Bucarest, 5 juillet 1854.
Chère et excellente tante !
C’est un grand homme, c’est à dire un homme capable et honnête comme je comprends ce mot, un homme qui a voué toute sa vie au service de sa patrie, et pas par l’ambition mais par le devoir.
Votre Léon Tolstoï
(Lettres de Crimée à sa tante, Tatiana Alexandrovna Ergolskaïa, écrites en français.)
De la main qui écrit, je perds ce que j’aurais eu en n’écrivant pas : les paroles, ces conversations, ces gens que je ne connais guère mais qui vivent près de moi, des mêmes ressources dont je ne suis pas jaloux qu’ils aient une plus grande part que moi, car c’est bien ma faute : écrire, à ma manière, me met à part, j’abandonne le terrain.
Henri Thomas
Spectacle rafraîchissant de voir le matin l’eau se mettre à courir dans les caniveaux. Tous ces rus rutilants qui font irruption parmi les voitures comme si, soudain, la campagne était là, à fleur de bitume.
Jean Clair
Comment Pascal a-t-il pu écrire, même au brouillon, que « le moi est haïssable » ? Nous connaissons aujourd’hui pire que la haine de soi : la perte complète du moi, la « désolation » (loneliness) dont Hannah Arendt a diagnostiqué les effets ravageurs sur l’homme de masse, en proie à l’idéologie, voué aux abstractions : privé de la faculté d’éprouver une expérience, il ne sait plus que déduire et encore déduire.
François Lurçat
[source commune : NRF, Juin 1984, N° 377]