une lecture à La Passerelle.2

 

le samedi 18 février, séance de bouche-à-oreille à La Passerelle.2

un exemplaire de chacun de mes livres est consultable sur place :

 

L’enfant fini, 2016

*

Une théorie de l’attachement, P.O.L, 2002

 

Lieu de découvertes et de rencontres, ce disquaire-café propose une sélection de disques d’artistes indépendants, mais aussi quelques livres.

La Passerelle.2, disquaire-café

Dès que vous passez la porte, vous vous retrouvez face à une collection de disques que (pour la majorité) vous ne trouverez pas ailleurs. Ces disques d’artistes francophones indépendants sont riches de qualités multiples et d’univers musicaux qui méritent grandement d’être découverts. À la Passerelle, vous pouvez prendre un café ou manger quelques tartines tout en écoutant un disque que vous aurez vu sur un des présentoirs.

soir tsf (inachevé)

J’ai cru avoir disparu. Mais au bout d’un moment j’entendais toujours cette montée chromatique subrepticement ralentie à la fin, des morceaux de jazz ancien. Alors, ce jazz ancien ? If I should, if I, monday, carry on, business, no money, honey… je n’avais pas disparu, contrairement à mon pressentiment. Ils roulaient des yeux, là, en silence, en se parlant et quand j’écoutais, que je regardais, que je ne comprenais plus rien. Je crus avoir disparu. Ma tête n’était plus la même : le vieillissement l’avait transformée. Ce n’était pas de l’imparfait, c’est là, c’est un fait, ma tête est déjà transformée. Complètement. Et le jazz languissant accompagne dorénavant le vieillissement. Comme du miel de châtaigne. On ne sait pas ce qu’est sa propre disparition. L’hypothèse de quelques notes est rassurante. Les notes s’égrènent en douceur. La disparition devient agréable. S’y mêle un peu de trompette et le sentier exhale des odeurs de forêt. Si longtemps que la forêt a disparu. Cry, cry, cry, don’t ask for sympathy. Someone means more to me. L’articulation de la voix est parfaite, la pointure décidée de la dame nous fait exister au-delà de la disparition. Leurs yeux continuent de rouler dans de nombreux sens. Ils se parlent et se répondent, mais rien ne s’inscrit dans ce relief de la finitude annoncée. Nous cherchons la correspondance des watts, de la puissance électrifiante. Toutes ces vieilles ampoules encore en vente, à incandescence. Pour savoir comment ça éclaire le vieillissement. La peau tombe, la bouche tombe, les oreilles tombent. Ampoules interdites. Vieilles amours déchues. Rides et rideaux. Ils roulent encore leurs yeux et se regardent encore ; c’est un théâtre. Ils pointent du doigt. Leurs paroles sont accompagnées du doigt pointeur, l’index.

J’ai cru avoir disparu. Je l’ai déjà dit. Dans un soir sans ombre. Dans un mouchoir de difficultés sans accord. Ils clignent des yeux, sans doute trop de lumière. Leurs yeux se rencontrent et se mettent d’accord. C’est par là qu’ils se mettent d’accord. Ça ne m’intéresse pas. Je suis au regret de me regretter déjà. Comme si je pouvais me surélever, ça m’est impossible. Comme il n’y a pas d’accord, comme on ne peut absolument rien savoir avec ce clignement des yeux et ces rides, comme j’en ai assez de ces rideaux d’une scène usée. Je ne suis pas là ; j’ai disparu. J’ai vraiment réellement disparu, déjà. Leurs gestes sont élégants, leurs yeux rieurs s’échangent des blagues, leurs ongles sont faits. Ils sont tous beaux finalement. Ils passent lentement en silence dans une émolliente faconde inaudible. Ils s’aiment tous, ils lisent tous, ils se lisent tous, ils se regardent et s’aiment tous, ça devient dangereux. Leurs souvenirs ne s’arrêtent plus, ils prennent des notes nerveusement. Ils sont tellement bien habillés, de gris clair, et leurs bagues ajustées dessinent des éclairs dans la lumière du plateau. Applaudissements. Reprise. Soirée how sweet, kiss, would soul, what they do to me, I feel so rich, kitchen, and as well. Il faut entendre kiss, what they do to me. Et puis fortune et kitchen, kiss me pretty.

