Elle n’a rien d’autre à faire que d’entourer le bocal avec ses bras. À cet instant, c’est ce qu’elle doit faire.
Mais qu’est ce que vous faites, Roberta ?
Un panorama, je fais un panorama. Et de s’accrocher au bocal plein de bonbons multicolores dans son tablier rose.
Dehors, les voitures passent, s’arrêtent, grosse activité sur l’aire. Essence, diesel, vapeurs, paroles. Bruits secs, les portières, les démarrages, les moteurs si rassurants, la fumée.
Des familles s’étirent. Il fait un peu gris pour un été.
La boutique se remplit de pisseurs et d’acheteurs de nourritures sous cellophane, de cacahuètes. Autour des machines à café, des insectes cherchent de la monnaie. Des enfants ineptes posent trop de questions. Des mères fardées croient qu’elles vont à Las Vegas.
Roberta s’accroche au bocal, il est trop tard pour changer d’avis, c’est son rayon après tout, on le lui fait assez remarquer, c’est ton rayon.
Elle a une idée, c’est son idée, il suffit de ne pas paniquer, elle ne panique plus, il ne peut rien lui arriver.
Son panorama elle n’y avait pas pensé avant mais maintenant qu’elle le fait, ça lui plaît, c’est complet : un geste, un sentiment, une réponse calme.
C’est l’autre qui est surpris, c’est l’autre qui lui pose la question. Pas méchante sa question, juste un peu étonnée, éberluée. Mais pas autant que la réponse que Roberta fournit pratiquement. Comme si c’était la vraie réponse, la seule réponse.
Entourant son bocal, le verre devenu chaud confit contre ses seins, Roberta ressent sa propre température.
Oui elle nettoiera les bocaux, oui elle les époussètera, oui. Mais elle aura son panorama à elle ; un geste ; un sentiment ; une réponse.
[4 avril 2012]