fouillis de gnomes en plongée

ça partait d’un aquarium puis tout a disparu
les jours passaient, on ne savait pas s’il allait pleuvoir, s’il pleuvait,
si le gris s’installait,
ou le bleu, ou le rayé gris-bleu, ou le laiteux

les gnomes plongeaient sans relâche, l’un après l’autre, en glissades saccadées
et en grimaçant (au-delà de leur être de gnomes déjà grimaçants)
ils s’accrochaient au rebord de l’aquarium et parfois partaient d’un grand rire
ce qu’ils regardaient ? le spectacle en face
puis en s’embrouillant, très véloces, ils se désarticulaient : on entendait des sons

après ce passage des jours et des couleurs incertaines
l’aquarium s’est ramolli comme les montres molles de D.
les sons se sont assourdis, les gnomes gélifiés et mangeables

Nicolas Poussin, Le Temps soustrait la Vérité aux atteintes de l’Envie et de la Discorde, 1641

certains sont aimables et le restent

dans la politique précise, les humains sont confinés
au début ils sont seuls, ils se relèvent la nuit sans marcher
ils rampent au-dehors dans la nuit noire et sans pissenlits
ils lèvent les sourcils mais n’ont pas d’yeux

il lui avait
il n’y a rien
avec trois
parce que
ressemble
veut pas
et à ses
tout aurait
ordre.

Mais oui
l’existence
à la fonte
Ah mais
Et puis vous
mort saisit
et des pots
Et si elle
chat n’est
Rien ne
vous n’êtes

il lui avait demandé, elle aussi avait demandé
ils questionnaient, ils écoutaient la réponse
puis ils se sont mis debout et ont ouvert les yeux
après la nuit est venu le jour : ils marchent encore, ensemble

le steak haché est décongelé

je remets le micro-ondes sur jet 900 pour la prochaine fois
sinon ça ne marchera pas pour réchauffer

un avocat sur la table présente une traînée verte dans le brun
en fond, un peu de piano dont j’ai baissé le son pour téléphoner
ou pour sembler téléphoner, ou pour envoyer un sms
que finalement je n’ai pas envoyé : je me suis ravisée

ravisée : le nombre de fois où je me ravise, je fais puis ne fais pas
le son de la radio reste baissé, le piano ralentit, encore un peu

ma voisine veut apprendre à jouer du piano, voudrait en acheter un,
électronique, le mien ne sert pas, il sert à ce que je le regarde,
alors que les fonctions du micro-ondes, je les utilise
sans me raviser, je tourne les boutons, c’est tout

pour écrire, je ne décongèle rien ni utilise la fonction jet 900
je n’écris pas un steak haché congelé, encore que je pourrais

Pierre Soulages, peinture 162-114 cm, 27 août 1958 (détail)

à partir d’un solécisme fuyant

je suis dans le beige rosé jaune
je le suis, verts carreaux bleus,
onomatopées d’alignements bleus
je le suis, beige rosé carré, jaune devient
jaune devient lumière et rose rouge
noyau rideau, je le suis, ce rosé beige
et tête penchée, j’écoute beige et jaune

mémoire fraîche & grammaire courte

mémoire fraîche
dans l’allée moirée
ses reflets zim-zim
découpage d’ombres
swinging elle
pans voletant
grammaire courte
sous l’eau
respire : bulles
herbes au vent
folâtre chien
ses poils doux

c’est-à-dire : c’est / après

[avec J. Coltrane]

parfois (il y a) tant et si peu
sautillant répétant un temps fort un temps faible
sautillant glougloutant perpétuant
sautillant coulissant frénétique
inassouvi descendant sautillant
reprenant sautillant sur sept tons
sautillant fifille sautillante
creusant fouissante aiguisante

et reconnaissant un rythme soutenu, un rythme tout à coup changé
un rythme à dire, tout à coup changeant de registre
et même de responsabilité de dire, un sabir si on veut
c’est à dire : c’est / après

ensuite alanguis, avancés sur des promontoires voluptueux
comme ils se servent des notations et des paragraphes
ont la capacité d’écrire pauvrement, de rédiger de pauvres lettres
parfois (il y a) tant et si peu dans la finition de la ligne mélodique

voix reprendrait chef sifflet alors.