- trouver ce que c’est
- puis
- le tenir
- changer de pièce
- le perdre
- déambuler encore
- longer les soupentes
- traverser les nappes
- du temps
- exagérer un trouble
- se parler un peu
- murmurer ce désordre
- ce vacillement (cultiver les synonymes)
- agencer quelques pirouettes
- vues de l’extérieur
- du haut de l’être (s’adjoindre ce qu’il faut de
- philosophie)
- ne supporter aucune irruption
- aucune voix ni cri
- couper les sons
- couper les racines
- gravir les espoirs
- ne plus savoir
- oublier
- retrouver ce que c’est
Catégorie : jaune cuisine
[la série jaune cuisine s’occupe de la pâte de la langue, et aussi de l’appât de la langue]
cachettes et autres stylistiques pressées
et alors que je me dis : faut que je fasse un peu d’écriture à la main, je me dirige inévitablement vers l’ordi, je ne dis plus jamais l’ordi, qu’est-ce que je dis ? me souviens pas, je me dirige vers le truc et je tape sur le clavier
alors que je me dis faut que je trace à la main, comme hier ou avant-hier quand j’ai tracé et que je trace et que je tracerai, c’est pas le moment, c’est pas comme ça que ça se passe, le cahier est recouvert d’un chapeau (?), il n’est peut-être pas assez visible, toujours est-il que je viens taper ici
alors que je me dis / mais je ne me dis plus rien, qu’est-ce que je me dis ? qu’est-ce que je dis pour désigner ce sur quoi je tape ? je ne me souviens pas
pourquoi un mot est caché derrière un autre : ainsi Delaunay cachant de Staël
depuis plusieurs années c’est la même histoire, je pense à Nicolas de Staël et son nom est caché derrière Delaunay, c’est Delaunay qui vient, et je sais que ce n’est pas celui auquel je pense, et j’éprouve de grandes difficultés à retrouver de Staël
peut-être qu’en l’écrivant son nom cessera d’être caché derrière un autre ?
j’ai été écouter Kluge : beaucoup de savoir, d’écho, de rebondissements, oui mais quoi en particulier ? je ne sais pas
Kluge est né en 1932, ceci n’explique pas cela, mais se cacher oui, dans les caves pour échapper aux bombes lâchées par l’aviation ennemie
ou partir sur les routes pour échapper aux tirs ennemis : l’exode en 40
bien sûr, Le nom sur le bout de la langue, Quignard, m’effleure
– et une voix me souffle : mais ne devrait pas –
[une sorte de journal écrit ailleurs que dans le journal, ailleurs que dans tous les journaux en cours dans les cahiers et dans le truc sur lequel je tape]
méthode : lecture de tomates
hier j’ai vu des tomates dans un jardin
des tomates grosses et rouges, d’autres vertes
je manquais de tomates, je voulais quelques tomates.
la dame dans le jardin du bord du pont en réparation,
la dame habite là, le monsieur aussi,
il sortait de sa maison, gros, un gros monsieur,
mais pas plus gros que n’importe quel gros monsieur comme il y en a plein,
la dame je ne l’ai pas vue je l’ai entendue, derrière le buisson de tomates derrière le grillage qui les protégeait.
j’ai fait quelques pas, je suis revenue, repartie,
l’ombre difficile à trouver me faisait hésiter, je ne pouvais pas demander à la dame les tomates : elle restait cachée,
et le gros monsieur qui sortait là-bas de la maison était trop loin
j’ai encore regardé le pont en chantier, un très grand pont particulier comme il n’en existe plus, un monument à regarder
et puis je suis repartie, cette fois pour de bon, sans tomates.
dans ma tête, il y avait à la fois des tomates et de la confusion de pont,
je ne voulais ni pont rouge ni pont vert : le pont était recouvert d’un linge blanc brillant
je devais chercher l’ombre, je constatais que rien ne remplace l’ombre.
ce constat, je l’ai ensuite réitéré plus loin,
j’ai traversé un paysage très plat, jaune sec, sans ombre.
les tomates n’étaient pas obligatoires, mais ç’aurait été mieux,
ç’aurait été mieux que j’aie quelques tomates,
si je n’en avais pas ce n’était pas grave, oui mais,
certaines sont vertes, elles sont peut-être dures
je suis repartie avec l’idée que peut-être ces tomates n’étaient pas bonnes,
alors que je pensais aussi le contraire.
rencontré des gens comment pourquoi
et un peu plus : j’ai rencontré des gens, moi, Aalus, en vadrouille aux carrefours et sans temps. au bout, ce pont que je n’emprunterai pas (futur du passé historique de la reconstitution, ce faux truc*), bien trop immense et indéfini, cisaillé de métaux rouges de dimensions grues. j’ai rencontré quatre vigiles en chemises blanches, cravatés de noirs, dont une femme, dans ce hall climatisé, au loin ponctué de fauteuils rouges. point.
un arrêt a
toujours lieu sous la forme de cette sempiternelle question : où allez-vous ? moi, Aalus, en vadrouille aux carrefours, je n’ai aucune réponse. sans temps, j’avance et me fixe. je me renseigne sur la suite (dont il n’est pas sûr qu’elle se donne).
au dehors, j’ai avancé et rencontré des gens : la suite serait un tourbillon de robes courtes, de jambes, de bras.
*César lancera alors ses armées etc.
vérité lundi 410 / mondancien
Elle me fuit ou disparaît. Elle glisse.
Je ne cherche plus. Je recommence à chercher.
C’est animal, c’est de l’instinct.
Ça se tait. Ça se tapit.
Vérité m’est tombée dessus.
Quoique lente et tranquille, sans aucune agressivité. Tranquille vérité.
Je n’avais plus qu’à la suivre.
Enfin, je, pas tout à fait. Enfin, vérité, pas tout à fait.
Pas le désir : la vérité. Pas l’amour : la vérité.
Vérité avec un é à la fin.
Moi la vérité je parle.
Vérité lundi revenue dans le soir d’un samedi.
Se tait, se tapit.
monde ancien s’écrira mondancien
lisible de tous points de vue obscurcit
n’est plus ni champ ni hors-champ
mondancien s’écrira en se répétant
comme se répètent les dérogations
l’écart est infini
reprendre le fil
aimer se souvenir encore
de haïssables téléphones sonnent
le long de l’amour long
mon mari et moi, le long de l’amour long
l’homme et la femme, c’est moi qui, c’est lui qui
mon mari et moi l’oeuvre commune avec
les yeux du rire et la voix qui tremblote
c’est quelqu’un, mon mari et moi :
qui marche le long de l’amour long
indifférencié vers le Nord, tranquille, paisible
mon mari et moi, des bisbilles lumineuses
dans le croûton du temps, le long de l’amour long
encore un peu de temps, encore une voix encore
des yeux, mon mari et moi, à regarder en face
à marcher le long des digues vers le phare
le long de l’amour long