l’homme qui s’occupe des fleurs enlève les pétales fanés tout en parlant avec une vieille femme tout en répondant à ses questions la vieille femme pose des questions précises
l’homme qui s’occupe des fleurs a la peau bronzée on n’en saura pas plus bien sûr qu’on en saura plus il répond à la vieille femme très précisément
toutes les questions de la vieille femme sont prises en compte toutes elle réfléchit et dit encore et ces fleurs pourquoi sont-elles en feuilles parce qu’il arrive qu’elles soient dérangées
les fleurs peuvent mettre du temps à arriver elles ne se trouvent pas bien là où elles sont elles réfléchissent alors oui il suffit d’un mètre même pas et tout change et elles fleurissent
la vieille femme semble perplexe elle a vu le teint hâlé les yeux noirs de l’homme qui ôte les pétales fanés un à un de larges pétales roses tout en répondant à ses questions précises
longtemps après elle se souvient du teint de l’homme et de ses yeux noirs plus que de ses réponses elle l’a regardé comme elle regardait les hommes il y a si longtemps quand ils réfléchissaient
qu’elle ne s’intéressait ni aux fleurs ni aux oiseaux mais seulement à la force des hommes à leur musculature à leur odeur à leurs bras peu importait ce qu’ils prenaient dans leurs bras pourvu que ce fût elle.
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j’ai ensuite demandé à ChatGPT : – tu peux écrire un texte poétique sur « l’homme qui s’occupe des fleurs »(titre initial de mon texte) ? voici sa réponse : un poème, également composé de sept strophes, bizarrement, mais en quatrains (vs ma composition en quintils libres)
Dans un jardin secret, là où les douces brises murmurent,
Un homme bienveillant s’occupe des fleurs avec ferveur.
Tel un artiste, il danse parmi les parterres colorés,
Son amour pour la nature en chaque geste sublimé.
Tel un orchestre invisible, ses doigts habiles jouent,
Une symphonie florale dont les pétales s’épousent.
Il comprend les secrets de chaque plante et de chaque graine,
Les caressant avec délicatesse, sans peine.
Il connaît les cycles de la vie, les saisons qui s’enchaînent,
Des bourgeons fragiles aux fleurs qui se déchaînent.
Avec tendresse, il leur offre l’eau et la lumière,
Veillant sur leur épanouissement, leur destinée éphémère.
Il est l’âme qui donne vie à ce jardin enchanté,
Ses mains, telles des baguettes, sont habitées d’une magie.
Chaque bourgeon qui s’éveille est une note de bonheur,
Éveillant les sens, éblouissant les cœurs.
L’homme qui s’occupe des fleurs, gardien de cet éden,
N’est-il pas un poète, un jardinier de l’infini ?
Dans chaque pétale, il contemple la beauté du monde,
Et son amour pour la nature ne fait que grandir en onde.
Ainsi, cet homme, humble messager de la terre,
Donne voix à l’expression d’un amour solidaire.
Dans son jardin secret, il révèle une vérité précieuse,
Que l’harmonie avec la nature est un trésor merveilleux.
Alors, saluons cet homme, ce gardien des fleurs,
Qui, par sa passion, embellit notre existence en couleurs.
Son amour pour la nature, un cadeau à préserver,
Pour que ce jardin de la vie continue à prospérer.
La langue devait être une langue simple. Elle se parla. Elle voulait se dépasser mais il n’y avait plus de dépassement. Pourtant elle descendait l’escalier, le remontait, et, tout en chantant, se faisait du cinéma. Il s’agissait d’une femme. Elle emprunta des petits noms et se tutoya.
Les noms propres des auteurs ne veulent rien dire en poésie, en littérature. Les noms propres ne veulent plus rien dire. Nature et fonction sont dans un bateau ; nature tombe à l’eau, qu’est-ce qui reste ? Nature et fonction du langage. Nature et fonction du ménage. Nature et fonction de la betterave.
