vie des petits animaux grillés

une mouche crame sur la lampe et ça sent
ça sent la mouche grillée

poème plat
vie des mots, vie des petits animaux grillés

je suis dans l’autre sens des mots, je fais le tour de la maison
pour faire des images du ciel la nuit

la nuit est claire, ce ne sont plus des mots, c’est la nuit
– claire –
et la lune, que je vois si je la regarde, entourée de nuages nonchalants

ce sont des mots, ce sont les mots qui ne sont pas tous dans la nuit
nonchalants n’est pas dans la nuit, nuages figure dans la nuit
claire est-elle ? ô nuit

mes mots ne sont pas dans mes pieds
quand je fais le tour de la maison
mon corps abstrait, il n’y a plus personne
que les nuages, la clarté, une ou deux étoiles
– que je vois si je les regarde –

de là-bas viennent des musiques, de la nuit sans mots
sur mes pieds nus

je fais des images
le jour la nuit avec mes pieds

je fais des images, les mots se sont absentés

relire et adapter aux circonstances

comme lire est évidemment lié à relire
les circonstances se sont plouf
relire et adapter aux circonstances : plouf

relire comme retrouver

laisser le temps faire

le paysage, aujourd’hui lointain,
se confine dans un jardin

laisser le temps faire

relire un seul livre, un seul,
y repérer les coquilles
les pieds en l’air au soleil

un avion fait le bruit d’un avion
un petit avion de complaisance
un petit plaisir de vol
comme le cataclop du cheval
remonte la grand’rue

mais rien n’a existé
l’enfance est loin
elle fut racontée
semant quelques souvenirs
de langue verte et bleue
de soleil et de vent

comme une fourmi passante
préoccupée de la suite
sans raison, rapide.

regarder l’horizon [prescription]

l’horizon modifié
l’horizon courbe
l’horizon traître

le statut de l’image : elle explique
l’image qui reste, qu’elle laisse reposer

l’image se repose dans l’horizon de ses yeux

il faut savoir ce qu’il faut comprendre : souvent rien

deux horizons n’existent pas
il n’y en a qu’un
et pourtant il n’est pas un : il est l’horizon

regarder l’horizon : prescription
pour le repos de ses yeux

l’image qu’elle a fabriquée de l’horizon
stagne dans des dimensions restreintes

l’horizon n’attend rien :
l’horizon et le familier
(mais pour ne pas statuer, pour ne pas dire :
le proche et le lointain, pour ne pas s’asseoir
—> rester debout dans la parenthèse)

familièrement l’horizon ! à lui faire des nattes
pour le rapprocher, le tenir, le coiffer
dans l’indolence se tenir assis, & le coiffer

l’image reste dans le repos de ses yeux
à l’horizon, séparé d’elle

situations, monuments & personnages

pas la facilité des camarades,
universelle petite fille,
pas la facilité des jours

à propos de la mort, conversation
très douce, microfibre & même mieux
pour poussière accumulée +++

situation 3 : fleurs organisées,
par couleurs nuancées, sur fond de
blonde architecture en vache gardienne

situation stable, scène de crime figée,
amples mouvements tectoniques,
rien ne se voit ou tout catastrophe

rouge & ses dégradés, fleurs, crimes
violon répétitif, minimaliste, voix
explosions en sourdine, choeurs

pas la facilité des jours : rejet
gestes manqués, jurons, dérobade
pas la facilité des camarades

………………………………………………………

bref état des jours : instant t
avec leurs (petits) ramiers perchés
et le glouglou des sources (innées)

ingestion des ordonnances
piqué des ordonnés
sauvegarde système.

Hippodrome d’Auteuil, Entrée, 2020

mise en abyme [de vieux]

se tiennent tous trois dans la lumière grise reflétée par l’eau
– de l’autre côté de la rive, une récente élue,
attroupement, caméras, discours –
leurs regards reviennent à leurs livres

elle raconte le contexte de sa trouvaille
– un livre inconnu soudain lui fait signe
dans un rayon de sa bibliothèque –
le plus vieux des deux hommes enchaîne
il y avait un Balzac mais j’en ai déjà quinze !
alors j’ai pris Aurélien, c’est son prénom
ajoute-t-il en se tournant vers l’autre en souriant,
jamais lu, souligne-t-elle
tandis qu’il manipule le volume, sa tranche orange
à l’épaisseur briochée de gros poche

on ne lit plus d’aussi gros, si ?
on n’y arrive plus, on est émietté, dispersé
on regarde dix trucs en même temps !
on a eu le temps, oh, trop de temps,
trop de temps devant les écrans, confinés
quoique, dit le plus jeune : des films, le replay,
ah le replay ! reprend le plus vieux,
et des concerts ! s’émerveille-t-elle

je préfère en chair, dit le plus vieux, sentencieux,
comme là le fait de se rencontrer sans se connaître…
mais le public ! vieux ! tous ces vieux, au théâtre aussi,
je ne peux pas les supporter ! se désespère-t-elle

c’est une mise en abyme, sourit finement le plus vieux.

perles d’ignorance

seule en suspens me saisit
la première note de piano

l’odeur de l’andouille de campagne
me saisit à l’ouverture du frigo

je vois les cerises dans le grès
la laitance de béton dure tant d’années

lorsque je pose un pied sur ce sol
et que la question me saisit