[premier trimestre 2011]
la mémoire fait des sauts la mémoire fait défaut il y avait trois comptines, la 1, la 2, la 3 si je sais compter ici je retrouve la comptine 1, là la comptine 3 mais où est passée la comptine 2 ? …la voici, on dirait la cousine de la pyramide de verre que je caresse avec mes cinq doigts de la main gauche
Comptine 2
J’ai un nom, petit. Tellement petit, ce nom, que parfois je ne sais pas où il est, je le cherche au fond de ma poche, mais n’y trouve qu’un bouton, petit. Je caresse secrètement ce petit bouton dont il me semble me souvenir qu’il est bleu marine. Il ressemble à un bonbon. Mais je n’ai jamais mangé de bonbon bleu marine, il me semble. J’appuie dessus, je presse ce bouton, pensant qu’il en jaillira mon nom, si petit, perdu, dans cinq et cinq lettres. Cinq et cinq s’annulent, nous l’avons appris. Cinq en face de cinq dessinent aux yeux du marquis un, comment ça s’appelle déjà, un pas-de-deux, non, une sérénade, non, une valse, mais non, un menuet avec les petits chaussons, les socquettes de chat tout doux sur le plancher. Le bouton d’où le nom refuse de sortir, se perd dans un repli de la poche, en soie. Je cherche toujours mon nom, si petit, je farfouille dans la poche, en soie, de plus en plus distraitement, jusqu’à ce que je m’aperçoive que ma main droite a disparu, elle aussi, dans la poche. La soie aurait absorbé le nom, le bouton, la main. Cinq et cinq s’annulent, et je retiens rien. Je vais sur le quai surprendre le train sifflant deux fois dans la nuit de soie. Et je siffle mon nom avec les doigts de ma main gauche. Les cinq doigts de ma main gauche sont cinq, j’en ai des vapeurs, que le train retient, dans la nuit.