Hésitant entre la politique et le trou noir de 17h. Proposant un triumvirat gouvernemental : un ticket J.D.-S.B.-F.R. En pense qui veut. Le trou noir avec un tuyau d’arrosage à la main s’évanouit ; l’eau ne pénètre pas la terre, sauf aux endroits abrités. Formation politique ancienne : KGB/FSB. Histoire du trou noir : heure de ta naissance. Ou de la sienne. De la leur. De la nôtre. Personne ne naît en même temps et du même ventre.
C’est aujourd’hui. Une araignée s’accroche à sa toile. Un lézard affolé se demande où aller. Il disparaît. Dans une jardinière en brique, la lame d’un couteau reste plantée dans la terre : le manche a disparu, réduit à l’état de moignon. Qui est en colère aujourd’hui ? S’excuser auprès d’un artichautier en lui enlevant ses feuilles jaunes et trouées. Admirer le bébé artichaut comme un bouton de rose rose unique.
L’appartenance à un secteur d’activité prouve ton activité. Sinon je te remplis ton verre ? User de certains verbes et, cahin-caha, traverser ta vie en préférant ceux en -ir. Pourquoi ? Réfléchis : partir, mourir, dormir. Tu es venu de loin ? Venir ! Courir ! Pâtir !
La langue devait être simple. Elle le fut, le sera, l’a été. Une armoire à glace au milieu d’une pièce : où est le verbe ? dit le maître ; l’élève frémit : je ne sais pas. On reprend : une armoire à glace contre le mur : toujours pas de verbe, dit le maître. Une armoire à glace n’a pas de verbe : ça va mieux, il y a un verbe. On peut passer à autre chose.
Des oiseaux chantent, comme tous les matins. Un particulièrement, sur deux notes, répétitivement, en modulant les rythmes. Un autre se superpose, décidé à n’employer qu’une seule note, plus haute que les précédentes. Comme tous les matins et tout le reste du temps, que les oreilles écoutent ou pas. Les oiseaux ne s’arrêtent pas de chanter si on ne les écoute pas ; ils s’en fichent de l’écoute. Les phrases qui s’enchaînent forment un petit filet dans lequel s’emprisonnent des pensées maladroites et peu formées, sans qu’on sache qui les a commencées.
Le mercredi de ce début s’approche d’une fin : le mercredi suivant cessera la prise d’anastrozole, qu’une femme prend depuis 1826 jours – année bissextile comptée, une de celles divisibles par 4 – comme un prénom qu’elle ingère chaque matin avec un peu de jus de fruits, très souvent orange-carotte, mais parfois plus compliqué – une combinatoire de fruits improbable, sur laquelle un fabricant a misé pour attirer l’attention, en un jus rouge sombre – ou bien plus simple : clémentines. Elle gobe le cachet tout petit en ouvrant ses volets. Aujourd’hui elle se demande si elle continuera avec le jus de fruits s’il n’y a plus d’anastrozole. L’un entraîne l’autre, qu’elle boit au large goulot, sans intermédiaire, pour être au plus près du médicament protecteur.
Ce mercredi inaugure la dernière semaine de prise, et plus précisément, les sept derniers jours après ingestion et ouverture des volets. Il n’y aura plus qu’un seul mercredi, et le jeudi suivant, plus d’anastrozole, un matin inconnu, sans jus ni gobage de cachet. Et que se passera-t-il ? La femme cessera-t-elle d’avoir les mains et les yeux secs ? Retrouvera-t-elle sa libido disparue ? Se remusclera-t-elle ? Se transformera-t-elle en une adorable créature ouverte aux humeurs du monde plutôt qu’aux siennes propres ? Aura-t-elle moins d’insomnies durables ?
JEUDI.
