il me semble que j’ai connu tout le monde
elles se retrouvent pour manger une glace l’après-midi
si longtemps que je fais semblant de lire
à terre, une enfant au visage mangé par de grosses lunettes aux verres grossissant ses yeux, me sourit au milieu des livres
il me semble effleurer le monde (je n’y entre plus, tout est opaque)
et cette pauvreté des sensations
j’évite ce qui m’est douloureux
je ne comprends pas la différence que fait Michel Schneider entre douleur et souffrance dans son Schumann
marchant pour me fatiguer, répéter je suis fatiguée
une jeune fille aux jambes poilues passe, je suis ses jambes du regard, elle est en short et parle une langue étrangère, elle a aussi beaucoup de cheveux et des poils sur le visage
j’effleure le monde, à peine
deux Anglaises, chacune un verre à pied ouvragé en plastique dans la main, l’un vert vif, l’autre rose fuchsia, devisent sur un banc, se tenant très droites comme si elles jouaient une saynète
plus aucun roman de rien – pourtant –
quelqu’un m’a dit le monde va trop vite, j’ai répondu oui, par paresse, sans réfléchir, & j’ai même ajouté, par lâcheté :
oui, le monde va trop vite.