Je vais voir quelqu’un parce que je ne sais rien. J’arrive au guichet. Je ne vois pas comment je vivrais sans guichet. Il y a un trou peu commode au bas de la vitre, étrange, rectangulaire écrasé, on ne sait pas à quoi peut servir cette découpe, je ne sais pas où parler. Si je parle à la vitre il y a peu de chances pour qu’on m’entende ; si je parle au trou, il faut que je me baisse, ce n’est pas à ma hauteur. Je me sens gauche. Je ne sais pas trop pourquoi je suis là.
La fille me tourne le dos. Ses cheveux noirs. C’est pas forcément une fille, comme moi je ne suis pas forcément une femme. Rien n’est certain. Je ne sais pas ce que je lui dirais. Pourvu qu’il reste encore un guichet. Ils les ont tous retirés, ou presque. Trouver un guichet est presque en soi une joie. Y parler, une sur-joie. Parler à un guichet, façon de parler, mais quand même.
Je sens quelqu’un sur ma gauche, qui pourrait aussi vouloir parler au guichet. Immédiatement je perçois l’ennemi qui me passerait devant, dont le corps se mettrait en travers, dont la parole fuserait avant la mienne. C’est quelqu’un qui se rapproche au point de vouloir me rentrer dans le bras. Je résiste, mais j’ai le bras gauche assez faible, je ne peux pas barrer l’intrus. Je ne veux pas bouger. Les cheveux noirs sont toujours là, un peu moins visibles, comme s’ils s’étaient éloignés du guichet, comme s’ils se désintéressaient de cette lutte de bras.
La personne derrière le guichet se retourne enfin, cessant de ne montrer que ses cheveux. C’est un homme, plutôt. Enfin je crois. On dirait un être créé par IA. Les yeux sont remarquablement fixes, de couleur profonde, dense, marine.