| mémoire fraîche dans l’allée moirée ses reflets zim-zim découpage d’ombres swinging elle pans voletant | grammaire courte sous l’eau respire : bulles herbes au vent folâtre chien ses poils doux | 

Édith Msika, maison d'écriture
écrire et ne pas écrire : ce mouvement
[instantanés procédant de condensation et déplacement : tels se présentent les circuits courts]
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[avec J. Coltrane]
parfois (il y a) tant et si peu
sautillant répétant un temps fort un temps faible
sautillant glougloutant perpétuant
sautillant coulissant frénétique
inassouvi descendant sautillant
reprenant sautillant sur sept tons
sautillant fifille sautillante
creusant fouissante aiguisante
et reconnaissant un rythme soutenu, un rythme tout à coup changé
un rythme à dire, tout à coup changeant de registre
et même de responsabilité de dire, un sabir si on veut
c’est à dire : c’est / après
ensuite alanguis, avancés sur des promontoires voluptueux
comme ils se servent des notations et des paragraphes
ont la capacité d’écrire pauvrement, de rédiger de pauvres lettres
parfois (il y a) tant et si peu dans la finition de la ligne mélodique
voix reprendrait chef sifflet alors.
Il y a un autre espace, quelque chose qui n’est pas complété, qui ouvre, 
c’est récent.
Quand la perception de l’espace change.
Il ne s’agit pas que d’espace physique.
En reviennent d’autres.
L’espace pas complété qui ne relève pas de l’espace physique.
Se cherche : c’est une trouée.
L’espace, loin.
Ce qui restera sans réponse est toujours resté sans réponse.
Il est où le truc de l’espace ?
On rêve d’un ordre souverain, d’un murmure soutenu,
et l’on n’en sauve que de vagues fragments.
Philippe Jaccottet, Éléments d’un songe, 1961
le ferroviaire a bon dos de fournir tant de métaphores
et encore et encore : nous aimons tant les trains
et les rails sur lesquels glissent les trains, si terrestres
 et pourtant si loin des routes
on restaure l’euphorie, on la décalamine,
on se tient sur les routes et les rails, on crée des triolets avec une crécelle
la lumière de fin d’année est un programme
qu’il est urgent de bâtir avant le premier de l’an prochain
avec des métaphores et des euphories
c’est rien, c’est si peu, si raté, si rien,
qu’encore il faille y mettre du sien,
qu’encore il y ait un peu de cette grammaire
sautant la nuit, allègre vers l’autre jour
au-dessus des rochers, des précipices attendus
& des temps parcourus à la seconde rapprochée
 […4, 5, 6, cueillir des cerises]
[…4, 5, 6, cueillir des cerises]
seulement ce que je peux faire, dans cet état malaisé :
 pas tout à fait écrire, pas tout à fait
dedans, dedans, loin au fond était l’idée, ses prolongements tardent,
 un différé s’installe et stagne
apprendre la patience : incrustation de l’incantation,
 on vit très haut quand le bord du mot soulève sa houle
personne ne peut rester fier dans cet état
 même quand les phrases s’inscrivent dans le ciel, lisibles

dans cet état indescriptible, dedans, dedans, loin au fond
 creuse des perspectives fugaces dans le silence du non-advenu
on vit très haut (deuxième volet) n’a pas été inscrit
 quand le bord du mot a soulevé sa houle
Aux deux jeunes femmes qui avaient faim, elle donna un bout de pain fourré de gaspacho pourri, tentant de leur expliquer qu’il l’était, pourri, que ce qui était à l’intérieur était immangeable, mais sans succès : elles ne parlaient pas sa langue.
Lorsqu’elle se retourna, elle vit qu’elles avaient compris : l’une d’elles avait attaqué le pain par le quignon, et grimaçait déjà.
 Comment le gaspacho précédemment dans une bouteille s’était-il solidifié dans le pain ? 
 Attaqué par des champignons proliférants, il s’était d’abord ramassé au pourtour de la bouteille en une moisissure. Cela, elle l’avait vu. Puis il avait subitement bondi, solide telle une saucisse, dans le pain qu’elle tenait lorsqu’elle avait rencontré les deux jeunes femmes aux cheveux longs blond foncé, suppliantes du regard.
Attaqué par des champignons proliférants, il s’était d’abord ramassé au pourtour de la bouteille en une moisissure. Cela, elle l’avait vu. Puis il avait subitement bondi, solide telle une saucisse, dans le pain qu’elle tenait lorsqu’elle avait rencontré les deux jeunes femmes aux cheveux longs blond foncé, suppliantes du regard.
Des étudiantes nordiques, sûrement. Qui avaient faim, très faim. 
 Et n’avaient que de quoi s’acheter des-pâtes-et-du-riz.