Catégorie : textes
[les textes sont des textes, de toutes sortes, de toutes tailles, et comprennent également ce qu’ailleurs on nomme poèmes]
suite sans suite sans suite sans suite :::
Je suis en suspension. J’ignore aujourd’hui le devenir de cette institution,
et le mien par la même occasion. Il semble que l’ennemi finalement existe,
que des décisions ont été prises pour faire cesser l’existence de cette institution.
Peut-être se sont-ils rendu compte de l’équivalence des identités, justement.
Qu’il n’y avait rien de remarquable à remarquer.
Peut-être ont-ils pris la décision
d’organiser le monde différemment, puisque le monde a changé ?
…dit le narrateur, Yann, à Romuald, vers la fin de
Une théorie de l’attachement, paru chez P.O.L en 2002
Cornelia lui avait posé la question : que comptes-tu faire maintenant ? Rien de plus que toi, avait-il répondu. Personne n’a de nécessité à être. Tu mets du rouge à lèvres, je ne te demande pas pourquoi, et pourtant.
Tu devrais essayer ! lui avait-elle rétorqué, mutine.
Ils marchaient le long de la Seine sur les nouvelles promenades au bord du fleuve toutes entières rendues aux piétons et aux deux-roues sans moteur autre qu’électrique. Les phrases devaient dorénavant faire des kilomètres à force de précisions sur les segmentations des circulations dont l’espace public faisait l’objet. Yann aspirait à l’élémentaire, au balbutiement, aux débuts, mais se dépêtrait difficilement des usages qu’il faisait antérieurement de son vocabulaire.
Il se souvenait qu’il devait rapporter avec précision, que rien ne devait être politique, il ne se souvenait pas de grand-chose, et pourtant il était encore englué.
Je crois toujours qu’il me manque quelque chose, marmonna-t-il en suivant une idée qui venait de disparaître et qu’il tentait malgré tout d’attraper machinalement avec la main droite.
Quoi ? dit Cornelia. Il y a du bruit, encore du bruit, malgré l’absence des voitures. Oui, on entend les mouettes, mais il y a tous ces bruits de fond.
Et tous ces cons sans fond.
Ils étaient à peu près sous le Ministère des Affaires Étrangères, pour situer. Dans l’après-midi déserte ils prirent une bière au Rosa Bonheur, petit format.
[voir aussi Pont de l’Alma ]
ouverture de « cadre »
le soleil se leva à l’Est
ce fut non un embarras / mais
non une découverte / mais
ce fut un usage ce fut un appel
ce fut une orientation
France cadre devint une épopée
une traversée une rivière vigoureuse
tous les reliefs tous les chemins
ce furent des rochers des montagnes
des courants d’air, trop peu
cadre France inclut des châteaux
pentes raides à gravir &
places d’armes glaces à lécher
des formes de variations
quant à l’occupation des sols
eux continuèrent : ils chantèrent
avant que le soleil se lève
cachés, la précision de leur chant
eut pour but la réalisation parfaite
de « cadre » qui s’ouvrit alors.

– – – logiques de l’objet l.
[voix 1 : impasses de l’objet l.]
Dans la salle d’attente, certains sont là depuis plus de vingt ans, ils ne savent plus depuis quand, depuis combien de temps, ils ont suivi vos déménagements, ils se sont tassés, ils portent des lunettes, ils n’ont plus aucune explication, pourquoi en faudrait- il davantage dans la littérature ?
[roman sudiste]
Elle avait beaucoup bu et les lumières rouges du compteur de vitesse avaient tendance à ne pas rester fixes devant ses yeux tandis qu’elle chaussait et déchaussait ses lunettes sans parvenir à leur trouver une position stable.
[roman bourguignon]
Puis il rechausse ses lunettes et continue à vaquer à ses occupations. Elle ne sait pas où se mettre et elle a froid.
[diversion 1]
La sœur du frère est sortie sur son balconnet pour fumer sa clope.
Et il fait en effet au-dessous de 0 degré. Elle porte des lunettes.
[diversion 2]
La fille fume en blanc sur son balconnet. Lunettes.
Assise. Le soleil caresse ses mollets.
[roman corse]
ils parlent de plus en plus fort, droite, gauche, lunettes, col ouvert, crâne chauve, série B, hyperbole, racines noires de la blonde, lunettes, regards affolés, plus rien ne tient, brouhaha, odeurs, haleines, insulaires de France
[hypothèse godardienne]
Des lunettes de soleil immenses cerclées de métal peint en blanc. Les deux personnages au camping campent le plus parfaitement l’ennui absolu ; peut-être que lui, lit, pour l’éviter, elle. Peut-être que c’est ça, la vie : éviter le plus possible l’autre pour ne pas se fondre dedans.
[répétition générale]
Puis, elle a pris la pose en assis-debout sur la deuxième marche de son escabeau, et tenté de capter le récalcitrant rayon de soleil avec ses lunettes de soleil comme un message au soleil.
[roman belge]
l’homme se dirige vers un autre wagon, de dos, elle sait que c’est lui, elle le voit s’asseoir, elle sait qu’il y a la branche de lunettes disposée de telle sorte, et l’étoffe de son manteau épais, gris foncé, et sa voussure, et sa légère calvitie, elle sait que la proue du nez devance son corps, elle sait que c’est lui, elle s’arrange pour ne pas monter dans le même wagon
[digression minuscule]
En tant que fourmi, je vais circuler sur les petits monticules du braille,
et peut-être
faire un crochet par la paire de lunettes contiguë
à l’enveloppe portant le timbre.
[voix 2 : jouissance de l’objet l.]
j’y vois trouble ! lunettes vertes ! lunettes rouges ! lunettes bleues ! lunettes écaille ! j’y vois trouble ! j’y trouble ! j’y lis trouble ! j’y vis trouble !
Mille e tre, cinq, Micaëla Henich et Jacques Derrida, Lignées, William Blake & Co. Édit., « La pharmacie de Platon » (945)
(miettes de proximité I, II & III)
n’embellir pas le passé
que faire d’un stéréoscope et de trois fiers chameaux dans le désert
entre stéréoscope et situationniste
mon coeur ne balance pas, il reste à côté d’eux
quelquefois le verbe vient
au milieu de tous les verbes c’est celui-ci qui vient
celui-ci dans une forêt opaque et inexacte de verbes
disséminés dans dix pages, puis celui-ci vient, seul
1927 un commissaire parle à un suspect
Vous êtes seul au monde, mais oui, et moi,
malgré ma famille, mes amis, je suis, comme vous, seul également.
Nous sommes tous des isolés.
[Emmanuel Bove, La dernière nuit, 1927]
perspective venteuse :::::
1.
ils ont fini par ralentir les choses
tout allait trop vite
ils ne savaient pas comment faire
ils ont ralenti par coercition.
2.
la méthode employée
n’était pas la bonne
ils n’avaient pas tellement de méthode
on a de la méthode ou on n’en a pas.
3.
l’usage des adverbes de modalisation
est une facilité
à laquelle vous devrez renoncer
regardez plutôt devant vous.
4.
la coercition des foules
est très facile à réaliser
prenez un papier
cochez les cases.
5.
devant il n’y a pas de demain
demain n’est que du vent
ça dépend de vous
ça dépend des jours.
6.
ils ne savaient pas comment faire
c’était très vague
les choses devant eux
devaient être tranchées.
7.
demain n’est pas que du vent
si la méthode suit
si la méthode précède
si la méthode est établie.
8.
hum.
pas tellement.
plutôt.
si.