Nous prenions le thé. Le jour laissait peu à peu place au crépuscule. Nous parlions encore.
Nous qui écrivons et lisons avons une vie intérieure importante.
Nos yeux se regardaient parfois, parfois pas.
Nous avons vécu longtemps. C’est l’hiver. Nous sommes au chaud.
Nous regardions dehors. Nous parlions avec toutes les distances nécessaires.
Avec toutes les ironies nécessaires, devrions-nous dire.
Nous prenons toutes les précautions ; nous ne les prenons pas : nous n’en avons plus besoin.
Nous ne devons rien. Recommanderions-nous un thé ? Tout dépend de l’heure.
Nous aurions besoin d’un peu d’eau chaude, serait-ce possible ?
Nous nous faisons face. Nous avons plaisir à parler.
Il fait froid dehors. C’est possible.
Nous sommes au chaud avec nos livres. Nous parlons des prochains que nous écririons.
Nous laissons passer le temps.
Nous remarquions la musique, d’un piano-bar ; le décor, rouge. Enfin. Mieux même.
Nous aurions encore demandé de l’eau. C’est sans importance.
avec le général Dourakine, incipit.
Le général Dourakine s’était mis en route pour la Russie, accompagné, comme on l’a vu dans L’Auberge de l’Ange Gardien, par Dérigny, sa femme et ses enfants, Jacques et Paul. Après les premiers instants de chagrin causé par la séparation d’avec Elfy et Moutier, les visages s’étaient déridés, la gaieté était revenue, et Mme Dérigny, que le général avait placée dans sa berline avec les enfants, se laissait aller à son humeur gaie et rieuse.