diverticule du voir

je caresse une pyramide de verre
je caresse ses pans symétriques
avec la pince de mon index et de mon pouce
je caresse une pyramide

de verre
avec la pince de mon pouce
de mon index et de mon majeur
je caresse une pyramide

de verre
avec la pince de mon pouce
et de mon annulaire je caresse
une pyramide

aux pans symétriques
je caresse avec mon pouce
et mon auriculaire une pyramide
de verre

de la base vers le sommet
je caresse les pans symétriques
d’une pyramide de verre
avec les doigts de ma main gauche

obstination relègue la mort plus loin

tentative de chercher quand rien n’est à chercher :
l’action ne sert que l’action, avec les paroles,
quand les paroles bruitent l’action, corps en branle
corps plié, corps debout, corps-singe

tentative de trouver, chercher encore : corps, mots, gestes
l’action n’est que la traduction du désir éperdu de perdurer
quand même chercher ne sert plus à rien
rien ne se trouvera mais rien se trouvera

lire singe partout, yeux rapetissés, leurs rides autour
corps souffrant cris, chercher encore à cris
l’action ne sert que l’action,
puis : assis, corps soufflant, à la raison se rendre

rien se trouvera toujours si rien ne se trouve
chercher encore, tentative de trouver

Georges Focus, paysage à l’arbre (dessin signé ”faucus”), fin XVIIe

mariage dans le rectangle

le temps n’a jamais été ce qu’il est, non, le temps ne l’a jamais été
non ? non long ? non semi-non ?

un lion a rugi et c’était le soir, il y avait de la purée à manger
le lion n’aime pas le jambon

participer à une lutte des classes empêche les ronds-de-jambe
un imbécile crie dans la nuit, ce n’est pas grave

dans la perspective d’être engagée, une femme ronronne très fort
au même moment, un bus passe

je me couche en rond, rabats le plaid, dors, me réveille
une heure plus tard le monde continue

à force de politesse, ils sont devenus mous comme du réglisse
et leurs mains inutilisables

rien de ce qui sort des bouches n’est vrai, sauf le vomi
le mur n’est pas tout à fait droit

c’est particulièrement pénible de vous voir acquiescer à tout
pour brouiller les pistes, prôner l’hiver

la majeure partie des messages est obscène, l’autre sans réponse
composer cette musique demande du doigté

la pluie et le beau temps sont ennemis mais pactisent parfois
sur un tas concret d’interrogations

c’est tout ce que je peux pour toi, donne la papatte, allez
souvenons-nous du structuralisme

la chanson a quelque vertu probante, ne m’oublie pas
reste avec moi, nous irons à Mexico

ce qu’ils espèrent, toujours et encore, devrait être mis en page
fors l’impatience des délais

couper la parole avec une scie sauteuse revient à
saucissonner le vous pour s’y mettre

si la parole était verticale, il y aurait de nombreuses fumées
le tire-bouchon est aussi une allégorie

il y a toujours des fins, l’agacement de certains fruits le prouve
un peu de peinture suffira

jeune femme, flirter avec la prostitution

un bruit court que la mort non, un bruit court comme une gymnaste, un bruit

le bar ouvert tard le soir, le bar et ses hauts tabourets, le bar

des années que ça dure, des années que c’est fini, des années

les souvenirs et le bruit des balayeuses, le bruit des années balayées

 

jeune femme, flirter avec la prostitution

 

là-haut sur la montagne, l’air pur, la montagne, descendre et regarder

regarder le regardable là-haut : les sommets enneigés au loin, encore

à cette saison, encore de la neige, de l’après-saison la neige

 

jeune femme, flirter avec la prostitution, anciennes années

 

un bruit court que la mort non, courante gymnaste aux sommets enneigés

regarder le regardable, au loin porter le regard : neige blanche

 

jeune femme, flirter avec la prostitution, neige du regard

 

des années que c’est fini, des années que ça dure, des années

le bruit des balayeuses, le bruit des années balayées

emploi raisonné de l’imparfait

récit nourri de causes multiples
récit nourri avec couteau 1 : la poire n’avait pas de centre
récit nourri avec couteau 2 : la laitue avait deux coeurs

la laitue affectueuse et la poire vierge de pépins
avaient en commun un couteau et l’imparfait du récit

les deux bouts du récit ne se tiennent pas
ils se tiennent rarement dans les récits nourris avec couteau

le mot anxiogène n’existe pas dans la langue
et pourtant il est utilisé à des fins politiques précises

le permis de séjour d’un récit nourri de causes multiples
serait contresigné par l’urgence mais sans ses causes

à quoi sert couteau 1 ? à séparer les épluchures de la chair
à quoi sert couteau 2 ? à réduire la salade à ses feuilles
à quoi sert un récit nourri avec couteau ? à employer l’imparfait

appauvrissement de mon cerveau :::

j’ai deux idées contradictoires exactement en même temps :
m’asseoir et rester debout,
je vais pour m’asseoir (aller pour s’asseoir ?)
mais au même instant je décide de rester debout
mon cerveau reçoit la double information,
mon corps a une brève hésitation, que je ressens :
je vacille, mon fauteuil, léger, se recule,
je faillis tomber, je ne tombe pas,
mes jambes se déplacent, se replacent,
emportant mon corps dans la pièce connexe

je pense : la marche est la résolution d’un équilibre instable

mais auparavant j’avais pensé : mon cerveau s’appauvrit

le déplacement d’un pas ou deux liquide la contrainte,
dénoue la fixité, déloge le paradoxe, encourt le neuf :
l’accident reste valable à toute invention

je ne sais pas le lien entre
la pensée de l’appauvrissement de mon cerveau
et ma chute possible et son évitement

il n’existe pas de chute possible dans l’hésitation
je pense : une chute serait un renoncement
je pense : chut