un calme règne
une lumière blanche étrange
de ces jours sans nom
jours indifférents
exister dans les interstices
un calme règne
d’un autre jour
sa lumière bleutée douce
des questions l’horizon
des réponses l’absence

Édith Msika, maison d'écriture
écrire et ne pas écrire : ce mouvement
un calme règne
une lumière blanche étrange
de ces jours sans nom
jours indifférents
exister dans les interstices
un calme règne
d’un autre jour
sa lumière bleutée douce
des questions l’horizon
des réponses l’absence

Autrefois quand la Terre était solide, je dansais, j’avais confiance. À présent, comment serait-ce possible ?
On détache un grain de sable et toute la plage s’effondre, tu sais bien.
Henri Michaux, « La Ralentie » in L’espace du dedans (1944)
rien sans souffrir
rien ne suffit
se déposent sur la page
ou encore
lu au cimetière
”RIEN”, de Pierre Reverdy, in Sources du vent, 1949
je ne me souviens de rien
interdite je scrute le rien
et encore
ce décor d’une enfance
où un je a vécu
où un autre a vécu et tant écrit
plus rien qui danse
c’est si difficile
et rien ne rime à rien
plus rien qui danse
et pourtant
ça danse encore
ce décor malaxé
dont le nom répété
crie vie grâce aux morts /

Le retournement est le Principe, il n’y en a pas d’autre.
Le conte des cervelles : une femme attend des cervelles dans un restaurant, elle s’en pourlèche d’avance, avec les brins de persil qu’elle se représente, elle adore la cervelle,
mais dans son assiette, le poisson n’en finit pas, elle aime aussi beaucoup le poisson, ce poisson est du cabillaud, il se défait en lamelles, elle aime beaucoup mais quand même, il dure, il dure…
Elle adore la cervelle mais elle attend des cervelles, le pluriel est important.
Dans son assiette, ce poisson n’en finit pas, comme si l’assiette continuait d’être remplie au fur à mesure, elle en est étonnée, comment, je n’ai toujours pas fini ce poisson ? Il en reste encore ? Comme c’est bizarre…
et ces cervelles qui n’arrivent jamais…
Elle a commandé autre chose qui n’arrive pas non plus, mais cet autre chose, elle n’arrive pas à se souvenir ce que c’est, c’est quoi cet autre chose qui n’a ni singulier ni pluriel ni forme ni texture ni couleur ?
• les cervelles ne sont
jamais arrivées
& l’autre mot a disparu,
la chose avec• s’éloigner de la langue fait attendre
les cervelles, fait languir l’écervelée

souvent le mot d’avant surgi par assonance avec celui qui est déjà prêt dans ma tête
exemple : en particulier surgit juste avant particules (fines), comme par hasard, comme si mon cerveau avait besoin de doubler le mot qui vient d’un autre, d’un préalable
expérience :
je bois mon café jusqu’au bout (rien)
je bois mon café jusqu’au fond de la tasse (rien)
==> conclusion : je ne sais pas quand ça se produit (prédictif)
de temps à autre je m’arrête de vivre : ça ne me dit plus rien : j’arrête !
un objet est un objet de torture aussi bien qu’un objet esthétique, un objet à voir, à apprécier, duquel retirer un plaisir esthétique
(le pourtour métallique de l’entrée d’un puits dans lequel un homme ukrainien a été attaché plusieurs heures)
note du 14 février 2023

les gens ont des vies de gens
il est possible que tout soit possible
le je traître, le je extérieur, le je baladeur
tout est faux et répété
il est question d’une miette
avant j’étais une miette
dorénavant je suis une miette
je ne dirai plus rien
(Gesang aurait dû être, Gesang n’est pas, Gesang est impossible,
Gesang est à Schubert ce que la pluie est à l’automne,
si ça continue, Gesang reviendra et ce sera malin, tiens)

Elles s’appuient à la rambarde, la petite, la grande, au bord de l’eau. La petite a écarté ses bras pour s’accrocher à la barre la plus haute, se hissant légèrement sur ses pieds chaussés de souliers et socquettes blanches.
La grande tient un sac à main à peu près au même niveau que la barre. Elle est légèrement de biais, non pas penchée sur la petite, mais un peu de biais. On voit ses pieds dans des socques plates à la semelle préformée, en bois, comme les Allemandes en portaient dans ces années 60 l’été. Elle aime les Allemands et l’Allemagne.
Elle est vêtue d’une jupe en pied-de-poule et d’un pull ras-du-cou à manches courtes possiblement beige. On ne peut pas savoir, la photographie est en noir et blanc. Elles sont séparées par un espace. La petite porte un petit gilet gris clair tricoté par sa mère. La grande, c’est sa mère. La petite a huit ans, la grande vingt-huit. Elles sont à Bâle. Le père aurait pris la photo.
Ils sont allés voir Tinguely, ses machines inutiles. La mère dit Tin’-gue-ly comme si elle le connaissait bien. La petite entend le bruit des machines qui répètent le bruit sans rien fabriquer. L’entend comme l’exacte métaphore du monde : beaucoup de bruit pour rien.
