UN ROMAN DES JOURS RAPIDES – jour 10

jour 10 – Nul ne sait quel jour sera le plus intéressant, en temps de paix comme en temps de guerre. Et la guerre est là.

Trois personnages en discutent autour d’un guéridon de marbre tendance bistrot sur lequel, outre leurs verres à pied emplis de vin rouge bio, des flyers traînent. La guerre est là comme elle a été là tout du long, du moins au début, du vingtième, mais aussi tout du long, du vingtième. Elle est là, dans le vingt-et-unième, pareillement. Mais différente. Elle est là mais différente, se répètent les personnages. Mais ils ne répètent pas, ils précisent. L’un d’entre eux est particulièrement personnage, plus que les autres, il y a une insistance à ce qu’il le devienne. L’autre, un écrivain, connaît davantage l’histoire avec un grand H. Quant à la femme (parce qu’il y a encore quelques différences bien qu’elle ne porte pas de robe, ayant froid aux jambes ce jour-là), elle admire les deux hommes et intervient de temps à autre dans la conversation, surtout lorsqu’ils évoquent l’Italie, en particulier Florence, parce qu’elle se souvient, un peu.

Ils sont dans une cour de maison comme à Prague ou à Varsovie ; un peu de reste de pluie les arrose tandis qu’ils devisent ; c’est frais et amusant. Ils ne sont ni VM ni Carola ni le petit homme de la Méditerranée, ce sont d’autres personnages venus faire une incursion dans une histoire qui ne les concerne pas, ils ont atterri non contrits et repartiront comme ils sont venus, en se saluant. Plus tard, s’ils nous intéressent, ils reviendront, on leur fera une place, un réverbère les éclairera, il faudra les placer correctement, leurs jeux de mains seront étudiés tandis qu’ils parleront de la guerre.

On voit l’importance de connaître les choses : un personnage qui ne connaît pas les choses n’a aucun intérêt. Même entre eux, ils s’ennuieraient si tel était le cas ; ils n’auraient rien à se dire. Or, le plus étrange est que : des personnages qui n’ont rien à se dire peuvent tout à fait figurer dans une histoire, parce que l’histoire, toujours, se passe ailleurs. Elle se glisse dans les interstices des phrases, elle est maligne, l’histoire.

La guerre, sujet de leur conversation première, a rapidement été épuisée pour faire place aux événements florentins récents, que l’écrivain a déjà développé dans un livre, et à d’autres considérations littéraires.