C’est de ma grande platitude dont il est question, de ma peau qui tombe, de mes oreilles qui descendent, des signes de mon vieillissement dont il est question, des signes visibles de cela qui n’est plus dans les lettres ni les carnets, et comment les épreuves ont transformé cet être transformable à peine né. Une sorte de caramel. Ma grande platitude a même disparu. Tout a cru disparaître dans ce que j’ai cru. J’ai disparu, finalement. Au bout de leurs bras, leurs mains chantent, montrent, distinguent, hésitent. Et leurs bouches n’arrêtent pas une seconde. Il est très tard pour se regretter. J’ouvre trois onglets, j’en ferme cinq. Soir tsf, c’est le titre que j’ai donné à cette grande platitude. Plus fort que tout, son titre alternatif. Quelque chose comme une livraison à domicile avant telle heure, une orientation singulière de la preuve. Il y a trop de croyance, ce n’est pas possible toute cette croyance encore.  (…)

abouté jour chiffon

est-ce que la lutte
quelque chose avec la lutte
reste la lutte
ou bien la fuite

ne vient pas : exagéré
des futilités se passent de questions
exagéré tout à l’avenant
la fuite si possible

abouté jour chiffon
baroquisme avec léger voile
et dessous : un pataquès
lutte au placard

dévisser le panneau
attendre que le temps
dévisse les semaines
et ruine l’évidence

abouté jour chiffon
un autre jour un autre
ou bien la lutte
reste la fuite

que dire de ne pas dire : écriture strangulée ©

tu ne peux pas donner une identité à ce qui n’en a pas
tu ne peux pas dire ces choses-là
tu ne peux pas rester là
tu ne peux rien

que dire de ne pas dire : écriture strangulée ©
que tu conservais en toi jalousement
tu l’aimais cette façon de ne pas arriver à avancer
ce léger ridicule devant ce dire impossible à dire

la confusion qui te fit rougir et ne pas
confusion enfouie entre les lames
des parquets des volets & de leurs nécessités
où les jours percent leur indéfinie continuité

ce qui n’arrive pas n’arrive jamais
il n’y a pas de figure humaine incarnée
déboutés de leur identité
les corps traînent sur l’avenue des petits marasmes

tu touches tu cherches tu tapotes
tu mélanges tu prends tu reviens
tu écartes et encore écartes
tu dissémines tu tries tu puises

la confusion qui te fit verdir et ne plus jaunir
encre jaune qui absorbe le bleu
encre magenta qui absorbe le vert
encre cyan qui absorbe le rouge

les vieux pots fatigués parce qu’il en faut
les antiquités prisées de tes retours
les beautés par tes gestes animées
l’élévation si souvent invoquée

tu ne peux pas tu ne peux pas
rien n’approche l’esprit
un cercle se tient loin
auquel tu ne peux rien

se produiraient des négligences

dimanchement rêvé un bruit de sms inexistant
avertirait que le sommeil est terminé
les yeux fermés dans un faux calme décidé
s’effaceraient les catastrophes

une poire aurait été découpée dans un bol de verre bleu
par une femme téléphone calé contre l’oreille droite
d’abord malhabile à l’éplucher glissante
l’aurait ensuite déposée nue sur l’inox
aurait ri au téléphone aurait encore attendu
les jours seraient passés nombreux
les certitudes reposées dans le lit du temps
sans projet autre que son passage négligent
et le gauche effet de l’économe sur la poire

dimanchement rêvé un bruit de sms inexistant
avertirait que le sommeil est terminé
les yeux fermés dans un faux calme décidé
s’effaceraient les catastrophes

brouillon petite forme

21 mai 2007 (soi-disant)

De cette sorte de rien qui fait que années 60 sonne très connu, banal, archi-vu, testé et approuvé, rock’n roll, soubresauts de l’histoire occidentale, bas nylon et Kennedy. Très pauvre instruction de l’histoire ; bilan maigrelet,
vous repasserez.

Je me lamente et me tords dans ce vestiaire prolifique, à manipuler à l’arraché des cintres empilés, étouffant et froissant les vêtements, dans cette odeur de vieille poudre de Madame. Labyrinthique, pire qu’un entrepôt d’archives souterrain, l’endroit n’est pas brillant question éclairage, moi non plus question pas brillant, donc, j’ai les bras épuisés à tirer comme un forcené chaque manche pour examiner des vestes incongrues, mais les ordres sont les ordres. Trouvez-vous un écossais en base bleue pour faire figure. De quoi j’aurais l’air ? C’est la consigne de la production, c’est très années 60, l’écossais. Oui mais en base bleue ? Vague suspicion d’un truc qui n’existe pas ; je chercherais quelque chose qui n’existe pas, je passerais tout le reste de ma vie dans ce vestiaire poussiéreux à la recherche d’un écossais inexistant, tandis qu’au-dehors le monde se modifierait à vue, et moi je serais toujours là à chercher
la veste indispose.

La haute verrière dispense sur ces vieilles fringues soi-disant rangées par genres, styles, types, fonctions, et tailles mais je n’en suis pas sûr, un surplomb de saleté, une aura grise surajoutant à la lumière insuffisante le souvenir des années fanées.
Quand je pense que certains les aiment tant.