capture de ressauts

formellement noir et blanc
peut-être une fin
ou une interrogation
en tous cas une précision sur le reste à venir
tout serré ou très élargi
comme deux mots dans la page

une fois posés ces mots ridicules

ceci
n’a
pas
vocation
à
perdurer

pas plus qu’à être dominé par –

une lassitude se fraierait un chemin
sauf que le regard continuerait à quêter
(deux mots dans la page : où ? hou !)

l’impossible agent de la domination,
l’introuvable, celui auquel se confrontent
les révoltés de rien –
alors qu’il leur suffirait
d’une couverture de survie.

 

Giorgio de Chirico, Le rêve de Tobie, Avril-août 1917 .                                                                                     (La présence du mot AIDEL semble ici indiquer la distorsion des valeurs durant ce temps de guerre, puisqu’il est l’anagramme du mot « idéal ». Musée de l’Orangerie)

 

\… ville nue ville sue …/

au volant de la ville nue
de la ville sue

venaient par secousses
les mots, les mots comme décharges
de piles presque mortes

à porter au rebut, à porter au départ du port

les mots

de la ville si sue qu’elle pleura dans le noir

au volant de la ville nue
dévitalisée qu’elle fut

d’électricité qu’elle aura été
de frottements qu’elle serait

au volant de si nue qu’elle est,
la ville sue…

« le trouble envahit le monde »

vivre longtemps sans bouger sans projets
vivre comme ceci est vivre

sans savoir le lendemain est vivre
rien ne se sait jamais

se déprendre du statut de dominant s’apprend,
disent-ils

depuis longtemps vivre sans lendemain

apprendre à ne plus tout contrôler,
disent-ils

démunis, dépouillés, se dit Habenichtse
se dit j’ai, il a, elle a, le néant

âme élastique, âme tribulée,
riche du néant vivre tous les lendemains

Guillaume Le Pape, compagnie Hippocampe, septembre 2020

 

peindre la faiblesse

moment rouge
moment où je tâtonne
moment rouge en haut
moment rouge en bas
équilibration des moments rouges

rouge terreur
rouge coquelicot
rouge aux joues
rouge sang

moments rouges drapeau
rouge dans le vent
rouge sinuant
rouge traces d’avant
rouge écoulant le temps

moment rouge lent

 

perles d’ignorance

seule en suspens me saisit
la première note de piano

l’odeur de l’andouille de campagne
me saisit à l’ouverture du frigo

je vois les cerises dans le grès
la laitance de béton dure tant d’années

lorsque je pose un pied sur ce sol
et que la question me saisit

 

 

 

 

tiens, je vais arranger les choses

ce devait être facile : tiens, je vais arranger les choses
mais avant existait autre chose que les choses -
d’autres choses se manifestaient

les choses ne sont pas nées d’elles-mêmes
non pas nées comme ça : la chaîne de causalités
une chaîne avec des maillons multiples
tout imbriqués tout serrés les maillons de la chaîne

notamment nés comment, notamment -
ce pour le volet métaphysique : il y a beaucoup de choses
dans l’ordre des choses : que ça n’est pas

que ça n’est jamais ce que c’est
qu’il faudrait capturer l’instant
que même les grammairiens ne s’y risquent pas -

la chaîne des causalités présente : l’état des choses
en amont, en aval et sur les côtés
sans oublier les facteurs aggravants
& les circonstances atténuantes -

tiens, je vais arranger les choses : 
facilité de laquelle me prévaloir, subitement vaine &
que la chaîne de causalités alourdit d’insensé

La BD métaculturelle de David Moser (1979), page ouverte au hasard de
Ma thémagie, Douglas Hofstadter, 1988