?¿ cette obsession de l’équanimité ¿?

 

 

L’homme pêche, ça commence toujours comme ça, devant un lac, au bord du lac, il pêche. Il est concentré, il a un chapeau assez plat qu’il porte sur le milieu du crâne, ni trop près des yeux, ni de la nuque, non : comme il faut, qu’il soit plat, que la fonction du chapeau soit de couvrir sa tête, très simplement, n’entrave pas ses gestes. Le protéger du soleil serait accessoire.

Bref ce pêcheur-là. Un peu trapu, pas forcément lent, on peut saisir des gestes vifs à le regarder, voire le scruter, le surveiller peut-être ? Pas très grand, bien qu’on ne voie pas la taille qu’il aurait debout, tel qu’il est assis sur son tabouret à anse rectangulaire évasé en osier avec son matériel dedans.

Un homme paisible, qui aurait renoncé aux bruits du monde, aurait-il des cheveux gris ? L’homme est là depuis un moment, il n’a aucune raison d’être ailleurs ; il pêche. Il en montre tous les signes, sans aucune précipitation ni ostentation. Il se penche sur l’hameçon, réajuste l’appât, lance le moulinet, fait le nécessaire.

(Pour quel regard ?…)

– – on ne répond jamais qu’à côté – –

 

 

traversée de la place Vendôme

global merdier & mère surface

le fait-divers a tout recouvert

un envahissement de poussière

une petite bande minuscule invisible et invincible

*

le développement aurait pris du temps
il aurait fallu marcher longtemps
secouer la tête
discuter
ergoter

*

même les conditionnels sont miscibles dans l’eau
un peu de chimie organique
un peu de mécanique des fluides
un peu de quantification gravitaire
un peu d’au-delà dédié

*

global merdier & mère surface

l’être dedans

tout est d’avant

à partir du Ritz son humeur changea

peut-être même une écharpe de ciel bleu ?

[il n’y a] plus rien que je sache

 


je me laisse aller en écoutant Barbara chanter sa chanson sur l’inceste qu’elle a subi

couper la phrase ?
je me laisse aller, zuerst
und dann, wir sehen au futur : wir werden sehen
oui, tout ce que nous verrons se verra

je me laisse aller, je suis une sorte de liquide épais coulant comme du caramel
(la panique me saisit quant à couler sur quoi)

et maintenant on nous sert Jean Ferrat
on revient dans les années d’enfance lorsqu’on mettait ce disque
sur la platine dans cette famille qui l’aimait tant
pourtant que la montagne est belle
comment peut-on s’imaginer, en voyant un vol d’hirondelles

pourrions-nous savoir ce que nous aimions, enfants ?
nous aimions ce qui était aimé par nos parents (et alors ?)

ce dimanche ressemble à un samedi
à la radio
il y a cette fête de famille, ce soir, peu après le solstice :
l’enfant paraît, les jours grandissent, etc.
et maintenant Nougaro : dansez sur moi le soir de mes funérailles

quelque chose d’incompréhensible se produit :
la couleur du bois est celle du caramel que je suis devenue

dans mes oreilles et dans mes yeux
dans mon ventre
au bout de mes doigts
ce sera plus simple si je me laisse aller en caramel bois
zuerst ; un dann, wir werden sehen…

24 décembre 2023
faux conte solipsiste de N.

 

les choses, a posteriori, se minimisent

 

 

– – écartées les pensées
équerre et compas de maçon

dans l’espace en trois dimensions
des pensées collées riz gluant

donnez la mathématique
recouverte de moire

du souvenir l’inconsistant
pourtant ramassé

éprouvera quittance
& du temps l’infinitésimal

achevé au loin disparaîtra
fumée de l’oubli : cliché

oeil disparate cacodylate
recherchant mémoire fouillis

hors image hors précieux
hors dimensions hors exégèse

parfum dernier recroquevillé
enroulé roulé déboulé sevré

ici une main se chargera
d’officier pour parachever – –

< Je ne suis pas un robot >

 

 

 

Je vais voir quelqu’un parce que je ne sais rien. J’arrive au guichet. Je ne vois pas comment je vivrais sans guichet. Il y a un trou peu commode au bas de la vitre, étrange, rectangulaire écrasé, on ne sait pas à quoi peut servir cette découpe, je ne sais pas où parler. Si je parle à la vitre il y a peu de chances pour qu’on m’entende ; si je parle au trou, il faut que je me baisse, ce n’est pas à ma hauteur. Je me sens gauche. Je ne sais pas trop pourquoi je suis là.

La fille me tourne le dos. Ses cheveux noirs. C’est pas forcément une fille, comme moi je ne suis pas forcément une femme. Rien n’est certain. Je ne sais pas ce que je lui dirais. Pourvu qu’il reste encore un guichet. Ils les ont tous retirés, ou presque. Trouver un guichet est presque en soi une joie. Y parler, une sur-joie. Parler à un guichet, façon de parler, mais quand même.

Je sens quelqu’un sur ma gauche, qui pourrait aussi vouloir parler au guichet. Immédiatement je perçois l’ennemi qui me passerait devant, dont le corps se mettrait en travers, dont la parole fuserait avant la mienne. C’est quelqu’un qui se rapproche au point de vouloir me rentrer dans le bras. Je résiste, mais j’ai le bras gauche assez faible, je ne peux pas barrer l’intrus. Je ne veux pas bouger. Les cheveux noirs sont toujours là, un peu moins visibles, comme s’ils s’étaient éloignés du guichet, comme s’ils se désintéressaient de cette lutte de bras.

La personne derrière le guichet se retourne enfin, cessant de ne montrer que ses cheveux. C’est un homme, plutôt. Enfin je crois. On dirait un être créé par IA. Les yeux sont remarquablement fixes, de couleur profonde, dense, marine.

                                              ”Réflexions”, Emmanuel Barrois, 2023.  Domaine national du Palais-Royal.

comment tuer un livre par son résumé

 

Dublin (ter)

 

Il ne reste presque rien de leur promenade dans Dublin.

L’achèvement de la bipolarité mondiale laissera le monde monde : unique. Un seul monde accouche de la mondialisation du monde. Fin des ennemis. Eux vont faire un enfant l’année prochaine. Ne le savent pas encore. Un peu des ennemis comme ceux qui s’aiment ; s’unir pour procréer un être unique.

Le temps présent : Gabrielle et Luca sur le pont supérieur du ferry, accoudés au bastingage. S’ennuient. Les années 80, vaste désert d’ennui. Avant la déflagration berlinoise qui préfigure l’enfant. Un mur tombera.