Des oiseaux chantent. Le jus de fruits (clémentine) était un peu acide ; l’origine n’est pas pur fruit, je ne crois pas ; je l’ai acheté au village, pas au rayon frais. J’achète le jus que je peux, pas toujours celui que je veux. J’ai fait sauter le petit cachet de son alvéole, l’ai avalé et ouvert les volets dans la foulée. Il n’en reste que 6. 6 ! Alors qu’il y en eut tant et tant, enfilage de plaquettes sur plusieurs saisons, dans plusieurs lieux, en Autriche, en Slovénie, en Andalousie, à Paris le plus souvent, à la campagne aussi depuis un an, dans le Sud, à Sète, en Provence, à Manosque, à Bordeaux et Arcachon, dans les Landes, en Bretagne sûrement, dans le Morbihan, dans le Finistère…à Rochefort, Madrid, San Sebastian, Royan, des villes où je ne serais peut-être jamais allée s’il n’y avait pas eu le cancer. Je ne sais pas s’il y aura encore jus après le petit cachet. J’en ai encore acheté une bouteille, un compliqué, un de la combinatoire de fruits au jus sombre.
Je me souviens : je suis passée devant l’endroit où j’ai fait changer mes pneus avant l’autre jour, avec cette sensation de retrouver ma route. De plus en plus je connais les routes dans la petite ville proche de chez moi à la campagne. J’ai dit à une petite assemblée (nous étions 6, trois hommes et trois femmes) l’autre soir à Chartres : bientôt c’est fini, bientôt je n’aurais plus ce petit cachet à avaler tous les matins, comme si c’était une information de la première importance. Parfois je me donne une importance qui n’a pas lieu d’être. Qui se soucie du petit cachet à avaler qui va protéger contre une récidive de cancer surtout que ça ne protège pas à 100%, l’oncologue a bien été obligée de l’admettre.
Je suis en rémission complète, ce qui ne veut pas dire guérie, mais l’oncologue aimerait bien que je me persuade que c’est comme si j’étais guérie, mais ce n’est pas comme si, ou plutôt c’est bien comme si, c’est à dire pas équivalent. La mathématique et le langage n’ont jamais fait bon ménage, comme d’habitude. Et si on plante les yeux dans les yeux de son interlocuteur, on ne donne pas cher des paroles qui éclosent ensuite dans sa bouche.
VENDREDI.
Des oiseaux ont chanté. Chantent encore mais moins ; il est plus tard que les jours précédents. La température est montée, un peu. J’ai compté : ne m’en reste plus que 5 à avaler. Je me fais livrer 500 litres de fuel ce matin pour l’ECS (eau chaude sanitaire). Il y a un 5 dedans, pas comme dans la date. J’attends le camion de livraison. Je suis davantage préoccupée par l’attente et le prix du fuel que par les médicaments. J’ai regardé : il a légèrement augmenté. Il a tant baissé ces derniers mois. Il faut saisir l’opportunité : au bout d’une longue baisse, ne pas hésiter à commander. Les professionnels du fuel vous recommandent. Je n’ai plus la notion des 5 ans. Pourtant.
Ce matin, j’ai bien vérifié qu’un peu d’aluminium ne restait pas dans le creux de ma main avec le cachet. De temps à autre, je vérifie. Les oiseaux ont momentanément cessé de chanter. Peut-être n’aiment-ils pas la chaleur qui vient. Ou bien ont-ils suspendu leur chant pour attendre avec moi le camion de livraison. L’oncologue a bien dit : aller jusqu’au bout du bout des 5 ans. La femme a bien essayé de temporiser, de négocier : et si j’arrête un peu avant, une quinzaine de jours avant ? Impossible de se renseigner là-dessus, internet ne donne pas la clé, sur le fait de vouloir gruger, grapiller quelques jours ; au contraire, il semble y avoir des durées encore plus longues de prise pour l’hormonothérapie (à ne pas confondre avec le traitement pour la ménopause, précisent les sites).
Je ne vois pas vraiment l’intérêt d’écrire un texte à ce sujet, bien que nombre de textes s’écrivent sur des sujets encore moins intéressants. Je ne voudrais pas, naturellement, être prise pour une de ces femmes qui se répandent sur les forums en attribuant à leur médicament la personnalité d’un accompagnateur masculin de leur vie, le dotant d’un prénom ou pire, d’un hypocoristique.
