Laurens ?
V – Visiblement non ! Pas plus qu’il n’est qui il est dans mon rêve de décembre 2013. Il s’agit de moi, c’est moi la rêveuse du titre ! L’éditeur est désigné comme tel dans un jardin, et il énonce le titre d’un livre que je viens à peine de commencer d’écrire. Il manifeste mon désir que le livre soit fini et édité, je suppose (et lié à mon prénom, bien sûr).

i – Alors ce livre, L’enfant fini, était à peine né lorsqu’il a été nommé ?
V – On peut voir les choses comme ça. On peut toujours voir les choses sous différents angles. Dans le rêve, ou plus exactement dans son interprétation au réveil, il y avait quelque chose qui m’intriguait dans les sons formés par la prononciation des syllabes, finale et initiale, du substantif et de l’adjectif : fan-fi, une allitération un peu dysharmonique, difficile… au sein d’une triple répétition en/an, f/f, i/i, les voyelles elles-mêmes étant les plus opposées dans leur point d’articulation (i orale-antérieure ; an nasale-postérieure).

i – Par la suite, pourquoi avez-vous décidé de conserver ce titre ?
V – Parce qu’il m’intriguait, au-delà de son contenu. Advenu dans un
rêve ; attribué par la figure respectée de l’éditeur de mon premier livre à l’intérieur de ce rêve, que demander de plus ?! Puis, dans un second temps, ce titre s’est peu à peu révélé comme étant l’exacte focale du livre, de ce livre-ci, avec toutes les modifications apportées au texte depuis ses débuts. Il est hautement polysémique, un peu difficile à prononcer, et reste étrange, unheimlich.sans-titre


[extrait de Wikipedia]

deux mardi d’un juin lointain

Mardi 23 juin 2009

Et ici, encore une fois, l’humain pressé se révèle plus petit que la pierre blonde, le bruit des cris des petits résonne, ils s’attrapent, jouent à s’attraper devant un mur construit de pierres blondes, que le coucher de soleil lèche avantageusement, que bientôt l’heure bleue découpe, vif, à étreindre.
IMG_20160826_094240Et ici, encore une fois, un regard s’élève, d’autres déambulent, incapables de se fixer, un regard rencontre l’arête vive de vitraux assombris, un regard sombre dans un excès de larmes sèches.
Et ici, encore une fois, on ne sait pas quoi faire de ses bras ni de ses pieds, encore une fois encombrés de ses membres, tandis que les voix s’élèvent, les mains tendent à prendre leur liberté, quitte à finir faute de mieux sous ses propres fesses.

Mardi 30 juin 2009

Si nous étions cohérents, nous devrions avoir un projet, un projet souligné par une acuité supérieure de la succession des jours et des nuits,
un projet nécessitant une organisation inflexible de la contingence,
un projet tout à fait caractérisé.
Nous devrions suivre une ligne qui fût au moins dédiée
à la dimension de notre ombre au couchant,
à la survie d’une image humaine de l’attention,
à l’hommage vertébré fait au hasard,
à notre verticalité pensante.

Un État, dans la gestion duquel s’installe durablement un grand déficit de connaissances historiques, ne peut plus être conduit stratégiquement.
Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle.

une lumière désenchantée filtre le tumulte

si je me presse, si je me presse, il ne restera rien :
l’artichaut pour cuire doit rester sur place
durant vingt-cinq minutes
et à chuinter la cocotte montrer son efficacité

si je me presse comme la Japonaise qui joua
Rhapsody in Blue excessivement accelerando
si je me presse, si je me presse, il ne restera rien
de mon allant, rien de mon venant

si je me presse, aucune image ne pourra induire
qu’elle est valide, et dans le temps imparti
les labours lointains ne donneront aucun foin141020141097

si je me presse, la flaque d’éternité rejouera
son sale morceau tout en dégoûts & ressauts
qu’un piano ironique lèchera sans relâche