mariage dans le rectangle

le temps n’a jamais été ce qu’il est, non, le temps ne l’a jamais été
non ? non long ? non semi-non ?

un lion a rugi et c’était le soir, il y avait de la purée à manger
le lion n’aime pas le jambon

participer à une lutte des classes empêche les ronds-de-jambe
un imbécile crie dans la nuit, ce n’est pas grave

dans la perspective d’être engagée, une femme ronronne très fort
au même moment, un bus passe

je me couche en rond, rabats le plaid, dors, me réveille
une heure plus tard le monde continue

à force de politesse, ils sont devenus mous comme du réglisse
et leurs mains inutilisables

rien de ce qui sort des bouches n’est vrai, sauf le vomi
le mur n’est pas tout à fait droit

c’est particulièrement pénible de vous voir acquiescer à tout
pour brouiller les pistes, prôner l’hiver

la majeure partie des messages est obscène, l’autre sans réponse
composer cette musique demande du doigté

la pluie et le beau temps sont ennemis mais pactisent parfois
sur un tas concret d’interrogations

c’est tout ce que je peux pour toi, donne la papatte, allez
souvenons-nous du structuralisme

la chanson a quelque vertu probante, ne m’oublie pas
reste avec moi, nous irons à Mexico

ce qu’ils espèrent, toujours et encore, devrait être mis en page
fors l’impatience des délais

couper la parole avec une scie sauteuse revient à
saucissonner le vous pour s’y mettre

si la parole était verticale, il y aurait de nombreuses fumées
le tire-bouchon est aussi une allégorie

il y a toujours des fins, l’agacement de certains fruits le prouve
un peu de peinture suffira

matière de ce qui chatoie

ça a duré / se compte en jours / plis à suivre

rubans minéraux immédiatement transformés
immédiatement dégainés de leurs hauteurs
et frappés à terre

ça a duré / transformations observées

et même choses désagréables telles
musculatures avachies
encore transformations encore (reprise de guitare)

ça durera / les morts arrivent à maturité (meurent)

dégradations quand ça ne regarde plus
inscriptions au col des vêts déboutonnés
inscriptions sur la pierre plate

ça durera entre tirets / des années le dol

ire jamais consommée
restauration d’une tension encore palpable
matière de ce qui chatoie

fouillis de gnomes en plongée

ça partait d’un aquarium puis tout a disparu
les jours passaient, on ne savait pas s’il allait pleuvoir, s’il pleuvait,
si le gris s’installait,
ou le bleu, ou le rayé gris-bleu, ou le laiteux

les gnomes plongeaient sans relâche, l’un après l’autre, en glissades saccadées
et en grimaçant (au-delà de leur être de gnomes déjà grimaçants)
ils s’accrochaient au rebord de l’aquarium et parfois partaient d’un grand rire
ce qu’ils regardaient ? le spectacle en face
puis en s’embrouillant, très véloces, ils se désarticulaient : on entendait des sons

après ce passage des jours et des couleurs incertaines
l’aquarium s’est ramolli comme les montres molles de D.
les sons se sont assourdis, les gnomes gélifiés et mangeables

Nicolas Poussin, Le Temps soustrait la Vérité aux atteintes de l’Envie et de la Discorde, 1641

certains sont aimables et le restent

dans la politique précise, les humains sont confinés
au début ils sont seuls, ils se relèvent la nuit sans marcher
ils rampent au-dehors dans la nuit noire et sans pissenlits
ils lèvent les sourcils mais n’ont pas d’yeux

il lui avait
il n’y a rien
avec trois
parce que
ressemble
veut pas
et à ses
tout aurait
ordre.

Mais oui
l’existence
à la fonte
Ah mais
Et puis vous
mort saisit
et des pots
Et si elle
chat n’est
Rien ne
vous n’êtes

il lui avait demandé, elle aussi avait demandé
ils questionnaient, ils écoutaient la réponse
puis ils se sont mis debout et ont ouvert les yeux
après la nuit est venu le jour : ils marchent encore, ensemble

le steak haché est décongelé

je remets le micro-ondes sur jet 900 pour la prochaine fois
sinon ça ne marchera pas pour réchauffer

un avocat sur la table présente une traînée verte dans le brun
en fond, un peu de piano dont j’ai baissé le son pour téléphoner
ou pour sembler téléphoner, ou pour envoyer un sms
que finalement je n’ai pas envoyé : je me suis ravisée

ravisée : le nombre de fois où je me ravise, je fais puis ne fais pas
le son de la radio reste baissé, le piano ralentit, encore un peu

ma voisine veut apprendre à jouer du piano, voudrait en acheter un,
électronique, le mien ne sert pas, il sert à ce que je le regarde,
alors que les fonctions du micro-ondes, je les utilise
sans me raviser, je tourne les boutons, c’est tout

pour écrire, je ne décongèle rien ni utilise la fonction jet 900
je n’écris pas un steak haché congelé, encore que je pourrais

Pierre Soulages, peinture 162-114 cm, 27 août 1958 (détail)

à partir d’un solécisme fuyant

je suis dans le beige rosé jaune
je le suis, verts carreaux bleus,
onomatopées d’alignements bleus
je le suis, beige rosé carré, jaune devient
jaune devient lumière et rose rouge
noyau rideau, je le suis, ce rosé beige
et tête penchée, j’écoute beige et jaune