Chers hommes,
Vous les hommes, qui m’accompagnez depuis si longtemps et à qui j’écris épisodiquement,
à qui j’écrivais dans le dernier quart du dernier siècle,
vous étiez quatre, des morts et des vivants écrivant,vous à qui j’écris ce matin qui n’a rien de particulier,
vous à qui j’écris ce matin dans ma douche, comme d’autres chantent, vous les hommes âgés,vous êtes les hommes à qui j’écris, de mon point de vue, de mon état de femme devenue.
Debout, je tends les bras vers le haut et m’étire, puis je les étends latéralement, je respire, j’inspire et j’expire, je ne respecte que ce qui vient, rien d’autre. Je ne respecte jamais rien d’autre : ce que je fais est ce que je fais. Je fais attention aux obstacles, à ne pas me cogner (je vis dans un espace exigu, métaphore spatiale de mes limites, acceptées).
Je vous écris bien des choses, mais le plus important est de vous écrire, et rien d’autre.
Vous êtes moins nombreux aujourd’hui, vous n’êtes pas forcément les mêmes, cela faisait longtemps que je ne vous avais pas écrit.On cherchera si je vous aime. Bien sûr que je vous aime (mais l’amour ne veut rien dire, ne veut rien) !
Je vous ai aimés et oubliés. Peu à peu. Vous formez un tapis de muraille et parfois l’un d’entre vous se détache nettement, je m’adresse à lui, je commence à vous écrire, je vous écris, à l’un et aux autres, plus flous.Ma reconnaissance envers vous n’a pas d’origine identifiée, mais elle existe.
Depuis mon état de femme devenue, je vous écris.
Une autre fois, je vous écrirai encore. Même si vous ne répondez pas.Avec affection et liberté,
L’auteur
cette lettre est très émouvante…