SAMEDI.
Des oiseaux chantent. J’ai grand ouvert la fenêtre de ma chambre. Il a fait chaud cette nuit. Descendue prendre le médicament, ouvert tous les volets du bas, remontée dans mon lit, face à la fenêtre. Ne reste plus que quatre cachets. 4 ! Un chiffre équivalent à des jours, à ceux qui terminent un mois en 31 jours, un joli mois de mai. Cette nuit, la large nue piquetée d’étoiles m’a hélas fait penser à Elon Musk. C’est un de ceux qui menacent l’humanité avec le développement de machines qui vont définitivement nous asservir, avec leurs puces greffées dans les cerveaux commercialisées sous l’enseigne Neuralink. Un « autiste Asperger », qui prend soin de préciser : seulement pour ceux qui voudront, sourire carnassier aux lèvres. Les essais réalisés sur des singes vont être étendus à des volontaires humains.
Les oiseaux ne se lassent pas de chanter, le monde n’est pas fini tant qu’ils chantent et qu’il y a de l’eau dans mon puits. J’ai mal au bras et j’aurai mal jusqu’à la fin de mes jours : tendon supra-épineux rompu et arthrose dégénérative, ténosynovite de la coiffe des rotateurs à l’épaule gauche. Pas d’opération, je ne veux pas être immobilisée, je ne le pourrais pas, vivant seule. Je n’arrive pas au bout de cinq ans de traitement après tous ces traitements lourds de cancer pour me faire opérer, non.
J’ai signalé au laboratoire qui fabrique les petits cachets d’anastrozole, un « labo générique », ce qui m’arrive depuis plusieurs mois. Ils m’ont dit que j’avais bien fait, mais ils ne voient pas le rapport avec la prise de leur médicament. Moi non plus, mais je pratique la pharmacovigilance ; je signale systématiquement, parfois à l’ANMS (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), les effets secondaires observés de médicaments ou de vaccins. Bref, la fin de l’anastrozole se conjugue avec ces douleurs tenaces liées à cette tendinopathie à l’épaule gauche. Je vois une jeune polonaise deux fois par semaine, qui fait ce qu’elle peut, c’est à dire pas grand-chose : on n’est pas des magiciens, dit-elle avec son accent si particulier, ce que je lui concède volontiers. On s’est encore donné deux séances la semaine prochaine, et puis on avisera. D’ici là, j’aurai terminé l’anastrozole, et alors, que va-t-il se passer ?!
DIMANCHE.
Les oiseaux ont chanté. Je les entendais d’autant mieux que j’avais ouvert la fenêtre de ma chambre. Les cloches ont ensuite longuement retenti, d’abord les cloches de l’église, puis la cloche républicaine de la mairie ; il était huit heures. J’ai pris le cachet avec la fin du jus de clémentines. Les 3 restants, je les prendrai avec ce jus pourpre que j’ouvrirai demain : pomme raisin poire grenade. Puis je terminerai le jus sans aucun cachet les jours suivants, ou d’un seul coup le même jour, je ne sais pas.
Hier, j’ai coupé la plaquette de 10 dont 6 cachets ont déjà disparu, pour ne plus voir les alvéoles vides, ne plus voir que le reste de ce qui était à prendre dès ce matin, place nette, pour que la plaquette soit diminuée, amputée de son intégrité de plaquette de médicaments. Ces plaquettes, je les découpais souvent, pour prévoir la quantité nécessaire, ou la quantité de secours, pour mettre seulement 2 cachets dans mon sac, au cas où, à l’intérieur d’une minuscule pochette de tissu chinois jaune brillant, ou bien les diviser dans ma trousse de toilette lors d’un court séjour.
