rochers comme des mots ——

l’entassement —— et là-bas brillants

de ces brillances d’escargot, luisent léchés

des rochers, ceux-ci par la mer amassés

 

au bord

 

au seuil exact tenues strictement droites

à la jonction cailloux-bitume

deux silhouettes, petites devant grand mur

 

saluent sourient

 

au bord parapet dessus juché l’immobile

corps lourd attend ——

du désordre l’arrêt net, coupure de la position.

inévitable péripétie ::

On est bien plus nombreux qu’avant.
Je ne me souviens pas qu’on était si nombreux.

On se suit par ordre alphabétique, et la liste est longue ; la liste s’est considérablement allongée.

C’est ce qui arrive lorsqu’il y a de nouvelles naissances : la liste s’allonge.

On s’allonge dans la liste.
On s’allonge nombreux les uns sur les autres.

On est dans une liste longue tous allongés. À force de naître, on est nombreux par ordre alphabétique.

 

 

Je ne me souviens pas qu’on était tant à naître.
Qu’on était tant à avoir un nom.

capture de ressauts

formellement noir et blanc
peut-être une fin
ou une interrogation
en tous cas une précision sur le reste à venir
tout serré ou très élargi
comme deux mots dans la page

une fois posés ces mots ridicules

ceci
n’a
pas
vocation
à
perdurer

pas plus qu’à être dominé par –

une lassitude se fraierait un chemin
sauf que le regard continuerait à quêter
(deux mots dans la page : où ? hou !)

l’impossible agent de la domination,
l’introuvable, celui auquel se confrontent
les révoltés de rien –
alors qu’il leur suffirait
d’une couverture de survie.

 

Giorgio de Chirico, Le rêve de Tobie, Avril-août 1917 .                                                                                     (La présence du mot AIDEL semble ici indiquer la distorsion des valeurs durant ce temps de guerre, puisqu’il est l’anagramme du mot « idéal ». Musée de l’Orangerie)

 

\… ville nue ville sue …/

au volant de la ville nue
de la ville sue

venaient par secousses
les mots, les mots comme décharges
de piles presque mortes

à porter au rebut, à porter au départ du port

les mots

de la ville si sue qu’elle pleura dans le noir

au volant de la ville nue
dévitalisée qu’elle fut

d’électricité qu’elle aura été
de frottements qu’elle serait

au volant de si nue qu’elle est,
la ville sue…

« le trouble envahit le monde »

vivre longtemps sans bouger sans projets
vivre comme ceci est vivre

sans savoir le lendemain est vivre
rien ne se sait jamais

se déprendre du statut de dominant s’apprend,
disent-ils

depuis longtemps vivre sans lendemain

apprendre à ne plus tout contrôler,
disent-ils

démunis, dépouillés, se dit Habenichtse
se dit j’ai, il a, elle a, le néant

âme élastique, âme tribulée,
riche du néant vivre tous les lendemains

Guillaume Le Pape, compagnie Hippocampe, septembre 2020

 

peindre la faiblesse

moment rouge
moment où je tâtonne
moment rouge en haut
moment rouge en bas
équilibration des moments rouges

rouge terreur
rouge coquelicot
rouge aux joues
rouge sang

moments rouges drapeau
rouge dans le vent
rouge sinuant
rouge traces d’avant
rouge écoulant le temps

moment rouge lent