passage contemporain

De larges oiseaux planaient sur la Seine calme, pas très haut, indolents, dans un ciel déjà paresseusement bas. Un peu plus loin, dans un passage ressemblant à celui où avait habité Céline dans ses jeunes années, une boutique vivait son début d’après-midi avec la dose d’ennui habituelle aux heures lentes.
Personne ou presque ne passait à ces heures dans le passage.

Un homme fit tintinnabuler le mobile suspendu à la porte de la boutique. L’employée, qui lisait un livre de littérature japonaise contemporaine de bonne qualité, le posa plié sur l’imprimante sans se presser, se leva et salua l’homme qui se présenta comme huissier. L’employée dit qu’elle n’était que l’employée. L’homme expliqua alors des impayés, et qu’il fallait noter les objets et meubles à saisir.
Bien sûr, faites, dit l’employée.
L’huissier emprunta un petit espace libre à côté de la machine à carte bleue et commença, debout, à noter scupuleusement ce qu’il pourrait saisir, des étagères, l’imprimante, des objets, des boîtes, des tasses, des coffrets, un siège, l’ordinateur, etc.

Alors qu’il était en train de noter en reprenant à mi-voix ses notes, la porte re-tintinnabula. L’employée s’étant brièvement ré-assise, se releva pour saluer le nouvel arrivant.
L’homme était agité, un peu. L’employée le connaissait, il lui avait déjà acheté des cartes postales exposées sur un présentoir tournant dans le passage. Son agitation tenait à certaines de ces cartes postales : il expliqua à l’employée que des esprits avaient envié ses cartes postales au point de les lui avoir dérobées, et qu’il fallait qu’il en rachetât ; que les monuments parisiens classiquement représentés sur ces cartes étaient l’objet d’une furieuse convoitise des services secrets spéciaux, et avaient disparu.
Les monuments ? avait interrogé, surprise, l’employée. Oui, les monuments. C’est pourquoi je dois racheter certaines de ces cartes.
D’accord, choisissez et dites-moi, avait répondu l’employée. L’homme était sorti puis re-rentré dans la boutique ; il avait ensuite obtenu d’autres monuments représentés sur des magnets, qu’il avait achetés, au nombre de neuf.

Toujours debout, l’huissier continuait de noter les choses à saisir en marmonnant en même temps ces mêmes choses comme pour se persuader de leur réalité.
L’homme agité avait terminé son recensement et payait l’ensemble des monuments représentés dont cette fois personne ne pourrait le dépouiller, puis demanda avant de partir : il paraît que la boutique va fermer ? Oui, répondit l’employée jetant un coup d’oeil vers l’huissier. Mais l’huissier ne semblait pas avoir entendu ; il termina de remplir son document, le remit à l’employée, la salua, et disparut.

L’employée reprit alors la lecture de son roman japonais contemporain de bonne qualité, avec la légère crainte de le finir avant l’heure de la fermeture : elle n’avait plus rien d’autre à lire ensuite.

dans le tiroir des chaussettes choisir

elle trie les chaussettes, les noires, les beiges, les vertes,
les orange, les imprimées fleurettes,
elle les place, les replace,
elle prend et repose,
elle se dit des choses,
rien n’est arrêté tout est possible
elle défait une paire, regarde une couture
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elle finit par parler : les chaussettes ne répondent pas,
elle regarde des petites fines qui glissent sur le talon
elle aperçoit les rouge au fond,
les grises sont déjà vieilles,
d’autres à jeter qu’elle ne jette jamais,
elle voit les chinoises chinées : idéogramme chaussette
la folie la guette, les chaussettes se taisent
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elle manipule dans le tiroir,
la folie la guette, les chaussettes se taisent,
elle choisit des chaussettes, idéogramme chaussette
elle se dit des choses,
elle prend et repose,
rien n’est arrêté tout est possible,
les chaussettes ne répondent pas.IMG_20160513_212836