Mes déplacements et voyages nécessitaient des stratégies de préparation, de prévoyance d’un nombre adéquat de médicaments rapportés au nombre de jours, plus quelques-uns. Il reste quelques-unes de ces plaquettes diminuées, que je rapporterai scrupuleusement à la pharmacie. Elles sont déjà préparées sur mon bureau. Je m’imagine contente d’aller les rapporter, un peu fière aussi. C’est idiot mais pas tant que ça ; je n’imagine pas polluer la poubelle avec de l’anastrozole, qui irait où ? Où vont toutes ces molécules dans toutes leurs galéniques, négligemment jetées dans les poubelles ordinaires ? Je pense que je dirais à la pharmacienne : c’est fini ! bon débarras ! Aujourd’hui, ce n’est pas fini. Pas encore.
LUNDI FÉRIÉ.
Le chant des oiseaux, tôt ce matin, une symphonie calme dans le silence ambiant. Je ne suis pas encore descendue prendre mon médicament, l’antepénultième. Je pense aussi qu’il faut que je prenne l’ampoule de vitamine D, on est à la fin du mois ; je dois la prendre tous les deux mois, je ne sais pas jusqu’à quand, jusqu’au prochain contrôle avec l’oncologue au moins, dans six mois. L’anastrozole impacte les os, d’où la vitamine D. Les miens semblaient de bonne densité lors de l’osteodensitométrie du début, il y a cinq ans. L’oncologue a toujours tendance à me féliciter, comme si j’y étais pour quelque chose, pareil pour les cicatrices, au sein et près de l’aisselle. Vous avez de bons os, les cicatrices sont belles. Tant mieux.
Il ne restera plus que 2 cachets dans le moignon de plaquette. C’est fait, j’ai pris le cachet et l’ampoule de vitamine D avec le nouveau jus après avoir ouvert tous les volets sur le ciel bleu. La cloche républicaine sonne sept heures, le son en est plus sec que celle de l’église qui développe des harmoniques après-coup.
J’écoute la radio : Le président turc reste au pouvoir et entame sa troisième décennie à la tête du pouvoir. On entend des turcs craindre ces résultats, des femmes en particulier, craindre pour leurs libertés. Les déchets plastiques font aussi l’actualité, les micro-plastiques plus précisément. On n’y arrivera jamais, comment contraindre, quels compromis, et caetera.
Heureusement, la musique revient sur France-Musique qui me remercie de l’avoir choisie.
MARDI.
Les oiseaux m’offrent un concert matutinal, j’ouvre la fenêtre pour mieux le savourer. À 5h38, un moustique vient me zzzziter à l’oreille, je le chasse de la main, il va voir ailleurs. Descendue prendre l’avant-dernier cachet, j’ouvre d’abord les volets ; le soleil inonde les pièces à l’Est, mon bureau en particulier. J’éprouve un certain plaisir à voir ce tout petit cachet restant dans l’une des quatre alvéoles pour demain : le dernier, que je prendrai, obéissant à la consigne de l’oncologue. Elle m’a bien dit, les yeux dans les yeux, alors que je tentai une ultime remise de peine : jusqu’au dernier jour du mois. Je fais ce qu’elle m’a dit de faire, je me garderai bien de ne pas le prendre.
Le nom des molécules est un sujet de plaisir de dire : anastrozole ne me déplaît pas. Une autre molécule m’amuse aussi : tocilizumab, bien que la réalité qu’elle recouvre, chez une personne qui m’est chère et ne souvient pas qu’elle la supporte en injection tous les 15 jours pour contrer les effets de la cortisone au long cours, ne soit pas joyeuse du tout. Nous allons ainsi vers la mort avec des molécules censées nous réparer, aux noms amusants, que nous oublions parce que notre mémoire ne s’encombre plus de noms, ou qu’un nom équivaut à un autre.
Donc aller vers la vie avec la fin d’anastrozole, supposément. Je le pose ici pour m’en souvenir.
MERCREDI.
