[vers 2006]
L’abat-jour est une certitude, je suis sûre que j’ai un abat-jour dans ce sac. C’est indubitable.
C’est ainsi que j’ai commencé à établir un semblant de continuité dans ma vie : le jour où j’ai cherché cet abat-jour.
Ni avant ni après je ne me serais intéressée à cet abat-jour de couleur saumonée.
Le genre d’objet que je n’aurais jamais imaginé acheter. Le genre de couleur encore moins.
Le saumoné étant la plus cucul des couleurs, je décidai de l’acheter.
Autant être encombrée d’une merde légère.
Dans les coups de fil de ce jour-là, il me semble avoir mentionné à de nombreuses reprises l’abat-jour.
Enfin il me semble. La certitude venait donc bien de l’objet, pas de sa possession, et encore moins de la production d’un discours sur lui.
Plus je m’éloignai de l’objet, moins j’étais sûre. Merde légère, avais-je dit.
La petite-bourgeoisie de l’abat-jour m’avait toujours abasourdie. J’avais besoin d’en revenir à des fondamentaux.
Comme celle qui attend son tour à la caisse avec son clébard nain recouvert d’une toile cirée moutarde.
Nous attendons tous à la caisse parce que nous jouissons d’attendre à la caisse, parce que nous devons payer quelque chose, et là nous avons la patience
(sauf le clébard).