les petites choses

– Alors, ce petit observable ?

– Vous vous en souvenez ?

– Mais bien sûr que je m’en souviens, bien sûr !

– Ce sont les petites choses à partir desquelles se construit la perception

– En d’autres termes ?

– Ah oui… en d’autres termes, je ne comprends pas pourquoi parfois je suis si pauvre de termes… Je pense à la fois aux fourmis, comme petit observable, et à l’amour, comme grand impossible, que je ne connais pas, ignore, surface blanche, redevenue blanche, qui meut tant de textes, tant de voix, tant de souffrances et de déchirement. Les oiseaux aussi : le vol d’un oiseau incroyable, horizontal rapide, au ventre jaune, aux ailes électriques rouges, à la tête noire, comme le drapeau allemand en version mécanique, passant dans un village abandonné flap-flap-flap en accéléré, porteur de bonnes nouvelles. Les oiseaux, le soleil, les blés, la bruyère violette, des fleurs avec des clochettes délicates vieux rose poussées sur un champ non cultivé. Le petit observable se trouve difficilement en ville où les trottoirs occupés bruissent des maladies de la promiscuité

– L’amour ?

– Oui, en passant, le grand inconnu, le grand recommencement, sans possibilités de dimensions, comme si on avait un mètre qui jamais ne calcule la bonne dimension, on s’y reprend à des milliards de fois, et c’est impossible. Une fourmi, oui, une fourmi et sa colonie organisée, dans l’enfance, vue par une enfant, ou un enfant, enfin quelqu’un qui n’a que quelques années d’existence, pour qui vivre ne se calcule pas. Les fourmis, les oiseaux, les foins, voire les roseaux, sont souvent liés à l’amour dans la littérature, je ne sais pas pourquoi, avec les champs, les forêts, et les elfes

– C’est joli les elfes

– Oui, ça ne tient pas de place et c’est très décoratif, léger, aérien, dans la phrase pas facile à placer, mais très attirant ! et sans sexe ! un ou une elfe

– Aaaaah, ça !

– Oui, enfin, ça ou autre chose !

– Pas du tout ! pas du tout autre chose ! les elfes et l’amour !

– Je pense tout à coup : les selfies ? s et i en plus, c’est ça, ils recherchent leurs âmes perdues à coups de clic-clic ? les perchistes de la littérature perdue !

– !…