Oiseaux, fleurs, soleil à foison. Je suis descendue, j’ai pris le dernier anastrozole de la dernière alvéole, jeté le reste de plaquette, un malheureux bout de plastique et d’aluminium, sans rien penser d’autre que : ne pas jeter le cachet avec, dans le sac de tri sélectif. Non, il est bien resté dans ma paume, et je l’ai avalé avec ce jus pourpre dont il reste un peu. Je ne rachèterai pas de jus ; pas tout de suite, peut-être jamais. La marque a choisi pour signifiant un motif déculpabilisant : innocent. Mais c’est tout de même sucré…et dans du plastique.
Hier, je n’ai pu m’empêcher de rapporter par avance les 3 bouts de plaquette à la pharmacienne, 9 cachets en tout et pour tout, c’était bien calculé, il n’y en avait pas tant que ça, pas tant de surnuméraires. La patronne, qui me connaît, a levé la tête et souri. Hier, c’était l’avant-dernière séance de kiné pour mon épaule ; demain la dernière. On a décidé d’essayer de voir comme ça. J’ai un peu moins mal qu’au tout début quand je prenais des anti-inflammatoires et qu’il n’était pas conseillé d’en prendre
longtemps ; dix jours et stop.
Dans la nuit, lors d’une insomnie un peu longue, j’ai écouté ce camarade philosophe s’escrimer sur les IA génératives, leur absolu danger pour l’humanité, le décervelage dont nous ferions l’objet à brève échéance. Mes yeux piquaient et se fermaient, mais je voulais écouter le replay télévisé de l’émission jusqu’au bout, ce n’était pas très long, je me suis ensuite rendormie. Je pensais au dernier cachet.
Mais ce matin, c’est surtout à demain que je pense, un demain sans anastrozole.
cette : perdition ce : tournoiement de mots impuissants dans les : pensées tournantes volantes : qui circulent et tournoient de gauche : à droite sans jamais : se poser
l’homme papa : dans un couloir errant dans ce couloir : chambres avec numéros sa chambre : perdue le numéro : perdu juif errant : homme pleurant papa perdu : volutes de pensées instables
le couloir : sépare et conjoint les chambres : paires et impaires l’homme papa : dans la chambre paire pas la sienne : pas à soi ne retrouve plus : l’impaire sa chambre : monde disparu
monde dans lequel : comment être ?
II – la femme maman
dans le couloir : tenter de remarcher lentement : un pas après l’autre s’appuyer : sur le mur se hisser : hors du fauteuil roulant sans le bras gauche : mort avec la canne : quadripode
la femme maman : hémiplégique dans le souci de : l’homme papa de l’autre côté : du couloir elle dans sa chambre paire : lui venant sans cesse revenant : dans sa chambre sans cesse : cherchant quelque chose
le couloir : leur vie l’homme papa : chercher la femme maman : marcher c’est pas une vie : le couloir c’est pas une vie : les chambres à numéros c’est pas une vie : leur vie
monde dans lequel : désêtre ?
[& même s’il y a un jardin, des visites, des amis, des enfants, des couleurs, du soleil…]
plus placard que boîte, haute et bleue à deux battants vitrés à livres : livres rangés, livres couchés, la boîte à livres et ce qui s’ensuit un moteur tourne c’est une moto grise un moteur tourne c’est une voiture bleue deux hommes se parlent puis démarrent
une main sur la poignée couverture blanche écriture bleue des éditions du coeur de la nuit l’écrivain vivant d’un livre reconnu appelle l’antan d’une France capitale titre, auteur, éditions comme une finition la boîte à livres et ce qui s’ensuit
boîte à déchets de ce qui ne s’écrit pas, restes sous couvertures criardes non pas livres, mais lovres, luvres, louvres aux pages, piges, puges jamais tournées plus placard que boîte, haute et bleue au milieu du village de l’écrivain national ses vitrines passées au blanc de Meudon
et ce qui s’ensuit après que ses battants furent refermés, la boîte à livres /