UN ROMAN DES JOURS RAPIDES – jour 13

jour 13 – L’époque milieu des années 10 : apocopes et aphérèses comme antiquités-même puisque l’original a été pulvérisé : lambeaux de syntaxe, miettes d’usage grammatical, péripéties lexicales, ponctuation inerte. Et naissance de cette indigence du signe, née de la rencontre entre des émotions et des intentions graphiques.

VM n’écrivait plus. Il était rerentré tout entier dans son propre livre, dans ce qu’il avait décrit : plus d’identité, comme renfrogné, groin dans l’en-dedans. Il était retourné dans les pages et s’y était perdu réfugié. Les livres comme catafalque. Une grande chapelle coiffant les désirs, les absorbant en un grand tout d’absences et de cris muets.

2014. Les corps passent et se pressent, devant lui, se bousculent, se haranguent, se poussent. C’est sa lecture, il ne lit plus que ça : les corps informes, et le journal du jour, et encore, pas l’intégralité.

Il lui arrive de partir, à l’étranger, plutôt à l’étranger, et pas longtemps. Il veut visiter des endroits, c’est tout, que des endroits, rien d’autre. Quand il part, qu’il voyage, les gens ne l’intéressent pas, il ne veut pas les rencontrer, leur parler. Il ne veut voir que les endroits, ne vient que pour ça, les endroits. Ici, il ne veut ni joindre ni être joint ; il n’a pas de portable. Là-bas, dans les villes, il descend dans des hôtels modernes, il aime la modernité, les chambres au décor standardisé, où aucune trace du passé n’est perceptible.

Il visite. Il aime l’anonymat. La fin de l’identité l’a soulagé. La fin de la question plus exactement. La fin de toutes les questions dont il s’est débarrassé : plus d’absolu ni de relativité, plus de début ni de fin, un être-là devant. En carafe.