le passé composé est aussi un futur

[teintes d’automne]

Frans Pietersz De Grebber, Banquet of the Officers and Subalterns of the St George Civic Guard, 1619 (détail)

qu’est-ce que ça fait de pas être précis ?
j’en sais rien.
mais quoi ? qu’est-ce que ça fait un mot à la place d’un autre ?
qu’est-ce que la certitude ?
j’en sais rien mais j’aime pas les imprécisions.

qu’est-ce que ça fait au juste ?
ça fait du faux. du faux prononcé avec conviction.
ça fait que l’autre y croit ?
oui. et c’est faux.
et l’autre crie c’est pas vrai c’est pas vrai !
oui.
et l’autre n’en démord pas ?
oui.
et l’autre souffre ?
oui ! atrocement. et pour rien.
pour rien ??
oui ! il souffre pour la vérité.
il ne peut pas rectifier ?
non. son faux lui sort de la bouche il n’y peut rien.
même si ça a des incidences graves ?
oui ! c’est fait pour ça ! mais c’est pour lui les incidences.
pour lui ??
oui, c’est ce qu’il croit lui, son faux comme vrai. il a besoin des incidences.
oui mais il le dit à l’autre ! il l’affirme même !
et alors ? les incidences issues de son faux l’aident.
laides ?
laides comme ses plaintes. qui l’aident avec les incidences.
il a besoin de son faux, des incidences, et des plaintes ?
oui, c’est à peu près ça.
c’est la définition du névrosé !
en quelque sorte.

la regarde et dit Budapest

dans son emballage plastique reste par terre
un quatre couleurs

l’homme a fini de fouiller, l’homme petit homme
tout maigre et tout courbé

du quatre couleurs il essaie la couleur verte
sur le rabat du carton

le ramasse et l’essaie dans un geste nerveux
le jette au fond de la poubelle avec un petit rire gêné

demande si ça va, de remettre le couvercle de la poubelle
appuie sur les sacs pour le fermer

regarde la femme avec un regard aigu
et dit Budapest

non, c’est pas pour lui le quatre couleurs
il n’écrira pas

il n’a jamais écrit
la regarde et dit Budapest.

l’érosion du pied de la lettre

je parle de nombreuses fois après avoir dansé
et claqué dans mes mains à la fin
en mouvement, après le dernier temps
c’est à dire hors du rythme, 
- imperceptiblement -

j’ai le rythme absolu avec mes hanches qui dansent
je suis sans tête, il n’y a que mes mains

je parle avec des paquets, c’est fluide, rempli, non prémédité
l’érosion du pied de la lettre est en cours
on pourrait en parler longtemps

je parle rempli, en paquets, sans délai
ma tête est partie ailleurs, mes gestes sont infaillibles
j’ai le rythme absolu

des lames de lumière strient l’idée du temps
et les paquets de parole chutent
plus ou moins bruyamment

l’érosion du pied de la lettre ne cesse pas

les paquets encombrants avec lesquels je parle
je les laisse dans le couloir
et je ferme la porte après avoir dansé

une constante conversation

 

                marque-pages, marque-temps

distance
compas
juste calcul
un siècle auparavant
au loin lac courant
matin
bercement
d’une langue étrangère

diverticule du voir

je caresse une pyramide de verre
je caresse ses pans symétriques
avec la pince de mon index et de mon pouce
je caresse une pyramide

de verre
avec la pince de mon pouce
de mon index et de mon majeur
je caresse une pyramide

de verre
avec la pince de mon pouce
et de mon annulaire je caresse
une pyramide

aux pans symétriques
je caresse avec mon pouce
et mon auriculaire une pyramide
de verre

de la base vers le sommet
je caresse les pans symétriques
d’une pyramide de verre
avec les doigts de ma main gauche

mariage dans le rectangle

le temps n’a jamais été ce qu’il est, non, le temps ne l’a jamais été
non ? non long ? non semi-non ?

un lion a rugi et c’était le soir, il y avait de la purée à manger
le lion n’aime pas le jambon

participer à une lutte des classes empêche les ronds-de-jambe
un imbécile crie dans la nuit, ce n’est pas grave

dans la perspective d’être engagée, une femme ronronne très fort
au même moment, un bus passe

je me couche en rond, rabats le plaid, dors, me réveille
une heure plus tard le monde continue

à force de politesse, ils sont devenus mous comme du réglisse
et leurs mains inutilisables

rien de ce qui sort des bouches n’est vrai, sauf le vomi
le mur n’est pas tout à fait droit

c’est particulièrement pénible de vous voir acquiescer à tout
pour brouiller les pistes, prôner l’hiver

la majeure partie des messages est obscène, l’autre sans réponse
composer cette musique demande du doigté

la pluie et le beau temps sont ennemis mais pactisent parfois
sur un tas concret d’interrogations

c’est tout ce que je peux pour toi, donne la papatte, allez
souvenons-nous du structuralisme

la chanson a quelque vertu probante, ne m’oublie pas
reste avec moi, nous irons à Mexico

ce qu’ils espèrent, toujours et encore, devrait être mis en page
fors l’impatience des délais

couper la parole avec une scie sauteuse revient à
saucissonner le vous pour s’y mettre

si la parole était verticale, il y aurait de nombreuses fumées
le tire-bouchon est aussi une allégorie

il y a toujours des fins, l’agacement de certains fruits le prouve
un peu de peinture suffira