Les gens ont envie d’être aimés : ça commencerait comme ça.
Ce serait un truc facile, de début de crépuscule entre deux saisons.
Un truc qu’on ne réfléchit pas.
On a oublié le passé, on se demande même s’il a existé.
On écoute du jazz et on baille ; c’est le soir ; l’heure bleue dépassée.
On ajoute “désormais”. Et le piano et la flûte. Ou un autre instrument à vent. On n’est pas sectaire.
Puis ça ralentit. Forcément. Avant de s’éteindre tout à fait.
Enfin, on n’en est pas là, rien n’est encore éteint.
Mais on ne peut s’empêcher d’anticiper, ça nous perdra.
Charlie Mingus à la fin des années 50. Ce crépuscule qui n’est déjà plus.
On se demande. Non, rien.
On rêve de la transparence absolue. Tout serait juste.
La note juste, celle après laquelle on court, et en attendant, on en fait des fausses.
En attendant, mais on n’attend plus rien.
Mais oui, les gens ont envie d’être aimés, c’est sûr.
Au crépuscule : pour faire joli. Il n’y a pas que le crépuscule dans la vie.
Il y a la vie ; et le crépuscule.
On a mangé de l’andouille et pris plaisir à détacher la peau des tranches.
On ne va quand même pas manger le boyau qui entoure l’andouille.
On ne se souvient plus du nom de l’andouille, mais elle se marie bien avec la bière.
On serait presque attendri d’avoir une pensée aussi plate.
Et bientôt, on ne se souvient plus du tout de pourquoi les gens ont envie d’être aimés.
Parce qu’il n’y a pas de pourquoi.
Ils tendent leur petit museau et attendent les croquettes, les gens.
[1er mars 2021]