Que l’écriture soit le hasard vaincu mot à mot.
Stéphane Mallarmé.
[citation approximative]
Deux personnages dans une petite pièce prennent un verre.
Ils sont deux.
Ce sont des personnages qui parlent de personnages,
l’un d’eux du moins, l’autre non.
L’autre l’écoute parler de ses personnages.
Ils sont dans une pénombre créée par les volets semi-fermés,
mais aussi par l’orientation de la pièce.
Un contre-jour existe : l’un voit l’autre à contre-jour.
Celui qui voit est installé sur un canapé un peu dur ;
l’autre à contre-jour sur une chauffeuse en bois et tissu préformée.
L’un est obnubilé par les dialogues. Il dit :
dès que deux personnages sont ensemble, il leur faut un dialogue,
je ne peux pas faire autrement.
Ah bon, dit l’autre.
Oui, c’est comme ça, il faut qu’ils dialoguent.
Et s’ils ne dialoguent pas ?
Ils ne peuvent pas ne pas dialoguer.
Ils pourraient se battre ? Jouer aux échecs ?
En fait, le dialogue arrive avant les personnages :
il y a tout de suite un dialogue.
Ah bon ? Et les personnages arrivent ensuite.
Le dialogue d’abord. C’est comme ça.
Les dialogues arrivent immédiatement,
les personnages après.
En fait, tu préfères le dialogue à quoi que ce soit d’autre.
Y compris aux personnages.
Peut-être. Peut-être que les personnages…je ne sais pas.
En tous cas tes personnages, ils sont bien campés,
comme chez Molière. Dans des rapports de structure,
comme de grands archétypes. Des caractériels reconnaissables.
Oui, c’est comme ça que ça traverse le temps.
C’est bien le temps traversé, c’est long, ça nous éloigne
de toute la misère contemporaine. Oui.
On ne sait pas s’il faudrait que nous sortions
de nos statuts de personnages
dialoguant à contre-jour. Non, on ne sait pas.
On prend une respiration à contre-jour, et un verre.
On reste là, on traverse le temps, on n’a rien à faire,
juste être là, et regarder les armoires.
et moi de Sarraute
le style d’argumentaire m’évoque celui de certains poèmes tardifs de Bonnefoy