jour 15 – De cet abandon aux circonstances, de ce qu’il serait possible de considérer comme abandon aux circonstances, à première vue, reste des miettes et des lamentos, des largos, des ralentis, des violons : ce faisant, VM a-t-il un for intérieur dans sa chemise hawaïenne ?
Fernando s’est absenté. Il a longtemps répété le bleu des lumières et du ciel : bleu des interférences, des ondes, là-bas sur le pont métallique ; bleu évident du ciel bleu qui n’est bleu que parce qu’on le dit bleu : il y a de la chimie dans le ciel. Il l’a répété au matin et durant les soirs, de sa fenêtre ou depuis les rues, en marchant ou en restant assis à son bureau. Il s’est absenté, il a quitté son bureau et dévalé les rues jusqu’au port. Là, il a regardé les bateaux, s’est imprégné des couleurs et des noms, il est demeuré devant, sans beaucoup d’initiative : l’univers était devant et sans lui alors que lui était là. Il n’y avait pas beaucoup plus à dire, mais Fernando persistait, en portugais et devant les chantiers, les grues sur lesquelles les gros oiseaux lourds se postaient, à l’affût des poissons.
Il était triste, continuellement triste, et puis parfois subitement non triste. Il était ce qu’il était, avant de s’absenter. Il ne parlait plus, il ne marchait plus ; il s’est assis sans voir exactement sur quoi, à quoi bon le savoir ?
La curiosité de Carola à l’égard de Fernando n’a pas de limites : la voix de Fernando lui parvint très faiblement, voilée par une petite moustache fine. Pourquoi ajouter une voix à une autre voix ? la question avait déjà été posée, elle ne la balayait pas. Au bord de l’eau, de ce même quai, les pêcheurs, les promeneurs, les objets, les pierres : une délimitation sans finalité, durant des siècles.
Carola et Fernando dévalèrent la rue en riant, ils sont des enfants et personne ne peut les arrêter. Au contraire, de nombreuses caméras les suivent et des hourras saluent leur passage.